Paris l'instant - Philippe & Martine Delerm
"Paris se regarde. Sur tous les présentoirs de cartes postales, Paris se cherche dans sa propre image, amusé, étonné de si peu se reconnaître. (...) Paris fait la moue, un peu flatté quand même d'être partout décliné, reproduit, prolongé en abyme, de voir surgir une vie arrêtée qui ne lui semble pas la sienne."
Oubliez tous vos guides sur la Ville Lumière, plongez votre nez dans l'ouvrage réalisé en commun par le couple Delerm (Philippe pour le texte, Martine pour les photographies) et savourez le plaisir de découvrir Paris tel que jamais vous ne pensiez le deviner !
C'est une longue promenade qui commence, dès dix heures trente au Jardin des Plantes pour s'épuiser dans la mi-journée rue des Cascades... Qu'on soit en avril, en juin ou un soir d'été, on parcourt Paris avec ce même regard étonné, cette curiosité sans cesse renouvellée.
Ce qui est bien avec Philippe Delerm ce sont ces petits instants flashés sur le vif, ces petits riens qui font toute la différence, ces moments indicibles. On pense que c'est si facile d'écrire comme il le fait, et pourtant nul autre que lui ne possède ce doigté à décrypter une lumière blonde sur la terrasse d'un café, le mystère d'une chambre sous les toits, le silence du rossignol, le goût du coquelicot fariné ou d'une soupe à l'oignon.
"Paris l'instant" ne contient aucun poncif, c'est bien au contraire tout l'art de retrouver une ville magique ! "Des pages, des images qu'on ne cherche pas mais qui vous hèlent doucement quand on fouille au hasard, le dos courbé sous le soleil. Des rencontres un peu magiques, mais faciles aussi, et pas complètement singulières : si on ne trouve pas, quelqu'un d'autre passera (...)" .
154 pages - Fayard octobre 2002 - Le livre de Poche mars 2004.
Un grand Merci à Caro[line] qui m'a adressé ce livre - elle en parle chez elle ici !
Le couple Delerm avait également collaboré sur Fragiles en 2001
A Garonne - Philippe Delerm
A Garonne est le souvenir d'un homme pour une maison, celle de ses grand-parents, à Malause dans le Tarn-et-Garonne. C'est La maison où ses parents et lui descendaient chaque été pour y couler leurs jours heureux, échappant à une année confinée dans un logement de fonction en Ile-de-France (ses parents étaient instituteurs).
La maison de Malause est la parenthèse idyllique, bucolique et nostalgique d'un homme devenu écrivain et qui aujourd'hui se penche sur sa feuille pour y déposer toutes ses émotions. Du goût des échappées à vélo, du plaisir d'aller à la pêche, des souvenirs du bal et des filles aux robes blanches, de la grand-mère ou du grand-père qui occupaient une chambre séparée, de la quête des racines, des copains du village... Ce sont tous des moments à jamais gravés dans les mémoires.
En écrivant ce livre, Philippe Delerm prend le pari de livrer une part intime plus audacieuse qu'auparavant. Lui qui voue son écriture à la restitution d'instants fugitifs, à l'intensité des sensations d'enfance atteint avec ce récit une grandeur qui est très émouvante. Dans les dernières pages de son livre, il explique ce que devient cette maison après la mort de ses grand-parents, qu'elle représente toujours un point d'ancrage pour toute la famille et qu'elle porte désormais le nom de La Mascagne, "la maison de ses racines".
Par certains aspects, ce livre me fait penser à La Gloire de Mon Père de Pagnol, et si j'éprouve une grande affection pour ce condensé de souvenirs de l'enfance, c'est aussi parce qu'il pointe le doigt sur l'importance d'une Maison dans l'Histoire d'une famille, et parce que tout n'est pas idyllique. "Pas évident de vivre ensemble quand on ne vit plus ensemble. Et puis, au coeur de la famille, chaque famille a son évolution, son destin. Le quotidien n'est pas si simple à moduler, quand les systèmes de vie s'éloignent et que l'affectif apparaît toujours en filigrane, dans les moments passés ensemble. Mais tout cela, nous le savions à l'avance. Les idées les plus fortes, celles qui nous font vivre, sont les plus difficiles à incarner. Les plus belles. La Mascagne est là. Une maison à partager, par le présent, par la mémoire."
Voilà, c'est tout simple et sensible à la fois. Moi j'aime beaucoup.
135 pages - Nil, mars 2006 - Points, mai 2007.