05/11/06

Perspectives de paradis - Bénédicte Martin

perspectives_de_paradisTrois ans après son sulfureux "Warm Up", Bénédicte Martin revient sur la scène littéraire avec des "Perspectives de paradis" beaucoup plus raisonnables, remisant au placard l'érotisme débridé du précédent recueil. Dommage ? Oui, un peu. J'ai personnellement trouvé qu'il manquait un peu de cette fraîcheur et légèreté, si caractéristique au ton de miss Martin, bien loin de labourer son champ dans le lexique porno-chic refoulé, non c'était écrit avec la saveur et la gourmandise d'une amoureuse des mots et de la langue onctueuse, oui c'est vrai, qui rappelle le style de Colette.

Bref, dans "Perspectives de paradis", livret bien maigrichon de 135 pages, on y découvre avec stupeur et tremblements qu'il y a tout de même 25 nouvelles au compteur ! Alors, quoi ? Elles ne sont pas bien consistantes, à peine deux ou quatre pages (au plus), elles s'enfilent comme des perles pour en faire un collier, l'écrin n'est pas de velours, mais pourrait-on reprocher à Bénédicte Martin de varier son registre ? Non, reconnaissons-le.

Cette fois-ci, Eros se porte pâle, à peine quelques (rares) fois est-il sonné pour pondre quelques éclats de lecture, du style : "on lui a parlé de crème anglaise qui perlerait sur le bout du sexe des hommes" ou "il commence à la lécher comme le beurre d'une tartine". Rien de folichon, j'en conviens. La coquette n'est-elle donc plus frivole ? Elle a rangé au placard ses talons aiguille et ses mini-jupes sexy, elle est décidément plus sombre et sobre (elle évoque la folie, la mort, le meurtre), elle ose aussi l'humour, le cocasse et la roublardise ("j'en ai marre de tes caresses en spirales et de ta tête d'obsédé. Tu t'éparpilles sous les oreillers et sur moi. Ras-le-bol. Chaque fois, c'est pareil, sous la blancheur du drap, une stalagmite apparaît et tu rêves que je la suce. Pour ton plaisir, je fais des oh et des ah, mais qu'est-ce que tu m'agaces").

Il y a de la mutinerie dans l'air ! Les héroïnes de Bénédicte Martin ne sont désormais plus (que) des dévergondées, elles sont modérées, avides, exigeantes, parfois impudiques. Il y a un panel beaucoup plus large, on s'expatrie à leurs côtés, on passe de Shangai, du Palais Royal, de Londres, de Baden-Baden, de Hongrie, du Bosphore, de Dunkerque et de Paris 44 en moins de deux.

Mais il reste cette grâce dans l'écriture, ronde et douce, poétique en diable. Bénédicte Martin n'a pas changé d'un gramme, elle n'est pas qu'un minois ravissant qui griffonne des contes coquins en montrant sa culotte, c'est (ainsi le prouve ce deuxième livre) une jeune femme toujours charmante et qui se dévoile autrement... A suivre !

Flammarion

Posté par clarabel76 à 21:31:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]


Echappées de lecture

" J'ai comme tout le monde des fragilités. Quelques araignées poilues dans ma tête tricotent des envies absurdes. Des bourdonnements sourds d'insectes s'agitent entre chacune de mes pensées. Mon cerveau est lui aussi quelquefois picoré de toutes parts, comme des moineaux gourmands sur une grappe de raisins mûrs. Une impression d'âme en fuite lorsque je suis fatiguée.

(...) Je garde mon propre temps, le désir d'être souvent seule et des étoiles voletantes au-dessus de moi. La folie est un possible pour chacun. "

" Depuis notre premier baiser, j'ai une méduse à la place du coeur qui me pique, m'irrite et me réveille la nuit. Rien ne sert de soigner mes vertiges voyageant en pierres précieuses, émeraudes et turquoises, tourmalines. Etre sourde me convient très bien. Ma vie tourbillonne tellement plus depuis. "

Perspectives de paradis, Bénédicte Martin

Posté par clarabel76 à 21:25:00 - - Commentaires [0] - Permalien [#]

