Toutes ces vies qu'on abandonne - Virginie Ollagnier
Décembre 1918, Annecy. Claire, 18 ans, jeune infirmière et novice, porte son assistance au professeur Tournier à l'hôpital d'aliénés où est reçue la plupart des soldats rentrés de guerre. Les blessures sont lourdes, pas seulement les plus visibles, mais surtout celles qui sont tues, comprimées et qui brisent en mille morceaux les êtres devenus des morts vivants.
Ah non ! Rassurez-vous, l'histoire n'est pas sanguinolente, pas compliquée ni démoralisante. Loin de là ! Car parmi les nouveaux patients, un soldat inconnu attire l'attention de Claire. Il est prostré, muet, mystérieux. On ne sait rien de lui et cette détresse touche profondément notre jeune novice.
Prête à prononcer ses voeux pour devenir religieuse, Claire commence de plus en plus à se questionner sur son engagement, sur ses croyances et ses motivations. Face à la misère humaine, ravagée par la bêtise de la guerre, la jeune femme voit sa foi sérieusement ébranlée. En tant que fille de Dieu, elle est prise à parti par des hommes bouleversés dans leur destin.
La faute à personne, et pourtant...
Claire s'applique donc à sortir l'inconnu de son mutisme. A l'aide de douceur, de massages, de patience exemplaire et d'une intuition remarquable, elle va parvenir à diagnostiquer le traumatisme de ce soldat.
Parallèlement, s'écrit dans le texte le monologue intérieur de cet individu, qui ouvre ainsi au lecteur une nouvelle fenêtre pour cerner le personnage.
Enfin voilà ce qu'on peut en dire. Comme moi, peut-être allez-vous penser instinctivement au Patient Anglais de Michael Ondaatje... Mais la lecture du roman de Virginie Ollagnier vous donnera finalement un aperçu tout à fait différent. Il s'agit plus ici d'un portrait attachant d'une jeune femme face à de nouveaux choix dans sa vie, exacerbés par cette rencontre improviste.
A vrai dire, j'ai beaucoup aimé toute la première partie du roman. J'y ai trouvé de l'acuité et de la sensibilité, de la délicatesse dans le portrait de la jeune infirmière. Cette dernière va avoir des discussions très intéressantes sur le désir.
De plus, ce n'est jamais glauque, en dépit du climat hivernal et de la situation post-armistice. Pourtant mon intérêt a un peu flanché en fin de partie, de façon incompréhensible.
Car "Toutes ces vies qu'on abandonne" n'en reste pas moins une lecture enrichissante, notamment sur le sujet des débuts de la psychiatrie et les pathologies. J'ai lu en critiques qu'on comparait également ce livre à celui de Marc Dugain "La chambre des officiers" à propos des soldats et des vestiges de la guerre.
Très belle écriture, classique... à tenter !
Liana Levi - 280 pages -
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Chante Luna ~ Paule du Bouchet
Paule du Bouchet se révèle une jolie romancière pour la jeunesse : c'est déjà son deuxième roman que je lis d'elle et qui traite du délicat sujet de la guerre. Dans ce dernier ouvrage, intitulé "Chante, Luna", elle donne voix à une jeune juive prénommée Lulla, dont le magnifique timbre rappelle le clair de lune limpide et mielleux. Encore enfant, Luna se verra précipitée vers l'âge adulte lors de l'invasion des troupes allemandes dans Varsovie et le cantonnement de tous les juifs du pays dans le ghetto de Varsovie. Très délicatement, la jeune fille va dérouler le fil des événements, son quotidien au sein de l'effroi, de l'horreur, de la peur et des menaces grandissantes. Malgré la disparition de ses proches, Luna tentera de garder l'espoir grâce au chant. "Chante, Luna, chante !" comme lui ordonnent son père, sa grand-mère et ses compagnons d'infortune.
Paule du Bouchet réussit un pari sensible : traiter d'un chapitre douloureux sans ambages et sans pathos. Délivrée d'une manière parfois édulcorée, l'extermination du ghetto juif est toutefois révélée dans toute son horreur et son invraisemblance. L'auteur traite également du mouvement de résistance mise en place au sein du ghetto et qu'on aurait tendance à mettre en berne ou réduire à quelques lignes.
"Chante, Luna" se résume à une magnifique ode à l'espoir au-dessus du misérabilisme, à la vie après la mort et à l'amour par-delà les limites. Etonnant, épatant, ce petit livre est à conseiller aux jeunes lecteurs et à un public large. Ne pas hésiter !
juillet 2009
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