13/10/06

Crimes horticoles - Mélanie Vincelette

crimes_horticoles"Crimes horticoles" est le premier roman publié en France par cette québecoise de trente ans et qui signe là un joli moment de lecture : une jeune fille de 12 ans va vivre en un été les plus troublants sentiments d'amour, d'attirance et d'amitié, sur fond d'un motel désaffecté, avec un père qui cultive en secret des champs de pavots, une mère enceinte et un tuteur qui promet de l'emmener au Maroc en septembre, plus une meilleure amie Nila dont la mère a pris la poudre d'escampette à la naissance, un nouveau vicaire au charme ravageur, un corps de femme retrouvé morte assassinée, des danseuses exotiques et des délires à la pelle. Il y a dans ce roman un doux parfum d'aventure, d'apprentissage juvénile chez cette adolescente qui ne se trouve pas jolie. Cela se passe dans une petite ville atypique et pittoresque, croquée avec humour et tendresse. Il y a, derrière cette fausse jovialité, du drame et un grand cri d'amour désespéré. On y trouve également un précieux héritage d'une école anglo-américaine non négligeable et caractéristique par la brochette de personnages bigarrés et sa narratrice en quête d'identité. C'est bouillant, prometteur et truculent ! A saisir !

Robert Laffont

  • " On aurait pu croire qu'ici les habitants sont nés siamois, avec des pieds bots ou des becs-de-lièvre. Mais c'est le contraire. Partout sur le continent, on clame que les plus belles femmes viennent de La Conception. Elles sont notre trésor municipal. Selon la légende, ce serait l'eau de la source qu'elles boivent depuis la naissance qui leur donne cette peau immaculée, ce teint qui rosit les soirs où l'on peut voir leur souffle condensé s'échapper de leurs lèvres tant il fait froid. Elles ont des yeux qui pénètrent les âmes les plus coriaces et leur peau laisse sur la langue un léger goût de sapinage. "

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Valdingue - Natalie Carter

valdingueUn môme de 13 ans met le feu dans la maison de son grand-père et prend aussitôt la fuite, abandonnant le corps calciné de celui qui l'avait élevé depuis la mort de sa mère, noyée peu après sa naissance. Dit-il, car Antonin vient de recevoir une lettre d'Amérique qui a complètement chamboulé le garçon. Il pète les plombs et part le plus loin possible. Sur son chemin, il croise une femme qui l'appelle Alexandre, elle l'héberge dans une maison sur la plage, près de l'océan. Cette femme, Eve Beauchamps, porte un imperméable beige et n'a plus le goût à vivre non plus. Elle est également en fuite, le souvenir de son garçon semblant la rattraper plus vite qu'elle ne le pensait. Car survient le type, Jean, qui épie ce couple étrange et adresse ses rapports à une fille, qu'il décide de larguer sur un coup de tête, trop las, dit-il, d'être « un coucou velléitaire, élégamment désespéré, dont le principal talent consiste à dégotter des nids douillets où il peut bichonner avec complaisance son incapacité d'écrire » !

Drame en quatre actes, ainsi se résume « Valdingue », premier roman de Natalie Carter, scénariste pour le cinéma et la télévision. On lui doit, par conséquence, une manie pointilleuse à détailler en séquences hachées les scènes de son histoire, qui s'étoffe au fil des pages, suivant l'avancée du roman, qui dévoile page après page son intrigue et les dessous cachés du pourquoi le môme a-t-il tout brûlé, que disait sa lettre d'Amérique, que fuit Eve Beauchamps, qu'espère Jean et que sait vraiment la fille, à la fin de ce témoignage ? Le môme, le type et la fille sont les principaux pôles du roman, autour desquels va s'écrire « Valdingue ». C'est à la fois prenant, pesant et étouffant. Le môme, en ce qui concerne son chapitre, est un gamin violent et détestable, le lecteur devra surmonter son antipathie pour poursuivre sa lecture. Car « Valdingue » est un roman qui mérite le coup d'oeil, pas très long à lire, seulement 140 pages, et une histoire à la fois violente et tragique.

Robert Laffont

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Passage du gué - Jean Philippe Blondel

passage_du_gueUn jeudi d'octobre 1986, Myriam rencontrait Fred sur un air de Martha Davis. Instant de grâce : le jeune homme est sous le charme. Or, Myriam partage sa vie avec Thomas, jeune cadre dynamique. La vie passe... Fred, Myriam et Thomas deviennent un couple à trois, indissociables. Ils s'aiment à leur façon, un peu à la Jules et Jim, mais ils ont une histoire à eux, beaucoup plus nuancée pour être contenue dans une case. Impossible à juger. Simplement, ces trois-là sont des statues de cire qui ne se parlent pas ouvertement. Ils s'observent, ont des fantasmes, des attirances, des envies, des manques, des frustrations, et dans le fond ils se loupent. Mais ce n'est pas grave.

Car ce tout nouveau roman de JP Blondel est vraiment tout nouveau, complètement différent de son style habituel et de son créneau "petite madeleine de Proust" (raconter sa vie sur le souvenir d'un objet ou d'une chanson). "Passage du gué" est un roman beaucoup plus impudique, tout en demeurant sur sa réserve. Il aborde un sujet plus délicat, plus subtil. C'est une démarche osée pour l'auteur, il pénètre un territoire épineux qui concerne les relations entre homme ou femme, il aborde le désir, l'attente, la convoitise. Il se met dans la peau d'une femme et exprime le vide dans son ventre. Il met en lumière l'ambivalence des amitiés masculines. Il devient aussi le lien de transition, celui qui passe le témoin, chasse la souffrance, pousse les souvenirs vers leur sortie. Chez Blondel, on parle alors de la "mémoire des corps", c'est une notion raffinée qui concerne une relation intuitive et instinctive, maniée très intelligemment.
Ce roman a tout pour charmer, troubler, émouvoir et bouleverser. Il vise des contrées secrètes. Il place le lecteur en état de grâce. A aucun moment, on ne peut deviner ce qui va arriver (et on ne doit pas le dire). Et ces trois personnages, Fred, Myriam et Thomas, on les prend dans nos bras, on les aime, on leur souhaite qu'ils s'aiment à fond, qu'ils s'en sortent. Leur histoire n'est pas finie et tout lecteur gardera une place dans son corps en souvenir...

Robert Laffont

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Echappée de lecture

... " Ayant échangé nos adresses, nous nous dévisageons, hésitant à nous dire au revoir. "Puis-je vous poser une autre  question, une question très discrète ? " Elle hoche la tête et je demande : "S'agit-il de lettres d'amour ?"

Elle semble stupéfaite, et je crois d'abord l'avoir offensée. "Oui", dit-elle. Ses yeux brillent. "Des lettres d'amour de la vie. Voilà ce qu'elles sont. "

Après que je l'ai aidée à monter dans sa voiture, Marjorie Guernsey-Jones baisse sa vitre : "Vous auriez été mon préféré aussi."

Jours de juin - Julia Glass 

Posté par clarabel76 à 11:27:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]