L'amour est très surestimé - Brigitte Giraud
Avant de comprendre qu'il s'agit de 11 textes distincts, le lecteur est en droit de se demander s'il s'agit bien de la même narratrice qui, au fil des chapitres, égrène à la 1ère personne son triste constat de l'échec conjugal.
Personnellement j'ai eu quelques vagues de doute.
Une fois bien compris que rien n'était lié, à part le thème du couple et de la pérennité de l'amour, j'ai pu m'absorber dans cette lecture.
Brigitte Giraud est galante, elle écrit sur "la fin de l'histoire" avec un stoïcisme qui vous tire de votre léthargie. C'est bien simple, c'est terriblement évident : "Vous n'avez rien vu venir et vous ne l'aimez plus". A partir de là, l'auteur va broder sur l'attachement matériel, ou son inutilité flagrante quand surgit la cassure, sur l'importance donnée aux enfants, leur annoncer la nouvelle, les prévenir du meilleur comme du pire. Elle envisage aussi l'après, "la juste place", comment se débrouiller avec l'absence, se refaire et s'habiller d'une peau neuve, croiser l'autre et aller vers lui, le repas qu'on prépare pour tout recommencer, reprendre "l'habitude".
"J'avais face à moi un inconnu, cet inconnu avait ravivé l'amour et m'exposait à tous les dangers. J'avais peur d'aimer et de ne pas aimer, peur de me tromper, peur d'aller trop vite. Je ne savais plus comment être devant un homme, alors je baissai un peu les yeux"...
Et puis, comme un second souffle, "le temps a passé", et la narratrice dit merci à son amour, "on n'arrête pas le cours des choses pour dire qu'on est heureux", pour aller à contre-courant du "vertige des naufrages amoureux, l'illusion de la liberté tant convoitée, le fantasme de l'instant exalté, de la jouissance sans limites, (...) la douleur d'aimer ou de ne plus aimer (...), les stigmates de l'échec, l'esthétique de la perte" (...)
C'est sensible et si bien rapporté, parfois amer ou mélancolique, un peu frustrant aussi (il s'agit d'un petit livre de 90 pages) où les sujets sont si bien dressés sur un plateau qu'on aimerait en lire davantage ! Mais c'est comme ça, à prendre ou à laisser ! Stock - 90 pages.
Brigitte Giraud en romans
Basé sur un sujet grave, la mort accidentelle de son mari, ce livre ne baigne pourtant pas dans un mélo à vous tirer toutes les larmes de votre corps. Au contraire, la plume de Brigitte Giraud est forte à décrire ces instants d'une vie à deux, qui brutalement n'existeront plus. A présent la narratrice se rend compte combien elle était heureuse. Et très gravement, tout simplement, elle raconte ces minutes où elle débarque à l'hôpital, apprend la mort, rencontre la famille, explique à son fils, téléphone à droite et à gauche, prend les dispositions pour l'enterrement.. jusqu'au jour des funérailles. C'est bref, précis, sans émotion morbide, ni exaltation effrénée.. A aucun moment la narratrice ne s'effronde en larmes, elle vit ses douloureuses heures en dehors de son corps, qu'elle pense être habité par son compagnon. C'est merveilleux, bouleversant et poignant.
Nadia est née en Algérie et habite la région lyonnaise avec son père, sa soeur, son demi-frère et celle qui n'est pas sa mère. Elle a six ans et entre pour la première fois à l'école. Aussitôt ce monde nouveau devient pour elle une délivrance, un confort, un périmètre de rigueur, d'organisation et d'encadrement. En grandissant, Nadia s'applique toujours autant en classe, en gymnastique mais se détache des autres. Sa différence lui vient du mystère de son passé, sur toutes ces choses qu'elle comprendra "plus tard". Elle apprend ses leçons par coeur mais "personne ne m'apprend mon petit bout d'histoire à moi, ma traversée de la Méditerrannée, ma triste épopée". Car au fil du temps, Nadia devient curieuse, se pose des questions et réfléchit; selon elle, "je ne suis pas celle que tout le monde croit connaître".
En fait, cette jeunesse semi-dorée, semi-amère se passe dans les années 60-70, dans une ZUP où "nous sommes tous des enfants de la guerre d'Algérie, sans le savoir". Nadia est une petite fille attachante, dans laquelle une génération peut se retrouver. Par bribes, elle raconte sa jeunesse et son début d'adolescence, échelonnée de morceaux de poèmes, de règles de grammaire, sciences ou histoire. Nadia s'affirme à l'école mais s'efface chez elle. Sa double identité relève d'un passé familial chuchoté, à peine esquissé. Elle entend "des choses" dans les cages d'escaliers ou près des boîtes à lettres mais elle ne sait rien... Brigitte Giraud livre un nouveau roman en toute simplicité, écrit avec beaucoup d'amour pour la petite Nadia, enfant 'importée", un modèle dont on gomme les angles et avec un pan d'histoire qu'on tente d'effacer, avec maladresse et méchanceté, déjà. "J'apprends" est un mélange d'innocence et de pudeur, de vérité qui sort de la bouche des enfants. C'est très simple, ce qui n'enlève pas sa qualité !
