24/06/07

Les deux morts d'Hannah K ~ Renaud Meyer

Les deux morts d'Hannah K" d'abord interpelle son lecteur : le narrateur entre en guerilla avec sa voisine du dessus, une vieille dame seule qui vole le courrier du jeune homme, dépose des détritus sur son paillasson, met le poste de télévision à plein volume, envoie de l'eau par le balcon.. bref entre ces deux-là ce n'est pas le grand amour. Jusqu'à cette soirée qui fait basculer leur destin et tous deux vont entretenir une très belle amitié. Celle qui se dit Hannah K va raconter son enfance, son souhait de devenir rabbin, puis sa passion pour le théâtre et le violon, ses débuts de comédienne à Varsovie, sa rencontre avec Louis Jouvet et son hypothétique liaison avec l'homme... Lorsque cette Hannah K décède, le jeune homme va apprendre une autre réalité : elle était tout simplement Anna K, ouvreuse dans un cinéma et passionnée de théâtre, elle était folle et rien de ce qu'elle a raconté n'était vrai. Alors le jeune homme va mener sa propre quête de la vérité, trouver des carnets intimes écrits par une Hannah K, comédienne vivant dans le ghetto de Varsovie dans les années 40. Ses carnets racontent tout le quotidien des Juifs polonais dans le ghetto, livrent des réflexions pointues, cruellement justes et poignantes sur une réalité effarante. Entre Anna K et Hannah K, la frontière entre la vérité et la mythomanie est si infime...
Ne pas trop en dévoiler, car ce premier roman de Renaud Meyer, comédien de son état, nous raconte une véritable et captivante histoire d'un jeune trentenaire qu'une rencontre anodine va complètement chambouler. Le style d'écriture est incroyablement soigné. La forme du roman, judicieusement construite, recèle un témoignage hors pair du ghetto juif de Varsovie. Qui ne sera pas touché par cette confession passe son chemin... C'est un roman qui fait aussi découvrir le désarroi d'un peuple parfois incrédule par tant d'injustice, d'oubli de l'extérieur, un peuple qui tente de résister par le théâtre, une passion qui les fait tenir debout, envers et contre tout.
Vraiment captivant, ce roman bouleverse tout autant. Je le recommande chaudement.

juin 2004

Posté par clarabel76 à 15:56:00 - - Commentaires [0] - Permalien [#]


Une femme sans histoires - Christopher Priest

Réfugiée dans le Wiltshire depuis son récent divorce, Alice Stockton cumule les infortunes en apprenant que son manuscrit vient d'être saisi par le ministère de l'Intérieur avant même sa publication. Incapable de comprendre cette action, décidant d'en découdre avec son agent littéraire, Alice voyage entre Londres et Milton Colebourne en pure perte.

Dans la foulée, elle apprend la mort brutale de sa voisine et amie, Eleanor Traynor. Qui voulait la peau de cette vieille dame sans histoires ? Alice est bouleversée mais refroidie en faisant la connaissance de Gordon Sinclair, qui prétend être le fils d'Eleanor.

une_femme_sans_histoiresAussi troublant qu'inquiétant, le roman de Christopher Priest ne baigne pourtant pas dans la science-fiction pure et dure, c'est au contraire très discutable ! Je pense même à un roman policier à tendance morbide, dans cette ambiance poisseuse et assommante, où les dangers percent de toutes parts. Le personnage d'Alice Stockton manque un tantinet de charisme, elle apparaît faible et indécisive, mais privée de son travail d'écrivain elle atteint une dimension fort intéressante.

Le travail de création et de frustration littéraires est du reste fort bien représenté, admirablement exploité. C'est d'ailleurs ce personnage de femme écrivain vivant seule avec son chat dans la campagne anglaise qui m'a incitée à lire ce roman classé SF ! Je ne suis pas du tout une férue de ce genre, j'étais donc sceptique. Mais laissez-moi dire que ce roman ne collectionne pas trop les clichés de sa classe ! Bien loin de là.

On soupçonne la forte angoisse, les arcanes entourant la mort d'Eleanor Traynor ne sont pas non plus lisses et rassurants. Et les chapitres où le personnage masculin sous-entend créer une nouvelle réalité sont superbement déroutants, même agaçants vers la fin du roman. C'est bien l'ennui avec ce livre. Au départ, on le dévore, le style "roman policier un peu morbide" est alléchant, puis vers les 150 dernières pages, le ton devient trop huileux et plus glauque. C'est dommage car la matière était bonne et c'est avec ce genre de lecture que mon horizon de lectrice peut s'élargir. Je ne suis pas totalement vaincue, mais ce ne fut pas le choix le plus convaincant !

Folio SF, 385 pages - Traduit de l'anglais par Hélène Collon. Cet ouvrage a été précédemment publié dans la collection Présence du futur aux éditions Denoël.

  • A lire : LeLittéraire.com qui juge le roman "brouillon d'une future grande oeuvre en gestation" (le roman a été écrit en 1990) ; scifi-universe.com qui trouve ce roman à la limite de la littérature blanche et très agréable à lire ** Auteur lu par Les Rats de Biblio-net (avec Cuné & Chimère dans les starting-blocks !!!)

Posté par clarabel76 à 15:30:00 - - Commentaires [10] - Permalien [#]
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