L_officianteIl est difficile de se séparer d'une maison, encore plus de ses souvenirs. C'est le constat de la narratrice qui regarde de loin les visiteurs et potentiels acquéreurs de la grande maison héritée d'une tante, sur l'île de Noirmoutier. Chaque pièce étant associée à une personne, à une période essentielle dans la vie de la famille, la narratrice s'avoue décontenancée par l'intrusion d'inconnus sur ses plates-bandes. Mais il faut vendre, par manque de moyens pour entretenir cette immense propriété familiale.
Elle n'est pas parfaite, la propriétaire s'est toujours exercée à démontrer aux acheteurs les imperfections de sa maison. Mais cette fois-ci, le couple semble sous le charme, séduit aussi pour toutes ces précieuses aspérités. Il est donc l'heure de tourner la page, de faire le bilan, de ranger l'album de famille, "d'un ton sépia, toutes ces choses se sont mises à vibrer, faisant entendre leur chant suranné".
Charme indicible et fragile, récit à la fois intimiste et empreint d'un hymne pour le goût de l'ancien, de la nostalgie, ce doux murmure emporte le lecteur, sensible à cette poésie. Pas seulement tourné vers le passé, ce livre donne aussi de l'allant et chasse la mélancolie. Car "L'officiante" invite à se poser, à rêver, à penser...
Très joli.

Seuil, 173 pages.  Mars 2005.

... Je te dis pas, Sathya, l'odeur des draps séchés en plein air ; on en a tant parlé dans les poèmes et les chansons d'auteurs disparus. Tant de corps ont été vivifiés de la sorte. Est-ce que tu connaîtras seulement les draps ? Dans les couettes on ne peut pas s'enrouler, on ne peut pas cacher ses larmes comme dans un grand mouchoir ni deviner comme sous la neige le paysage des corps, le pic du sexe des hommes et les contreforts en pente douce des seins des femmes. Ces beaux renflements que l'oeil caresse avant que la main n'entre en contact avec le linge fin, l'exquise fraîcheur du drap qui rendra plus délicieuses encore la surprise de la peau, sa chaleur, et la texture unique de son grain. Les couettes recouvrent tout d'une épaisse couche trop lourde et peu maniable.  (...)