Un après-midi avec Rock Hudson ~ Mercedes Deambrosis
Premier roman que je lis de Mercedes Deambrosis, j'étais curieuse de la découvrir ! Je ne m'étais préparée à rien, je ne m'étais forgée aucune idée inconsciente, et donc j'ai ouvert ce livre avec bonheur.
D'emblée l'écriture est vive et nous entraîne dans un tourbillon. Présentation: Dorita interpelle une ancienne amie du lycée, Carmen, qu'elle vient de croiser par hasard par un glacial après-midi, en ville. Cela fait si longtemps... les bons souvenirs vont refleurir ! Les deux femmes vont prendre un verre et pouvoir parler du bon temps. D'office on lit les traits de ces deux anciennes camarades: l'une est une riche épouse exubérante tandis que l'autre est cramoisie, gênée, légèrement frustrée et balbutiante.. On pressent un tableau caustique et méchamment moqueur. Et puis, à trop se moquer de l'une ou de l'autre, on est mal à l'aise. Finalement c'est trop méchant!.. On perçoit que la situation va mal tourner, la riche fofolle boit trop, se vante trop, et en fin de compte se révèle gourde. Son amie est passive, désolée et déprimée, elle couve un secret qu'on découvre en ricanant. Bref, l'issue de cette histoire ne va pas être toute rose!..
Pour conclure, j'ai bien aimé cette histoire vraiment méchante et trop moqueuse. Car finalement j'ai apprécié ce cynisme et cette perpétuelle dérision. On se doute que les apparences sont trompeuses et que cette mascarade va se terminer en eau-de-boudin. C'est probablement ce qui donne la tournure et le rythme à cette histoire. "Un après-midi avec Rock Hudson" (déjà le titre!... ) est un petit roman -- on le lit en peu d'heures -- qui laisse sa petite trace dans notre coeur.
mars 2004
La nuit retient ses fantômes ~ Shashi Deshpande
Apprenant la mort de sa mère, Saru rentre chez elle, retrouve son père, après quelques quinze années d'absence, d'un départ houleux, fâché avec les siens. Parce que Saru s'est toujours sentie responsable de la mort de son jeune frère, noyé presque sous ses yeux à elle. Donc, responsable de sa mort, reponsable d'être toujours vivante, elle, au lieu du frère chéri. Saru a pris le parti de fuir cette maison où le silence et le ressentiment avaient pris place. Saru a fait des études de médecine, s'est réfugiée à Bombay, a rencontré Manohar, poète charmeur, mais de caste inférieure. Allant une nouvelle fois à l'encontre de sa famille, Saru va épouser Manu/Manohar, avoir deux enfants et devenir médecin, gagnant plus d'argent que son époux, confiné à un poste d'enseignant dans une université de seconde zone...
Shashi Deshpande constitue brique par brique un portrait de femme qui s'est fissuré au fil du temps, depuis une enfance saccagée et meurtrie. Saru représente cette nouvelle femme d'une Inde moderne, contemporaine, la figure d'une femme active, dans sa vie professionnelle et dans le cadre de son épanouissement personnel. Femme, avant tout. Mais son histoire montre combien il est difficile, toujours, de combiner son bien-être intime au paraître de la société, encline au traditionnel et à l'image de la virilité masculine. Saru se dessine d'un chapitre à l'autre, la femme qu'elle est devenue, réfugiée chez son père, traumatisée par son passé, désormais déboussolée dans sa vie de couple. Car les fantômes, la nuit, l'assaillent : il y a celui de son frère, de sa mère mais aussi de son époux, un individu méconnaissable au sein de la couche. Saru tente de panser ses multiples blessures, d'ouvrir un dialogue de sourds avec son père, de comprendre, d'être pardonnée... bref de trouver une voie qui la guidera vers la félicité. "La nuit retient ses fantômes" se révèle vraiment passionnant et montre l'Inde beaucoup plus proche, plus contemporaine et accessible. Loin de l'image traditionnelle et des clichés. Une belle découverte ! (un peu tardive, certes, le roman étant paru en 1980, en édition originale).
lu en mars 2005
Vacances indiennes ~ William Sutcliffe
Du bonheur, ce roman ! Frais, pétillant, drôle et cynique, il nous entraîne aux trousses d'un jeune anglais de 19 ans, Dave, parti trois mois en Inde, avec une compatriote, Liz... Mais avant tout ça, remontons les rouages de la machine : Dave a un meilleur ami, James, qui sort avec Liz. James part huit mois faire le tour du monde, Liz et Dave se rapprochent, deviennent intimes et se fâchent trois jours avant leur départ commun pour l'Inde. Laquelle aventure est particulièrement entreprenante pour Dave, typiquement flegmatique et sacarstique dans l'âme, loin d'être baroudeur de surcroît !
