Une seconde de plus - Delphine Coulin
Avec ce premier recueil de nouvelles, Delphine Coulin confirme tout le bien pensé et entrevu dans son roman "Les traces". Là, dans "Une seconde de plus", l'auteur prend un plaisir plus parcimonieux à écrire des petites histoires dans lesquelles des héroïnes se confrontent à l'espace temps, à l'infinité dans lesquelles quelques secondes se fondent, précieuses et impondérables. C'est en six fois qu'elle renouvelle ce miracle, six fois le mystérieux enchantement... Cela commence par la rencontre de la narratrice avec une petite fille blonde, étrange comment celle-ci l'interpelle. Et si l'enfant qui était en nous n'était jamais parti, et si l'enfance nous rattrapait pour nous gronder d'avoir abandonné nos rêves et nos bravaches ? On s'imagine sans cesse que "quand j'étais petit, c'était vachement mieux", est-ce bien vrai ?... Puis, une étudiante en géographie est hébergée par un homme et sa fille, le temps qu'elle étudie la rivière qui coule au bas de leur petite maison. Cependant l'étudiante contribue à un projet de barrage qui menace le bonheur tranquille (et fragile) de ses hôtes. Un bonheur "hors du temps", en somme... Cette idée de bien-être perdu revient dans les autres épisodes : après la mort de son compagnon, une jeune femme décide un projet fou pour ne jamais se séparer des cendres de celui-ci ; ou une auxiliaire en milieu hospitalier aide les personnages malades à finir leurs jours dans la sérénité, loin de la souffrance, jusqu'au jour où c'est son propre père qu'elle tient entre ses mains. Et qui ne connaît pas encore la Vie et Mort de Madeleine Bayard, célèbre révolutionnaire parisienne, amie des chats et porte-parole d'un échec des générations ?! .. La dernière histoire, "Les gouttes au bas des draps", est plus courte, plus complexe, mais elle exprime l'essence du manque et de l'absence : "partout sur le continent les vêtements portés par le vent clament l'existence des disparus. Les traces du passé ne pourraient pas être effacées des mémoires comme de simples taches de sueur sur un linge. Il n'y aurait ni oubli, ni pardon."
Faites-moi confiance, si vous ne connaissiez pas encore Delphine Coulin, il est temps de vous rattraper !
Grasset