30/11/06

Petits crimes contre les humanités - Pierre Christin

petits_crimesDans une petite fac de province, peu brillante et guère fournie en matériaux dernier cri, Simon Saltiel obtient un poste d'assistant temporaire d'enseignement et de recherche dans de bien étranges circonstances. En effet, le professeur émérite d'Histoire de l'art, Léon Kreissman, vient de s'écrouler raide mort après avoir reçu un mail signé Jedem das Seine (A chacun son dû). Ce courriel n'est que le premier signe d'un corbeau qui sévit sur le campus. Le groupuscule de l'université est visé, ça chavire à tout bord car le Jedem das Seine devient l'arme invisible et qui fait mal. Simon va tenter d'en comprendre le sens et nager dans des eaux troubles où il va être question d'un héritage somptueux, de convoitises multiples, d'invitations pernicieuses du ministère de l'éducation nationale et, ô miracle, d'une rencontre mirifique en la personne de la sibylline Elise.

Après des débuts laborieux, lire les "Petits crimes contre les humanités" procure finalement bien du plaisir et des éclats de rire. Car oui, outre les rebondissements louches et l'enquête bonasse du héros prolétarien malgré lui, le texte est truffé de second degré qui épingle le joli monde pas si rose de l'université, "une comédie sur un univers fonctionnant en vase clos dont les petits travers n'excluent pas les grandes misères" ! C'est original, situé entre le roman universitaire et le roman noir. J'ai particulièrement apprécié l'excentricité des patronymes (Goulletqueur, Heurtemitte, Bourgougnoux, Honhon, etc.), la peinture des personnalités, les us et coutumes des uns et des autres, et ce petit milieu universitaire français est croqué avec malice mais beaucoup d'affection, dans le fond. Voilà de bonnes raisons de s'y plonger, toutes catégories confondues !

Métailié

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Dévotion - Christophe Dufossé

devotionSimon Kolveed a toujours voulu un enfant, et la petite Marion comble tous ses désirs de paternité. Pourtant, au fil du temps, son mariage avec Lucille s'étiole. Le couple se sépare, Simon voit son enfant à petites gouttes. Et un après-midi, alors qu'il avait l'enfant à sa charge, Marion est agressée par un individu. Tout se brise chez cet homme : d'abord le divorce, le droit de garde renié, et une vie vouée à la solitude, à la résignation. Après quinze ans, Simon revoit sa fille, désormais âgée de vingt-cinq ans. La petite fille aux longs cheveux auburn a changé, a grandi. Le père fait face au gouffre et à cette plongée en abîme, insidieusement angoissante, traumatisante.

"Dévotion" est un court roman (150 pages) où l'auteur pose les quatre murs du décor en un tour de main. C'est profondément glauque, situé dans la région lilloise et dans des quartiers populaires laissés à l'abandon. Les personnages non plus ne rayonnent pas : Marion semble avoir grandi un peu brusquement, trop livrée à elle-même. Simon est las de faire face à ses démons, de plus en plus taciturne et mélancolique. Bref, c'est un roman sombre et morose. Il n'en fallait pas plus (de pages) pour miner le moral ! J'ai personnellement éprouvé peu de sympathie pour le personnage de Marion, un peu trop caricaturale d'une nouvelle génération qui se plante en marge des règles de la société actuelle, trop postée dans un accablement travaillé et voulu. En comparaison, je ressentais de la pitié pour son père, Simon, qui est partagé entre la joie de retrouver sa fille (qui n'est plus à l'image du souvenir doré qu'il en avait) et la douleur de la perdre à nouveau. Quinze ans, c'est long. Simon réalise que le temps façonne les êtres : lui dans ses rêveries solitaires, Marion dans son anarchie d'orpheline blessée. Il y a aussi beaucoup trop de silences et de vide à combler, cela semble tellement insurmontable, irrécupérable ! J'avoue, j'étais au bord de la déprime. Je suis sortie de cette "Dévotion" en expirant un bon coup. C'est bien écrit, cependant il faut avoir le moral accroché. Lisez-le si vous êtes une fidèle lectrice/ un fidèle lecteur de Christophe Duffosé !

