Vous plaisantez, monsieur Tanner - Jean Paul Dubois
L'envie vous tenaille d'échapper à la morosité, de fuir la grisaille plombante de ce mois de juin qui n'en voit pas le bout d'arriver à la saison de l'été ? ... Lisez donc ce dernier Jean-Paul Dubois, c'est très divertissant, très drôle et passablement grotesque !
Le narrateur vient d'hériter d'une maison familiale et comprend trop tard que ce cadeau providentiel masque le début de l'enfer ! En une succession de chapitres courts, Dubois narre donc ses malheurs de chantier : des ouvriers peu recommandables, des anecdotes allant de mal en pis, avec autant d'humour que de dérision, bref c'est à vous dégoûter sérieusement d'investir dans la pierre et de faire confiance aux artisans et entrepreneurs !
Comme c'est saugrenu, c'est tout bonnement comique. C'est malheureux à dire mais lire qu'un pavillon du parfait pigeon flotte au-dessus de son chantier et invite ainsi tous les loups et requins de la région à pomper l'argent de ce type en manque de veine, hélas oui, c'est drôle !
Mais je pense que le lire une fois suffit, que 200 pages sont honorables et qu'au-delà on frisait la redondance et l'ennui. Le juste dosage ici, donc n'hésitez plus !
Editions de l'Olivier, 2006 - Points 2007 - 200 pages.
A propos de maison et de chantier, je vous propose deux films (de qualités différentes) qui abordent ce thème avec facétie :
La maison du bonheur, de Dany Boon
Synopsis
Un mari radin décide d'être enfin généreux avec sa femme en lui offrant une maison de campagne. Mais il ne peut pas s'empêcher de faire des économies et choisit donc de faire confiance à un agent immobilier douteux et à des ouvriers foireux qui vont transformer sa surprise en cauchemar. ( Grotesque et décevant, mais servi par d'excellents acteurs !)
Un million clés en main, de HC Potter
Synopsis : Jim Blandings, sa femme Muriel et leurs deux filles vivent à l'étroit dans leur appartement new-yorkais. Sans demander conseil à leur ami et homme d'affaires Bill Cole, ils achètent une propriété dans le Connecticut. Hélas l'agent immobilier les a escroqués : la maison est une ruine, et les incidents s'enchaînent... ( Mon avis dans les Salles Obscures )
Voir les jardins de Babylone ~ Geneviève Brisac
Ce quatrième roman de Geneviève Brisac reprend les mêmes personnages des histoires précédentes : dans "Voir les jardins de Babylone" on retrouve Nouk qui approche de la trentaine, elle est maman d'un bébé (Eugenio) et vit avec Berg. L'histoire de Nouk démarre lorsqu'elle apprend qu'elle fait partie de l'échantillon pour une enquête sur la vie sexuelle des Françaises. D'abord réticente, Nouk va progressivement se confier et raconter ses premières amours, souvent catastrophiques, avortées ou saugrenues. Car Nouk est une ancienne partisan de la révolution, elle a fait Mai 68, adhéré aux groupes féministes, revendiqué des changements radicaux, manifesté, rédigé des tracts etc.. Insidueusement, ses idées sont tout aussi provocantes, anti-bourgeoises: ne jamais déclamer son amour, être dans le doute perpétuel de trouver le bon amoureux, ne pas se marier, tout se dire dans le couple etc. Car au fil de ses aveux, Nouk va introspectivement analyser ses sentiments, sa vie et son amour pour Berg et au fil des chapitres l'amertume va poindre...
Ce roman de Geneviève Brisac est assez amer, pour conclure. Portrait sans complaisance d'une jeune femme, de sa vie amoureuse, de ses loupés, ses manques et ses incertitudes. Car Nouk est compliquée comme sa vie : est-elle une bonne mère, son bébé est-il idiot, Berg est-il l'homme de sa vie. S'ajoutent ses questions sur son implication au sein de son groupe des Adélaïdes, ses amitiés, sa vie alentour, etc. "Voir les jardins de Babylone" est un peu sonneur de cloches. C'est une histoire qui remue les consciences, qui remue les idées fixes et qui révise les idées des années soixante et soixante-dix. Au final, c'est un petit peu décevant même si l'écriture est toujours parfaitement maitrisée, sarcastique, fantasque et critique à souhait. Le texte est joyeusement parsemé de chansons, souvent pas très connues. "Voir les jardins de Babylone" est grinçant mais un peu trop alambiqué. J'ai hâte d'ouvrir "Week-end de chasse à la mère" pour découvrir la suite des aventures de Nouk et d'Eugenio.
juin 2004
Jean-Paul Dubois : ce que j'ai bien aimé
Samuel Polaris est un écrivain qui n'écrit plus. Pourquoi ? il doute, mais encore ? Il a quarante-cinq ans, il est marié à une femme orthophoniste, Anna, père de trois enfants. Mais concernant ce petit noyau familial, Samuel se sent étranger, exclu, "locataire dans un hôtel". Sa vision du monde et de la société environnante est cynique, sinistre et dérisoire. Samuel tourne tout en ridicule, son inactivité, l'adultère de sa femme, son rendez-vous râté chez le dentiste...