Corps de ballet - Michel Quint

corps_de_balletMaria est une ancienne danseuse, au corps déglingué et usé par le temps qui a passé, elle est aujourd'hui femme de ménage chez Paul, un prof d'histoire, et les Gamelin, un couple d'avocats, parents de deux jeunes enfants, Astrid et Vincent. Maria passe son temps libre au Comtesse à écouter son ancien amant Armand, ou s'éblouit les yeux devant la vitrine de Diva, la boutique de fripes vintage d'Adèle. Maria est d'ailleurs une femme extraordinaire, elle lit chez les autres les romans comme Giono, Steinbeck ou Dos Passos. Elle n'a jamais été mariée, a rompu avec ses amants car elle refusait tout engagement, ne voulait pas non plus d'enfants. Elle se rattrape chez les autres, comme les petits Astrid et Vincent, avec lesquels elle prépare en cachette un ballet pour la surprise du matin de Noël. Au coeur de ce fantastique remue-ménage, Maria est également fâchée après Paul, fâchée d'avoir répondu à des questions sur sa vie, sur son père et son passé dans l'armée Rouge, durant la bataille de Stalingrad. Maria est chamboulée d'avoir commencé à "déboutonner la mémoire", des vieux démons semblent s'échapper de sa boîte de Pandore...

En un mot comme en cent, "Corps de ballet" est un livre éblouissant et remarquable, il met en scène cette femme, Maria Voronina, dont le parler ne s'enrobe d'aucun maniérisme, qui fait fi des ronds-de-jambe, "mes mots je les vois d'en dehors, je les juge à la carcasse, m'en fous un peu de leur sens, pourvu qu'ils se tiennent correctement et soient sages, et qu'ils dansent bien, évidemment". C'est un exercice ensorcellant, impossible de ne pas s'attacher à cette ancienne ballerine, désormais âgée de soixante ans, qui vit dans le Vieux Lille, dans ses petits quartiers qui constituent à eux seuls un village dans la ville. Son histoire est touchante, à la fois entraînante et élégante, comme un "corps de ballet", mais elle cache en fond de tiroir un passé plus troublant, plus opaque et qui est sincèrement bouleversant. Michel Quint est un prodige qui entend ce que lui chuchotent "les murs, les rues, les pavés" de ce Vieux Lille qu'a su attraper Cyrille Derouineau du fond de son objectif, "un attrapeur d'âmes". Emparez-vous de ce livre, il est étourdissant, poétique et émouvant, il montre également qu'on peut faire de la littérature avec d'autres matériaux que 900 pages d'un vocabulaire ronflant ! Pssst, suivez cette ombre qui porte un ocelot et qui se balade dans les rues de Lille, c'est sans doute Maria Voronina...

Texte de Michel Quint, Photos de Cyrille Derouineau - Estuaire

  • échappée de lecture : "Voilà tout mon royaume de Cendrillon qu'a passé l'âge des citrouilles. La paix y régnait, jusqu'aux curiosités de Paul. De vouloir à tout prix me grimper à l'arbre généalogique, remonter à mes origines, il a tout chamboulé mes amnésies tranquilles. Et moi, bécasse, qui suis entrée dans son manicrac ! Faut croire que j'avais besoin de vider mes poches... Ce que je finis de faire aujourd'hui, dimanche de Noël, maintenant que les plaies de maintenant sont à vif, celles du passé rouvertes comme une tombe profanée, et qu'on s'écarquille la bouche sur un grand cri sans fin... Mais faut revenir sur nos vieilles danses, retrouver là où on a fait des faux pas et qu'on a dansé un monde inhumain. Peut-être que le dire ça va le remettre d'aplomb, allez savoir. "

Posté par clarabel76 à 12:03:00 - - Commentaires [9] - Permalien [#]

La petite musique du dimanche

La petite musique du jour se passe ICI ...

Je m'étais fait un bonheur
De vous cuisiner la tarte au coeur
C'était coulis de mon sang
C'était crème de ma peau
J'ai saupoudré mes os cassés
Pour ajouter du croustillant

Allez goûtez-moi
Ne me dégoûtez pas de moi
Allez essayez-la
Ne me dégoûtez pas de vous

Vous m'avez mangé un bout
Et puis vous m'avez recraché
Je sais je suis pimentée
C'est l'espagne ça vous fait l'pied
Vous m'avez craché dans le dos
Je vous entends rigoler

Allez allez allez... Allez goûtez-moi ...

Posté par clarabel76 à 01:53:52 - - Commentaires [8] - Permalien [#]