Bref, l'épopée en Inde ne va pas manquer de piquant pour ces deux personnages. Le dépaysement, l'isolement et la solitude se joindront parfois à l'excitation et la rencontre d'une culture différente, la chaleur accablante et les dérivés cosmiques du pays. Aussi ce roman présente de manière délirante les divagations des routards, tous rompus à la lecture du Lonely Planet par exemple, et le psychédélisme souvent stéréotypé, mais pas loin de la réalité, très probablement ! JETEZ-VOUS DESSUS !!! UNE BONNE CLAQUE !!!
lu en mars 2005
Au bar de l'Univers - Benoît Luciani
Il y a de fortes chances que vous connaissiez Benoît Luciani, on le croise parmi les visiteurs de ce blog sous l'appellation : Ben FAPM Member.. FAPM, me suis-je dit ? Kéçako ?? Une secte ? Un mouvement de libération, de déclamation, de solidarité, de machintrucbidulechouette... ? Alors là je lui demande, Cher Benoît Luciani, c'est quoi FAPM ? ...
Sur ce, revenons à ce livre. Oui, ok. C'est un envoi de l'auteur, une demande gentille, délicate ... comme j'aime. Et pourtant je m'étais faite la promesse de résister aux appels des sirènes (mais je n'ai aucune volonté, je suis d'un naturel trop curieux ! !). Mais j'ai d'autres excuses aussi, et là on ne va pas s'étendre, car cela recule l'instant sacré où l'on parle du livre, enfin ! Alors voilà, j'ai reçu Au bar de l'Univers et déjà cela me plaisait. La couverture d'Yves Jamait est chaleureuse, cela vous invite à y entrer et pénétrer dans cet Univers qui s'annonce original et où le désoeuvrement est permis !
J'ai bien fait d'accepter. Oh non, je ne regrette pas du tout cette rencontre. Et c'est avec un enthousiasme sincère et désintéressé que je vous invite à vous procurer ce livre à votre tour. Vous allez m'en remercier ! ... Le hic, c'est que cette lecture est tellement enivrante et incroyable que j'en ai les mots soufflés !
Les mots étaient justes, sans fard, sans détour. Ils exprimaient la pensée exacte, sans artifice. Ils touchaient à chaque syllabe le creux de l'âme.
Oui, Benoît Luciani a la plume sympathique. Il nous présente en de brefs chapitres ses personnages : Hélène, Thomas, Laurence, Maryvonne, Michael, Jean-Baptiste, Marvyn, Manu... Ils ont entre 35 et 55 ans, sont un peu malmenés par la vie, mariés, célibataires, confus, déboussolés, virés, mais tous prêts à faire de ce jour un tremplin pour un lendemain différent. Par une étrange coincidence, ils se donnent tous rendez-vous au Bar de l'Univers le même soir. Leurs silhouettes se croisent, les mains se touchent, les regards s'effleurent... 3 petits tours et puis ça s'en va...
J'ai lu ce livre d'une traite, complètement saoule par ce flux de mots, par cette apparente facilité d'aligner des petites phrases, de créer avec une aisance étourdissante un esprit à ses personnages et de rendre vivant ce roman ! Oui, ceci est une invitation à courir rejoindre ce quartier du 17ème arrondissement pour poser ses fesses sur une banquette du Bar de l'Univers, saluer de la tête Marvyn qui sirote son whisky au bar, sourire aux retrouvailles émouvantes entre un père et une fille, frissonner d'entendre les éclats de voix de deux loups affamés et se demander comment cet autre homme va rebondir après l'annonce de sa compagne...
C'était bruyant comme d'habitude. Il aimait ça. Le bruit. Non, le brouhaha plutôt. Le flot des discussions qui se croisaient, se rencontraient, s'entrechoquaient. Les verres qui claquaient sur les tables, le cliquetis des briquets, le vrillement des pièces sur les marbres des tables. Les regards aussi vagabondaient d'un groupe à l'autre. On se touchait parfois des yeux. On se faisait des promesses impossibles, ou simplement on s'effleurait en se disant que peut-être... dans une autre circonstance.
Benoît Luciani a déjà écrit un 1er roman : Le bruit des hommes (qui me tente bien, désormais !). Et voici son site : Le bruit des hommes . Je vous recommande de lire cette chronique écrite par Christine Spadaccini - c'est diablement bien dit ! D'ailleurs, moi aussi j'ai eu la réflexion ben, dis donc, il a l'air bien ton bouquin, t'as pas levé la tête une seule fois! Lisez donc, vous comprendrez ! ça fait l'effet d'une petit bulle euphorisante !!! Et c'est dommage que tout ça se termine, là... j'en veux encore un peu ! :)
Hugo roman, 190 pages (mars 2007).