22/01/07

La dernière sonate de l'hiver - Béatrice Wilmos

la_derniere_sonate_de_l_hiverParce que le narrateur est prié de rédiger une courte biographie sur le pianiste russe, Vladimir Solianovsky, il découvre avec fascination son interprétration fantasque et pleine de fougue de Scriabine. La figure souriante et qui cache le désespoir de cet homme poursuit le narrateur qui décide de fouiller le passé, de partir à la pêche aux souvenirs, en rassemblant les morceaux d'un puzzle qui vont le conduire en Allemagne, sur les traces d'un violoniste, Ivo Vaganov, russe également, et d'une jeune femme allemande, Maria Ködenitz.

La première moitié du roman s'attache à débusquer les traces de Solianovsky, lesquelles vont se perdre en traînées de poussière dans l'autre moitié de cette histoire. A force de rencontres, de cahiers retrouvés miraculeusement, de lettres cachées et jamais envoyées, le narrateur obsédé par ce jeu d'ombres parvient à redessiner l'histoire des deux musiciens russes et d'une romance à Berlin, en plein coeur de l'hiver 1943, sous la crainte des bombardements et de l'écho lointain de la bataille de Leningrad.

C'est un chant mélancolique que nous conte Béatrice Wilmos dont "La dernière sonate de l'hiver" est le premier roman. C'est une histoire bouleversante, habitée par des spectres, des héros désespérés qui préfèrent mourir pour une "simple romance" plutôt que pour "rien". Après tout, comme souligne l'un des personnages, "nous n'avons été que des musiciens", livrés au chaos, à la folie et au massacre. Tout n'est que fureur et hécatombe, à travers les destins brisés des russes et des allemands, comme le témoigne la bouleversante confession de Maria, prise au piège de ses fantômes, désemparée par le poids de la responsabilité du secret qu'elle porte. D'abord nébuleuse, l'histoire de ces héros tragiques se peaufine, s'étoffe et prend de l'ampleur, à tel point que "j'ai eu l'illusion qu'ils étaient vivants". Les zones d'ombre demeurent, mais les grandes lignes ont été tracées : "quand la lumière est trop vive, les ombres sont plus épaisses". Vraiment une sonate qui va résonner pour un petit bout de temps dans ma tête...

Flammarion

Posté par clarabel76 à 15:35:00 - - Commentaires [7] - Permalien [#]


Envie de relire

la_visiteQuatrième de couverture
Une célibataire de trente-six ans se fait braquer sa voiture, un soir glacé d'hiver. De retour chez elle, elle est encore sous le choc lorsqu'on sonne à sa porte. Troublée par une apparition pour le moins inattendue, elle accueille l'étrange visiteuse sans poser de questions. Deux jours radieux en compagnie de cette femme remettent peu à peu en question sa vie, ses choix, et la réconcilie avec elle-même.

Un roman troublant, oppressant où l'héroïne passe deux jours avec sa surprenante visiteuse. Baigne-t-on dans la douce illusion, l'utopie de croiser des fantômes ou l'angoisse du cauchemar sans fin ?  J'ai lu ce roman en avril 2004, pourquoi je songe à le relire ? ... Une envie soudaine, là.. brusque et vorace. (Non ça ne fait pas mal !)

Posté par clarabel76 à 14:00:00 - - Commentaires [7] - Permalien [#]

Clara la nuit - Catherine Locandro

clara_la_nuitClara est double : la journée c'est une jeune femme en jeans et baskets, la nuit elle revêt sa tenue de prostituée et tapine au bar Chez Louisa. Jusqu'à présent, Clara maintenait cette limite avec exigence. Or, la visite d'un client lui demandant de lire quelques lignes d'un message sensuel va bouleverser Clara et sa rigueur. En revoyant cet homme dans son existence "normale", en se faisant houspiller par un individu qui cherche à plier son indépendance et la ranger dans son sérail, Clara comprend que sa vie bascule, que ses fantômes la rattrappent, qu'un "second voyage" s'impose...

Ce livre est perturbant. Il déroute parce qu'il parle du milieu de la nuit et de la prostitution avec clairvoyance. C'est glauque, c'est violent, c'est désespérant. Et pourtant, l'histoire de Clara trouve à sortir du piège du misérabilisme. Son portrait est écrit sans dentelles ni fioritures, mais il se pare d'une rencontre amoureuse qui sauve l'aura oppressant de Clara la nuit. Souvent j'ai eu envie d'abandonner ma lecture, mais Catherine Locandro (qui écrivait là son 1er roman) a réussi le tour de force de séduire dans l'absolu, d'être réaliste et tendre à la fois. Clara la nuit est une prostituée au grand coeur, elle est belle, et elle passe son temps à lire. Cette silhouette de lectrice doit certainement compter dans la conquête de ses pages... à méditer ou consulter si ce livre a le bonheur de paraître en poche.

Gallimard

Posté par clarabel76 à 08:30:00 - - Commentaires [13] - Permalien [#]