Fenetre2Greenwich Village, appartement au 2ème étage. Un homme fait la sieste, sa jambe gauche dans le plâtre. C'est un reporter-photographe. D'être coincé chez lui le rend nerveux, et ça l'ennuie. Il passe le temps à regarder par la fenêtre ses voisins. Progressivement, il s'y attache : la danseuse sexy, le compositeur de musique, la vieille fille solitaire, le couple sur son balcon, les jeunes mariés...
Une nuit, Jeffries est réveillé par un cri de femme. Effrayant. Pourtant, aucun signe dans le voisinage.
Au petit jour, il se surprend à observer son voisin d'en face, sa femme qui passait ses journées au lit semble absente. L'homme a un comportement étrange. Il sort la nuit sous une averse orageuse en allant et venant avec des valises. Il enveloppe une scie, emballe tous les vêtements de son épouse dans une grosse malle.
Jeffries songe à un meurtre. Il en parle à son infirmière, à sa fiancée (la ravissante Lisa interprétée par Grace Kelly) et à un détective mais tous le déboutent. Et puis il est critiqué pour son voyeurisme déplacé. C'est une grave atteinte à la vie privée d'autrui.
fenetre6Et pourtant, le dénommé Thorwald est inquiétant. A bien l'observer, oui, Lisa pense que la théorie de Jeffries est plausible !

Pendant presque deux heures, on assiste auprès du personnage de James Stewart à espionner son voisinage, à suivre ses regards, à partager ses pensées, à trembler pour lui.
Hitchcock a restitué un plateau de tournage à la hauteur de ses ambitions. Ce Greenwich Village façon années 50, on y croit, on s'y sent comme chez soi, on swingue en écoutant du jazz, on butine en prenant un bain de soleil, on se regarde de coin, derrière son volet, même si chaque appartement affiche sans pudeur son intérieur. Peut-on blâmer James Stewart de prendre ses jumelles (puis son appareil photo avec zoom hyper puissant) pour tromper son ennui ?
fenetre8Comme le souligne Hitchcock, nous sommes tous des observateurs, ce n'est point un défaut, cela dépasse la curiosité. Sa technique pour "Fenêtre sur Cour" impliquait la théorie : "Le cinéaste n'est pas censé dire les choses. Il est censé les montrer." Et il faut reconnaître ce génie, Hitch sait nous raconter une histoire, il nous captive, il badine avec un peu de sentiments (la bluette entre Jeffries et Lisa), mais surtout il introduit le doute, l'angoisse et exploite le voyeurisme pour déjouer un meurtrier potentiel.

C'est du grand Art ! "Fenêtre sur Cour" comporte plusieurs éléments qui sont aujourd'hui décortiqués, analysés, référencés, etc. Une recherche sur le net vous en donnera tout le poids, c'est flagrant. Ce film figure parmi les oeuvres majeures de son réalisateur, notamment parce que l'histoire est du jamais-vu, parce que les acteurs Lonelyhearts1sont étonnants, parce que l'ambiance mêle l'insouciance et la tension suspecte...

A noter aussi la lecture du roman de Sébastien Ortiz  "Mademoiselle Coeur Solitaire" (Gallimard) qui donne une vraie vie à un personnage secondaire de ce voisinage, Miss Lonely Hearts ! Très bon roman !

Fenêtre sur Cour, film d'A. Hitchcock (1954) - avec James Stewart, Grace Kelly, Thelma Ritter, Raymond Burr, Wendell Corey, Judith Evelyn... Titre vo : Rear Window.