Avis de tempête
J'aime croire que ma Miss C. a des dons de voyance quand elle a emprunté ce livre à la bibliothèque de son école, vendredi dernier :
Clarisse, la petite souris, a connaissance qu'une grosse tempête va souffler dans la nuit et menacer le toit de sa maison. Pourtant, elle n'a pas peur. Elle est partagée entre la fascination et un tantinet l'effroi. Qu'importe, elle se couche, le vent rugit et cogne à sa fenêtre. Clarisse peut compter sur ses parents pour le confort d'un lit douillet. Tous trois décident de construire un campement dans le lit de Clarisse, avec une tente, quelques outils indispensables (du café au lait, des biscuits à la cuiller, des cornichons, du sucre, du camembert, un jeu de sept familles, le collier de maman, le poste de radio et même la petite cochonne en porcelaine). Le vent peut bien gronder, Clarisse et sa famille sont bien à l'abri dans le lit ... qui se transformera en bateau-tente !
Fabuleux album écrit par Florence Seyvos et illustré par Claude Ponti. Cette histoire permet aux enfants de relativiser leurs peurs et angoisses nocturnes, par exemple. Il démontre qu'avec beaucoup d'amour, on surmonte bien des galères !... C'était un album clin d'oeil pour cette journée où le vent a soufflé fort, très fort, sur la partie nord du pays (Madame météo, je deviens !).
Cadeau : ces belles images qui donnent chaud... dans le confort de notre salle de bains, notre refuge du soir !
La tempête, par Florence Seyvos & Claude Ponti
L'école des loisirs
Boléro - Michèle Lesbre
Cela commence ainsi : "J'avais découvert cet hôtel par hasard, un jour de pluie, en automne. Il paraissait abriter les bonheurs les plus insensés, protéger un peu de la vie ordinaire. Tout à l'heure j'y suis entrée seule, prétendant m'appeler Roslyn Taber sans que la femme à l'accueil parût surprise." Oui, car Roslyn Taber est en fait le personnage interprété par Marilyn dans Les Désaxés. C'est ainsi que j'ai plongé instantanément en état de grâce, savourant page après page la plume de Michèle Lesbre qui nous raconte une histoire de souvenirs ressassés à la suite d'une lettre reçue, un courrier qui lui vient de loin, d'une campagne où Emma, la narratrice, avait passé un été fabuleux chez Gisèle, l'ancienne voisine de ses parents à Paris. Au cours de cet été, la jeune fille avait fait la connaissance de Fred et Paul, deux amis amoureux qui s'amusaient à refaire une version enjouée de Jules et Jim. Cet été-là aussi, Emma suivait Gisèle au Trianon pour voir tous les vieux Classiques du cinéma hollywoodien, Gary Cooper, Claudette Colbert, Rita Hayworth, Marilyn, bref du beau linge...
En même temps qu'Emma se rend à son entretien professionnel, auquel elle attache peu d'importance et de motivation, elle revit les instants sacrés de cet été à la campagne, de ses nuits inoubliables que le "Boléro" de Ravel a ponctuées. Avec ses fantômes aux trousses, Emma court dans la ville pluvieuse, hésite à ouvrir sa lettre, enrage de découvrir l'emménagement d'un voisin au 6ème étage, repense à son amant parti en Italie, enfile sa robe de taffetas couleur amande, finit dans un hôtel et rencontre un pianiste.
Ce roman a eu pour moi des échos incroyables, bouleversants, avec des passages inouis sur le cinéma des années glorieuses. Mais il n'y a pas que les paillettes, il y a des moments graves, la guerre d'Algérie, les larmes, les pertes, et toujours ce "Boléro" qui se faufile comme "une petite douleur familière, insidieuse et têtue". J'ai honnêtement savouré ce roman, je l'ai trouvé beau, magique et intime. Et j'apprécie beaucoup le style de Michèle Lesbre pour dire l'indicible, comme dans son roman "La petite trotteuse".
Sabine Wespieser
Terrasse - Marie Ferran
Il faut honnêtement surmonter le poids des 1ères pages, où on découvre que pendant que la femme prenait une douche et l'homme était en train de dormir, le petit jouait sur la terrasse et s'est noyé au fond de la poubelle. Le narrateur embraye sur le choc d'un tel événement dans leur vie de couple, un peu forcé de prendre du recul. Il décide de partir en voyage, d'aller à Istanbul. Pendant les trois mois de son périple, il réfléchit sur les causes de son mal de vivre, trouve un exutoire, cherche une raison de justifier cette mort, passe son temps à accepter ce coup du sort.
C'est donc, comme le montrent les 1ères pages, un roman assez morbide, plutôt lourd à absorber. Il parvient à la fois à captiver l'intérêt du lecteur et à l'écoeurer, l'ennuyer. C'est en fait un peu inégal, car de nouveau vers la fin on se hâte d'en sortir, un peu lassé d'avoir fait le tour et de tourner en rond. Les dernières pages sont, cependant, surprenantes pour la trame ! Alors voilà le dilemme de "Terrasse" écrit par Marie Ferran : c'est écrit avec beaucoup d'intelligence, beaucoup de rigueur, mais peut-être un peu trop car certains passages sont froids et pêchent à émouvoir le lecteur. C'est, malgré tout, assez encourageant à découvrir, puisque c'est aussi un 1er roman et qu'il mérite d'être extirpé du trop grand nombre de romans qui paraissent à l'automne.
Seuil