Blanche ou la triple contrainte de l'Enfer - Hervé Jubert
1870. Engagée contre l'armée prussienne, la France vit des heures sombres qui font trembler de peur les Parisiens et les poussent à quitter la capitale pour se réfugier à la campagne. Dans une gare bondée, la famille Paichain entend regagner la Sarthe en poussant du coude. C'est alors que, dans la cohue générale, la plus jeune fille, Blanche, 17 ans, est séparée des siens et voit le train partir sans elle. Seule dans Paris, Blanche est aussitôt prise en charge par son oncle Gaston Loiseau, commissaire de police, et sa meilleure amie Emilienne, la fille de la concierge. Et comme notre demoiselle ne tient jamais en place et aime fourrer son nez partout, elle va se mouiller dans une enquête criminelle pour le moins étrange, car les cadavres ont la particularité d'être marqués d'un singulier tatouage au bras avant de disparaître. Pour disculper un innocent, Blanche intervient dans les affaires de son oncle et tente de le mettre sur la piste d'un individu polymorphe, amateur de sorcellerie et de magie noire.
Blanche Painchain est une héroïne épatante, qui sous des dehors ordinaires, jeune fille de bonne famille, aimant la lecture et les activités intellectuelles, se passionne aussi d'anthropologie, d'anatomie et de théâtre, d'où son impassabilité face aux blessures des soldats sur leur lit d'hôpital ou face aux scènes de dissection qui ne la font pas flancher. Ce petit bout de femme a tout pour plaire ! Elle nous entraîne à sa suite dans un Paris du 19ème décrit de manière authentique, c'est bruyant, c'est violent, c'est le chaos général, et au milieu de tout ça, des crimes barbares font leur nid à la barbe de la police dont l'enquête piétine. L'intervention de Blanche n'est pas anodine, pas incongrue non plus, sa relation avec son oncle Gaston étant riche en complicité, et plus encore... De son côté, l'auteur s'éclate à nous planter son décor, à peaufiner les détails, à truffer ses dialogues de l'argot de l'époque et à insuffler une verve étourdissante à son récit. L'intrigue est également rondement menée et tient le lecteur en haleine. Pour une première approche du personnage de Blanche, cette lecture contient un souffle romanesque flamboyant, lequel ne manquera pas de se déployer dans les deux autres tomes de la série (L'œil du Grand Khan & Le Vampire de Paris). Pour l'heure, la séduction a déjà pleinement opéré. Je. Suis. Conquise.
Albin Michel jeunesse, coll. Wiz / Mai 2005 ***
Relooking de la couverture en mai 2014 :
Mercredi, sacro saint jour des enfants !
Oui ! deux articles en ce jour de Saint Nicolas, c'est pratiquement Noël ! ;-)
Mais c'est parce qu'il nous est un peu difficile de résister à ce dernier coup de coeur : Bertille Bonnepoire de Magali Le Huche et nous sommes pressées de le présenter, d'en parler, etc. Cet album a réuni nos deux têtes (blonde et rousse) et nous nous sommes toutes deux esclaffées sur cette petite merveille.
Bertille est une belle dame brune qui vit seule au 46, rue des Bouloches avec son chien et son oiseau. Son passe-temps : arroser ses fleurs sur le balcon. Bertille est une personne qui apprécie son confort, le cocooning et l'ambiance chaleureuse de son appartement. Elle ne sort quasiment jamais.
Or un jour, Bertille broie du noir. Impossible de comprendre ce qui lui tombe dessus, pourquoi ça lui arrive, pourquoi se sent-elle aussi cafardeuse, victime de "tracas rabougris". Elle n'a pas faim, elle se trouve moche, elle se trouve grosse, de plus personne ne l'aime. Pas comme ça.
Le voisin de Bertille Bonnepoire s'appelle Monsieur Edmond. Il habite aussi au 46, rue des Bouloches, seul avec son chien. Sa fenêtre donne sur celle de Bertille et Monsieur Edmond l'admire en secret. Toutefois, il commence à être inquiet car il ne voit plus Bertille sur son balcon, même ses fleurs "tombent en pâmoison".
Sur les conseils de son chien (!), Monsieur Edmond décide donc de taper à la porte de sa voisine... mais la timidité et l'émotion embrouillent ses paroles. Le premier pas se solde par un échec cuisant ! Schlack.
