26/10/06

Autoportrait en vert - Marie NDiaye

autoportrait_en_vertDécembre 2003. La Garonne menace de déborder de son nid, les habitants sont dans l'attente. Il faut attendre et surveiller. Alors, la narratrice se penche sur ses souvenirs de "femmes en vert" : une jeune femme en short, une femme nichée sous un bananier dans la cour de sa ferme, une ancienne meilleure amie désormais mariée à son père, sa propre mère et une petite fille prénommée Bella, une pendue qui hante la mémoire de son mari et sa nouvelle épouse... Pourquoi sont-elles toutes à la croisée de son chemin ? Pourquoi tout ce vert ?.. Et quelle est cette chose noire et rapide que son entourage aperçoit, mais qu'elle ne voit pas, si ce n'est qu'elle ressent les frissons l'envahir ?

"Autoportrait en vert" de Marie NDiaye n'est pas un devoir d'introspection, ce n'est pas une sincère autobiographie. La narratrice exerce plutôt un travail de conscience entre elle et la couleur verte qu'elle trouve chez les femmes. Elles sont là, quelque part, la preuve de sa propre originalité, elles ornent ses pensées, sa vie souterraine, la boostant pour traverser calmement ces moments d'hébétude, d'ennui profond, de langueur désemparante. Elles sont là, "à la fois êtres réels et figures littéraires sans lesquelles l'âpreté de l'existence me semble racler peau et chair jusqu'à l'os". Mais c'est une histoire complexe et paradoxale, avec des ombres fantomatiques qui traînent leurs chaines dans son récit. Cela n'empêche de se sentir désemparé et perplexe, mais Marie NDiaye est capable d'écrire la plus inepte histoire avec une grâce incomparable (attention, "autoportrait en vert" n'est pas inepte!) - c'est tout bonnement impossible de s'en passer !

Folio

Posté par clarabel76 à 21:13:34 - - Commentaires [6] - Permalien [#]


L'été - René Frégni

l__t_Tous les matins, Paul prépare sa terrasse pour son restaurant "Le Petit Farci" qu'il gère avec son ami Tony. C'est bientôt l'été dans ce pays du sud de la France, baignée par le soleil, le calme et l'arrivée imminente des touristes. Un jour sur la plage, Paul croise une jeune femme brune très belle et mystérieuse qui écrit sur un cahier. Il l'aborde, est séduit par son charme et l'invite à lui rendre visite dans son restaurant. Elle viendra, une semaine après. Paul n'espérait plus cette vision idyllique, contient ses émois et commence avec cette beauté fatale une amitié pudique, en attendant de passer à l'acte, sous la demande subite de cette femme.

Sylvia est troublante, étonnante et tourne la tête de Paul. Elle lui apprend qu'elle partage sa vie avec un artiste fou qui menace de tuer son amant (Paul) et de mettre fin aux jours de Sylvia. Elle est attachée à "ce loup", ne veut pas le quitter et confie ses angoisses à Paul. L'homme devient jaloux, ne dort plus de ses nuits, abandonne son boulot, surveille Sylvia pour la protéger et la débarraser de son compagnon... Et puis, les choses se passent tout autrement.

"L'été" de René Frégni est une histoire d'amour tragique, une passion dévorante d'un homme pour une femme à la séduction destructice. L'été de Paul va être celui des nuits sans sommeil, des délires les plus insensés, d'une plongée sans fin dans l'alcool, les souffrances et le machiavélisme. Sylvia est une femme superbe, avec ses blessures secrètes. Elle recherche chez les hommes bien plus qu'un regard concupiscent. Dans "L'été", on assiste donc à un théâtre de drames intimes dont les cartes s'abattent en coulisses, c'est un cruel et sombre duel entre une femme fatale et un homme désespéré par son amour. Ce roman, très bien écrit, est poignant. Surtout dans son dénouement.

Folio

Posté par clarabel76 à 15:00:45 - - Commentaires [13] - Permalien [#]

Les Guerres du Miroir, Alice en exil (T.1) - Frank Beddor

 

alyssAu cours du 7ème anniversaire de la princesse Alyss, un soulèvement conduit par Redd, la soeur de la reine Geneviève, amène au massacre du couple royal et force la fillette à fuir en traversant le miroir. Elle débarque dans l'Angleterre du 19ème siècle dans un orphelinat misérable où la famille Liddell vient l'adopter et l'emmener à Oxford. Là l'enfant grandira en se détachant de son passé, persuadée d'avoir été abandonnée, trahie et incomprise, surtout depuis la récente parution d'un livre sordide inspiré de ses confidences au Révérend Dodgson.

A près de vingt ans, Alyss a décidé de se marier avec le Prince Leopold d'Angleterre... mais c'est sans savoir le profond gouffre dans lequel est plongé son royaume, où un groupe de résistants, les Alyssiens, tentent de combattre l'Imagination Noire de la reine Redd, espérant le retour de leur princesse, un jour prochain. C'est le Chapelier Madigan qui est chargé de retrouver Alyss pour la ramener chez elle et sauver le Pays des Merveilles.

Ce 1er tome de la trilogie des Guerres du Miroir est une brillante idée et une aventure passionnante, qui s'inspire de la fameuse Alice du livre de Carrol, mais qui l'exploite de manière plus sombre. C'est effectivement une histoire de guerre dans cette saga de Frank Beddor avec soif de vengeance, réglements de compte et armée de résistance. On est honnêtement très, très loin de Lewis Carrol, et ce n'est pas un manque de respect pour l'oeuvre originale.

A chacun d'ouvrir son esprit, de rencontrer cette autre Alyss, princesse perdue de son Pays des Merveilles, en compagnie de personnages récurrents, comme le Chapelier Madigan, le précepteur Bibwit Harte, le général Doppelgänger, la Tour Blanche et le farouche Dodge Anders. En décor, on croise la Chenille Bleue, les Figures, un Gouinouk, des Jabberwocky, le Chat assassin à la botte de Redd et des soldats-cartes. "Coupez-leur la tête" ! est le cri démoniaque de la redoutable Redd. C'est par ces détails qu'on croise le "spectre" de l'original, mais sans quoi, on oublie très vite et on est complètement captivé par cet épisode, "Alice en exil".

Destiné à un public adolescent, ce livre peut ravir un public plus large, sachant qu'il prendra entre les mains un récit plus obscur, plus sanguinolent, plus romanesque aussi. L'histoire entre Alyss et Dodge Anders ne manque pas d'étincelles... Ne vous fiez pas à l'illusion guerrière, cette trilogie est également une reconstruction de soi et un hymne à l'imagination, le personnage d'Alyss est fin, délicat, très sensible. Son aventure promet monts et merveilles ! 

Bayard Jeunesse - 352 pages - Traduit par Sidonie van den Dries * 15,90 €

Posté par clarabel76 à 09:47:00 - - Commentaires [63] - Permalien [#]
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