Et puis, un jour, en tête-à-tête avec son psychothérapeute, Samuel va faire "la rencontre de sa vie" ! Une montre, ayant appartenu au président Kennedy peu avant son assassinat, va réveiller chez cet homme des élans de résurrection ! Car cette montre, finalement, il la lui faut à tout prix !
En ouvrant ce livre, on peut trembler aux premières lignes de la confession de cet homme qui est complètement largué. "Hier, j'ai acheté un revolver" commence l'histoire. Le doute s'installe : l'homme serait-il suicidaire ou assassin prémédité ? Et puis le doute n'est plus permis. Jean-Paul Dubois mène la danse et son lecteur droit au but.
Personnellement j'ai été instantanément sous le charme. Ma soeur pourra dire que c'est "encore un livre de déprime", et pourtant moi j'aime ça ! Pas le glauque, la morosité, etc. Mais la magie du style, la litanie de cet homme perdu, ses mésaventures médicales et cocasses, sa causticité à critiquer le Système. Même si le personnage est fondamentalement antipathique, l'auteur a su l'entourer d'un charisme fou. Samuel Polaris charme, envers et contre tout. Certes, il se regarde trop le nombril, affiche une complaisance affligeante, une indolence répugnante, mais cet homme pense, réfléchit et c'est singulièrement bien dit, bien mûri !
"Kennedy et moi" est un roman fascinant, qui se lit très vite, et qui dresse un portrait non consensuel de l'homme dans sa quarantaine ! Mais l'épouse, Anna, a aussi sa part belle et c'est bien égal !
202 pages / points
On reprend dans ce roman de JP Dubois le personnage de l'écrivain dilettante dans son quotidien excentrique au coeur de sa maison, bâtie de ses propres mains, et de sa famille, son épouse Anna et leurs trois enfants. Si vous avez déjà lu "Kennedy et moi", vous aurez un certain goût de déjà-vu avec "Tous les matins je me lève". Et pourtant ce roman est paru huit ans avant l'autre !
Mais les personnages ne sont pas totalement les mêmes; ici l'écrivain s'appelle Paul Ackerman. Il est sur le point de boucler son huitième roman, mais au commencement de cette histoire Ackerman est victime d'un accident de voiture. Dans la pagaille, il perd sa voiture chérie, une Karmann cabriolet. Et c'est ainsi qu'il devient propriétaire, presque dans la foulée, de l'anglaise Triumph, qui vrombit et freine capricieusement.
En fait, dans "Tous les matins je me lève" Jean-Paul Dubois nous fait l'exploit de raconter les aventures d'un type totalement ordinaire : il ne se passe rien de sensationnel chez lui ! Les quelques épisodes autour d'un ou deux camarades semblent davantage agrémenter l'étoffe du roman plutôt que l'enjôliver. Ces quelques croquis sont proches de l'accessoire ! Et pourtant j'ai du mal à en vouloir à l'auteur car je me suis une nouvelle fois passionnée pour cette histoire banale d'un type quelconque. Son style me fascine et me charme littéralement.
Et puis Dubois possède aussi un certain humour ironique dans sa façon de voir les adolescents, les assureurs, les groupies blondes et les chameaux ! Il laisse voguer en toute allégresse son imagination farfelue, essentiellement dans les rêves d'Ackerman (qui devient champion de rugby ou de golf, ou parvient à voler) ! Un bon roman à découvrir.
212 pages / points
En personnage central, Zimmerman est un type paumé, du genre quelconque et à la vie monotone (encore et toujours !). Il est journaliste aux pages sportives, spécialiste de la boxe. Il a trente ans, il vit seul, sa mère est morte dix ans auparavant et son père a disparu dans la foulée. Il entretient une relation acrobatique avec une collègue, Rose. Mais rien ne semble l'ancrer davantage dans cette existence routinière. Jusqu'au jour où il se fait aggresser par un inconnu, qu'un colosse vient tambouriner à sa porte chaque soir, vociférant son nom et l'ordre d'ouvrir sur le champ. Ce "monstre" semble surgir du passé, comme pour rendre des comptes. Il faut en finir, pour Zimmerman. Il faut tuer le passé !