Parce qu'un père a façonné son garçon brutalement, le mettant au piquet, lui infligeant brimades et remontrances dans un but constant de le dévaloriser, cet enfant, Nico, grandit mal. Sous les yeux de sa soeur aînée, Laura, l'enfant va devenir adolescent, instable, boudeur, taciturne et de plus en plus impulsif. Même après le départ du père, Nico ne cessera sans cesse de s'infliger lui-même des punitions, dans un but injustifiable. Qui cherche-t-il à blâmer et sanctionner ? Sa mère trop absente, trop dévouée à ses patients, trop assistante sociale bénévole proche du médecin des pauvres ? Restée seule, celle-ci va laisser sa maison partir à vau-l'eau, impuissante également à maîtriser un garçon qui sculpte son corps, se rase le crâne, incendie des poubelles, fréquente des groupes racistes. Au sommet de cette débâcle familiale, Laura, la soeur, se détache de ce frère qui part en vrilles. Elle décrit la débandade, la fuite des uns, l'abdication des autres et la déconfiture générale.
"Nico" est un roman suffocant, mal aéré, que l'édition de poche atrophie sournoisement. C'est un drame en plusieurs actes, une tragédie sourde au sein d'un foyer rongé par le silence, la non-communication entre les membres, les non-dits et les rancoeurs. C'est dur à lire, c'est étouffant et ça impose un irrépressible besoin d'air frais. Ouf... c'est la fin.
La chambre des parents (1er roman) - Le narrateur est à quelques jours de sa libération, il est actuellement en prison pour une peine de douze ans. Son crime : avoir tué son Papa. Pourquoi? On le découvre à la toute fin, avant il écrit dans un cahier ses souvenirs, dans la petite bicoque familiale, une maman épuisée, un frère évaporé, un père silencieux, absent, exclu du noyau. Les jours ne sont pas roses, sauf lorsque le garçon fait la rencontre de Marianne, qui deviendra son grand amour. C'est un peu pour elle qu'il rédige son histoire.
On devine le pire dans cette intrigue familiale, qui s'étouffe dans ses non-dits, ses silences et ses carences. Que cache cette fameuse chambre des parents ? Ce lieu clos, interdit, ouaté, presque un sacrilège à transgresser. En lisant ce roman, la sensation d'hypnose est immédiate, l'histoire du jeune homme est terrifiante, presque. On lit d'une traite le roman que Brigitte Giraud a mené avec maestria ! (stock)
Brigitte Giraud a écrit là un roman très grave sur les relations difficiles d'un homme et d'une femme à recoller leurs peines et leurs maux d'amour. Chacun est marqué d'un passé douloureux, l'un par le deuil et l'autre par le départ brutal du mari ingrat... Aujourd'hui tous deux passent leurs premières vacances ensemble, avec aussi leurs enfants respectifs. Et ce roman traduit toute la longue et difficile complexité de refonder un couple, avec tous les bagages que l'un et l'autre apportent. C'est beau, difficile, terriblement cruel de vérité. Un roman délicat et très lucide.
Je m'attache très facilement - Hervé Le Tellier
Pourquoi j'ai voulu lire ce livre ? C'est en lisant cette critique parue dans ELLE de Sandra Basch : "Il a la cinquantaine, quelques cheveux en moins, un téléphone portable, une carte Bleue et il s'attache très facilement. Elle a 30 ans, elle est très belle et n'a pas l'air du tout prête à s'attacher à lui. Il ne la connaît que depuis quelques semaines mais il est profondément épris. Au point de voler la rejoindre au fin fond de l'Ecosse alors qu'elle en attend un autre. Et voilà, notre chevalier du XXIe siècle qui s'embarque pour une Berezina sentimentale programmée. Le livre d'Hervé Le Tellier est un joli roman d'amour manqué qui dit, avec un humour tendrement féroce, que ce ne sont ni les avions en retard ni les itinéraires trop compliqués qui font les rendez-vous ratés."
Pourquoi je suis finalement restée sur ma faim ? La figure un peu pathétique de Notre Héros ne m'a guère inspiré de sympathie, dommage. Je l'ai trouvé affligeant et encombrant. S'imposer de la sorte, non moi non plus je n'aurais pas apprécié ! Qu'il ne s'étonne pas... Pourtant ce côté Caliméro qui tente de sauver les apparences a un côté cocasse qui, misérablement, inspire les ricanements. C'est pas bien, je le sais !... mais bon.
"Allons, songe-t-il, si je me montre léger, insouciant, souriant, je la convaincrai d'accepter mes baisers, ma tendresse et, tout doucement, le désir venant, de faire l'amour. J'y puiserai bien plus d'énergie que dans toutes les introspections et tous les questionnements.
Cette légèreté est une nécessité. Car si notre héros voulait bien se l'avouer, c'est de l'instant même où elle a perçu chez lui la naissance d'un sentiment qu'elle a pris ses distances, comme effrayée. Notre héroïne ne veut pas d'ennuis. Il lui semble soudain qu'il lui faut jouer l'indifférent, qu'elle s'abandonnera plus aisément à un homme qui ne l'aime pas qu'à un homme qui l'aime.
Certes, ce détachement n'est pas un trait de caractère qu'il apprécie chez elle, mais si c'est grâce à lui qu'ils font l'amour, doit-il s'en plaindre ? Oui, crie quelque chose en lui, oui, je dois m'en plaindre. Si elle ne recherche que mon désir, si elle ne cherche pas à être aimée, c'est qu'elle ne m'aime pas. "
Ce roman est très léger, dans tous les sens du terme, il n'y a que 100 pages par exemple, en tout petit format ! :) J'avais aussi trouvé le titre très beau, Je m'attache très facilement est en fait emprunté à Romain Gary ! Je reconnais, j'avais d'autres attentes, mais bon... tant pis. Le temps passé à le lire fut très agréable ! Mille et Une Nuits - 103 pages.
(Un gros merciii à Cuné .. elle comprendra !)