La chape de plomb ne tarde pas à s'abattre sur la lecture de "Les porteurs de glace" ! Anna Enquist, grande prêtresse dans l'art de distiller une analyse psychologique de l'angoisse, du manque, de l'attente !.. J'ai ouvert ce roman en me sentant complètement démunie : le couple de Lou et Nico est aux antipodes, l'une tente de poursuivre ses cours et de dompter son jardin sablonneux, l'autre part en vrille dans une nouvelle orientation de sa carrière professionnelle. Un silence s'abat dans le couple, qui est perceptible dès le début. Une maison en bord de mer, dont on ne perçoit jamais les échos de la mer ou des mouettes. Juste des battements de coeur d'une femme qui souffre en silence. Car dans ce couple, il y a le poids énorme et envahissant de l'absence d'un enfant - Maj. Partie, disparue, égarée... Tous deux ont refusé d'en parler mais la chambre de l'enfant est toujours là, intacte, avec les livres scolaires, l'équipement de hockey, les chaussons de danse, etc. Le couple s'éloigne et se rapproche dangereusement du précipice. L'issue, fatale, parviendra-t-elle à les réconcilier, à exorciser les chagrins étouffés ou à balayer ce silence trop pesant ? "Les porteurs de glace" est un roman qui glace le coeur (et le sang) tant l'écriture et l'ambiance sont solennelles. Ecrit d'une main de maître, ce livre se lit à un rythme qui s'emballe progressivement. Il s'inscrit dans la lignée des romans psychologiques, dont Renate Dorrestein est également douée, des histoires implacables mais profondes et touchantes.

lu en novembre 2004