Denoel

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La diffamation - Christophe Dufossé

la_diffamationQue se passe-t-il dans ce foyer ordinaire, niché au coeur de la Touraine ? Anna, bientôt quarante ans, professeur de sociologie, en congé sabbatique pour écrire un livre, s'encroûte dans son existence sous anesthésie. Elle est mariée depuis quinze ans à Vincent, ils ont un garçon de quatorze ans, Simon, adolescent un peu suspect et silencieux. La vie de ces trois-là va insidieusement basculer quand l'agence immobilière dans laquelle travaille Vincent change de direction. L'arrivée de Boulay fils fait l'effet d'une grenade à retardement. Sous la coupe de ce nouveau patron, Vincent va être manipulé, devenir irritable, taciturne, se murer dans un mutisme inquiétant. Ses appels au secours demeureront vains, Anna est spectatrice du drame de son foyer...

"La diffamation" relate ainsi une spirale vers l'enfer, l'auteur analyse les silences, fait monter la pression en déviant les pistes, en scrutant la communauté d'Amboise où résident les personnages du roman. Le soin scrupuleux apporté à décortiquer les failles s'apparente à l'approche psychologique, qui est une clef maîtresse dans le style de Christophe Dufossé. Ce deuxième roman est franchement meilleur que le précédent (L'heure de la sortie), mieux cerné et élaboré. Son atmosphère d'angoisse domestique ouvre la porte à un genre nouveau, ce qui le rend particulièrement fascinant !

Denoel

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Plus jamais comme avant - Dani Shapiro

plus_jamais_comme_avantLe drame que va vivre Rachel Jensen est celui silencieux et sournois de nombreuses familles, en somme. A près de quarante ans, Rachel attend son deuxième enfant. Elle est mariée à Ned, bel homme et professeur apprécié dans son collège, tout roule à merveille entre eux deux. Mais depuis un an, leur fille Kate, alors âgée de treize ans, est rentrée de colo d'une humeur maussade. Crise de l'adolescence, pronostiqueront nombreux de leurs amis et entourage. Pourtant, une spirale infernale va se déclencher : vicieuse, coulante et irréparable. C'est en se retrouvant seule dans leur foyer autrefois familial et idyllique que Rachel va revivre ses jours du passé, entrecroisés par le présent, pour tenter de comprendre et savoir pourquoi rien n'est et ne sera plus jamais comme avant.

Une gamine caractérielle peut-elle déclencher autant de cataclysmes ? "Un mensonge... Pour Kate, c'était sans doute peu de chose, un truc qu'elle avait laissé échapper, enfermée dans le bureau de son psychiatre comme dans un cocon dont elle croyait que rien ne sortirait. Une gamine de de quatorze ans songe-t-elle aux conséquences ? Pour elle, c'était une façon d'expérimenter une idée, de relâcher le garrot de culpabilité et de honte qui lui serrait la gorge. Alors que nos vies volaient en éclats tout autour de nous, je reconnaissais en elle l'enfant, complètement inconscient du mal qu'il fait." Cette histoire de famille est plus celle d'un drame de faits-divers triste et invraisemblable. Il y a des points agaçants, des envies de refaire le monde et réécrire les chapitres. Pourtant, comme dit l'un des personnages en cours de roman, c'est difficile d'être parents, difficile d'élever un enfant. Cette histoire montre combien les choses peuvent facilement nous échapper, faire boule de neige. Frappant, ahurissant et compatissant, le roman de Dani Shapiro baigne parfois dans une théâtralité facile, plus clémente si elle avait été un peu arrondie. C'est une lecture facile, inquiétante et où le lecteur se pose beaucoup de questions. L'histoire se met en place lentement, attisant la curiosité bien forcément. Plaisant de bout en bout, malgré les petits défauts d'une fin toute américaine !

Parution chez J-C Lattès en Janvier 2007  * déjà paru au Club France Loisirs au 1er trimestre 2006 *

Posté par clarabel76 à 12:47:11 - - Commentaires [0] - Permalien [#]