"Les poissons me regardent" met toujours en scène un héros ordinaire décalé et dépressif, en agonie avec la vie quotidienne. Le roman est toutefois plus amer et plus glauque, les retrouvailles de Zimmerman avec son passé sont teintées de compétitions de boxe, de courses hippiques et de beuveries gerbantes qui se concluent dans des taxis. Pour le coup, c'est un peu écoeurant. Mais Dubois ne sature pas, c'est impressionnant. Ce roman bref se conclue à l'arraché et les aventures de Zimmerman peuvent mettre k-o, pourtant ça se boit comme du petit lait !
192 pages / points
Paul Miller, quarante ans, était marié à Anna jusqu'à l'incendie volontaire de leur maison, provoqué par cette épouse silencieuse et pleine d'acrimonie. Loin d'éprouver chagrin ou remords, Paul va vivre dans un petit appartement où il y rencontre des voisins détonnants : les soeurs Niemi, un vieux médecin solitaire et un prêtre lubrique. Il exerce aussi des petits boulots (distribuer des journaux ou tondre des pelouses). En bref, la vie de cet homme est des plus sordides, lamentables mais drôle !
Face à tant de débandade et de dérision, Paul ne se démonte jamais et livre au lecteur ses pensées les plus abracadabrantes. D'Anna, il reconnaît qu'elle était "une folle" qui a bousillé son semblant de vie. De ses fils, ce sont tour à tour des anguilles, des blattes et des orphelins !
Paul est insensible, cynique et tourmente ses voisins (un peu). Son machiavélisme avec le prêtre Joseph Winogradov est une ingéniosité en rouerie et perversité. Personnellement, j'en ris ! Pour le reste, on peut reprocher à l'histoire d'être glauque et plombante. Pourtant, j'aimerais qu'on fasse le tri dans le portrait de cet homme : ses fantasmes, ses obsessions ou sa vengeance sur "la folle" révèlent un personnage sarcastique et débonnaire, conscient de ses faiblesses, inapte d'accomplir le moindre mal.
"Je suis fatigué de toutes ses luttes improductives. Je ne possède pas la fureur et les vertus d'Anna. Je ne vais pas au bout des choses. Je n'aurais jamais été capable d'être bourreau. Je peux tourmenter une âme, je suis incapable de couper une tête." Toutefois, il réussira à garder le silence, jusqu'au bout ! Prêt à rendre chèvre son psychiatre, ses voisins ou ses fils. Paul se régale, seul, dans sa tête, même la toute dernière phrase tire le sourire. Voilà pourquoi j'ai pas mal aimé ce roman !
183 pages / points
Paul Klein se trouve à Jérusalem, interné dans un hôpital psychiatrique. Comment, pourquoi ? Ses confidences sur papier vont ouvrir la porte à un secret de famille. Paul se croit l'otage de son frère jumeau, Simon. Jusqu'alors, la vie de Paul était limpide, chaotique, mais simple. Il a été marié à Anna, le couple a eu deux enfants, il était spécialiste en météorologie, menait une petite vie idyllique près de Toulouse. Puis il est parti à la conquête de Montréal, aux trousses d'une chasseuse d'ouragans. D'un autre côté, Simon, son frère, semble l'avoir toujours jalousé, du moins lui a toujours reproché d'avoir renié ses origines juives. La brouille entre les jumeaux va durer des années, aidée par l'exil de Simon à Jérusalem, pour un même internement.
Alors ?.. Que s'est-il passé dans l'existence de Paul Klein pour être tombé si bas ?
Autour du personnage de Paul Klein, on s'attache à une kyrielle de caractères secondaires, qui sont autant d'éléments nécessaires au portrait du héros et de son histoire ! La relation entre Paul et son frère, ou Paul et les deux femmes de sa vie, et même Paul et son beau-père, est à chaque fois maîtrisée, aiguisée, jamais tirée à gros traits, tantôt cynique, cruelle ou malicieuse. Dubois est au plus juste ! Poilant, honnête, touchant et captivant !
Dans "Je pense à autre chose", on retrouve (pour ma part) du bon, du vrai, du grand Jean-Paul Dubois ! Celui que j'ai aimé dans des romans comme "Kennedy et moi". Une nouvelle fois l'auteur s'attache à la formule payante de chapitres courts et incisifs, et à une saga familiale teintée de suspense et d'humour. C'est tout bon, j'ai dévoré !
265 pages / points
A suivre : Vous plaisantez, monsieur Tanner
Jean-Paul Dubois : ce que je n'aime pas
Dans un couloir de maternité, Paul Osterman se prend à la tête à réfléchir sur le sens de sa vie et, notamment, sur sa présence en ces lieux. L'homme est un terrorisé de naissance, sujet à l'hypocondrie depuis le décès brutal de son père, et paralysé par l'engagement.