Il faut donc trouver une solution radicale, se disent les animaux de compagnie qui se concertent. Pour chasser la déprime de leurs maîtres, il faut absolument qu'ils se connaissent et apprennent à s'apprécier, il faut .. il faut .. il faut quoi ? Une bonne dose d'invention, de culot, d'ingéniosité et de tendresse. Après, tout coule.
Bertille Bonnepoire est un album qui contient des tonnes d'ingrédients qui vont vous faire craquer ! Je vous le dis... Pourtant l'idée de fond n'est pas commode à aborder : le cafard. Mais qu'est-ce donc ? qu'est-ce que cela signifie ? s'est demandée Miss C. Et bien je peux vous dire qu'elle a su trouver une réponse à ses questions dans cette histoire, d'une part par son scénario drôle et sentimental et d'autre part par les illustrations facétieuses et démonstratives. Quand le personnage broie du noir... il broie EFFECTIVEMENT du noir avec un gros nuage gribouillé au-dessus de la tête. C'est tout simple et efficace. Au moins cela peut mettre un mot sur le sentiment qu'on peut éprouver dans les moments creux [mais à bien y réfléchir, je n'ai jamais suspecté Miss C. de ressentir le moindre coup de blues jusqu'à présent (c'est une petite fille qui carbure avec le sourire et la bonne humeur 24/24 !)] Le dernier argument décisif : le texte de Magali Le Huche est truffé de poésie, de badinage et de romantisme. C'est mignon, craquant, drôle.. enfin bref c'est une découverte coupdecoeurdutonnerre ! A ne pas manquer.
Bertille Bonnepoire a le cafard - Magali Le Huche (éditions Sarbacane)
Mercredi, jour des enfants
Nous ne l'avions pas encore précisé ?.. ah !? réparons cet oubli : Miss C. est une passionnée de danse classique, une vraie dingue des pointes, des tutus, collants et chaussons, des petits rats de l'opéra.. bref toute la collection possible et imaginable. Aussi, il n'est pas rare de découvrir le livre du jour : Lulu-Grenadine en tutu de Laurence Gillot avec les dessins de Lucie Durbiano...
Lulu-Grenadine et sa meilleure amie Lou sont inscrites toutes deux en cours de danse. Mais Lulu se fait sans cesse reprendre par sa professeure qui l'informe qu'elle manque de rigueur, qu'elle devrait s'entraîner chez elle si elle espère participer au spectacle de la semaine suivante !
Lulu est en colère et compte sur le soutien de son amie mais Lou la taquine et compare sa grâce de danseuse à celle ... d'un pingouin ! Double colère.. superbe fâcherie à l'horizon.
Lulu est bien sûr très triste le soir chez elle. Mais elle se ressaisit et décide de s'entraîner d'arrache-pied. En chemise de nuit, au lever dans la salle de bains, dans la cuisine, sur le chemin de l'école, dans la cour de récréation... c'est là d'ailleurs que revient son amie Lou.
Y arrivera ? Y arrivera pas ?
Le suspense est intenable, je me doute que vous frémissez tous d'inquiétude à ce propos. Pour autant, je ne vous dévoilerai pas la fin de ce petit livre. Y'a qu'à le lire ! ... Moi je trouve que l'histoire est hyper simplette, qu'elle convient à un enfant de 3 ans. Miss C. et ses 6 ans commencent un peu à dédaigner le scénario pas très captivant, pour sa grande maturité naissante ! :-) Par contre, étant donné qu'elle est au CP et apprend la lecture, ce genre de "p'tite histoire" est un bon entraînement. Elle décortique des bouts de phrases, quelques mots restent encore compliqués et freinent son entrain (maman doit intervenir...) mais c'est très accessible et pratique sur ce plan là.
Le petit mot de la fin, juste pour dire aussi que la série Lulu Grenadine (petite fille très attachante, mignonne et si semblable aux nôtres !) est illustrée par Lucie Durbiano qui a une joli pinceau et une disposition à la douceur et à la candeur (déjà remarquée & appréciée dans des albums comme "Orage et désespoir" et "Laurence, l'oubli de soi").
Lulu-Grenadine en tutu - par Laurence Gillot & Lucie Durbiano (Nathan)