Il faut dire aussi que ses liaisons sont désopilantes. Deux femmes sont donc l'objet de ses souvenirs : Julia de Quincey et Rebecca Crown. Elles sont toutes deux autoritaires, exigeantes et intransigeantes, elles ont également en commun de saboter le moral de Paul Osterman, de le réduire en charpie, pauvre petite chose abusée sexuellement et émotionnellement par le dogmatisme de ces maîtresses.
Evidemment, il est difficile de s'apitoyer sur le sort de cet homme qui, à l'approche de la quarantaine, voit défiler sa vie avec une passivité affligeante ! Il est donc impossible de s'attacher à ce panel de personnages, c'est terriblement désolant.
Etant une inconditionnelle de Jean-Paul Dubois, appréciant son univers et ses talents de romancier, j'éprouve toute l'objectivité permise pour afficher un dégoût pour ce livre. Plus j'avançais dans ma lecture, et plus j'étais effarée du renoncement qui s'opérait en moi. Non, "Prends soin de moi" ne figurera pas parmi mes lectures préférées... loin de là !
Robert Laffont, 1993 - 210 pages - Points
Présentation de l'éditeur
Un électricien victime de fous rires intempestifs perd son travail. Une femme renonce à son fantasme d'amant viril et charbonneux de peur de salir son tailleur beige. Un écrivain brise en mille morceaux, à la fin de chaque livre, le siège sur lequel il l'a écrit...
Avec ce livre-ci, j'ai carrément failli abandonner ma lecture ! La faute est que j'ignorais qu'il s'agissait, en fait, de chroniques écrites en 150 pages (une page pour chaque, grosso modo).
Dans ce livre, je n'ai pas du tout retrouvé l'esprit ni le style de Dubois. J'ai même parfois trouvé qu'on penchait dangereusement dans le vulgaire !
Il est vite temps de passer à autre chose pour oublier cette erreur de parcours !
Robert Laffont, 1992 - 150 pages - Points.
"La vie me fait peur" remplit les mêmes lignes de contrat qu'un bon roman populaire, où l'on suit la saga de la famille Siegelman. Des pionniers en matière de caravaning et tondeuses ! Cette histoire, donc, se passe essentiellement lors du vol France - Miami où est confiné Paul, quadragénaire fraîchement licencié par sa propre épouse ! Ce voyage, en fait, il l'entreprend un peu pour se blottir "sous les jupes" de son père, exilé dans le Sud des Etats-Unis pour une retraite dorée. Histoire de se plaindre d'une telle traitrise, de la débâcle de l'entreprise familiale, d'un égarement d'un homme paumé, largué par la vie depuis de nombreuses décennies !
Au fil des chapitres, un peu comme le décompte des heures, de l'avion qui glisse dans le ciel au-dessus des contrées américaines, Paul fait un bilan de vie guère potable, souvent teinté du souvenir ému d'une mère exceptionnelle et d'un père exubérant et follement dynamique. Son adolescence, sa crise de la vingtaine, son mariage avec Vivien, ses tentatives professionnelles... Paul ne tente jamais de sauver sa peau, il se livre à nu. Toutefois, en tant que lectrice passionnée par l'écrivain Dubois, j'avoue que cette contemplation d'un homme ordinaire, en guerre avec lui-même, est lassante et complaisante. Je ne m'y suis pas sentie embarquée, un peu touchée, mais les longs exposés autour de l'industrie de la tondeuse ont fini de me laisser sur le bas côté !...
236 pages / points
Un homme de quarante-six ans, Paul Peremulter, vient de divorcer et décide de quitter la ville de Toulouse pour un périple aux Etats-Unis qui le conduira depuis le sud jusqu'au nord du pays, dans les bois québecois, sur les traces de son père, porté disparu en plein lac, il y a des années. Depuis Miami à La Tuque (Québec), le parcours de cet homme est cocasse, humble et fouille des sentiments profondément ancrés depuis la perte de ce père, Fulbert. Car bien sûr, Paul va recevoir un bien étrange héritage de cet homme que, finalement, son entourage connaissait très peu !
"Si ce livre pouvait me rapprocher de toi" emprunte des nouveaux sentiers et semble inscrire l'auteur comme un "écrivain américain". L'amour des espaces immenses, des bois, des lacs, de la pêche... J'ai, pour ma part, éprouvé moins d'attrait pour l'itinéraire de ce quadragénaire. Il décide un matin de "changer de vie" mais c'est monotone. Sauf pour les amoureux des histoires "naturelles".
Quand un fils part sur les pas de son père, il s'aventure à ouvrir des boîtes de Pandore. La boucle sera-t-elle bouclée en bout de parcours ? On lui souhaite, du moins je m'attendais à davantage de recherches cyniques, d'humour et de dérision, propres au style de l'auteur. Mais c'est clair que ce roman est complètement différent des autres, mais moi je n'y suis pas sensible.
210 pages / points