No et moi - Delphine de Vigan
Un de mes coups de coeur de la rentrée !
Lou Bertignac n'est pas comme ses petits camarades de classe. Elle n'a que 13 ans, elle est déjà en seconde, dotée d'un QI au-dessus de la moyenne, elle est timide, a un gabarit minuscule et se sent seule.
Chez elle, l'ambiance est un peu morose. Sa mère ne parle plus, elle est murée dans son chagrin depuis la perte de son bébé. Son père surnage comme il peut, mais se cache dans son bureau pour pleurer.
Alors forcément, en croisant cette jeune fille dans le hall de gare, Lou se sent attirée par elle. Visiblement, c'est une SDF, elle doit avoir 18 ans et sa détresse l'émeut. Elle s'appelle No.
Sous prétexte d'un exposé pour l'école, Lou va l'aborder, lui offrir des verres et la faire parler. Mais No est imprévisible, son caractère animal demande qu'on l'approche en douceur, qu'on l'apprivoise. Et c'est ainsi que l'amitié va naître entre Lou et No.
Pensant que le roman de Delphine de Vigan allait clamer un message politique, pour réveiller les consciences au sujet des SDF, j'étais sceptique en commençant ma lecture. Et puis, j'ai été piquée par l'étonnement, le ravissement et l'enthousiasme.
Ce roman est tout bonnement époustouflant !
Il donne la parole à une jeune adolescente de 13 ans, qui est très intelligente, qui réfléchit beaucoup et pose trop de questions. Elle voit la vie de manière idéaliste, décidée de s'éloigner du drame qui a frappé sa famille. La rencontre avec la jeune SDF devient une relation qui trouve vite son équilibre, car les deux filles sont toutes deux en quête d'une bouée de secours.
La façon de présenter l'âpreté de la situation et la condition des SDF ne bascule jamais dans le mélo ni le sordide, jamais dans le glauque non plus. L'auteur expose une réalité, tente une utopie mais demeure sereine et lucide.
Honnêtement j'ai trouvé ce roman très bon sur toute la ligne. Lou Bertignac, 13 ans et intellectuellement précoce, tient des propos qui sont à la fois fantaisistes, drôles, attachants et sensés. Elle est confrontée à une réalité qui est loin de sa propre vie, mais en même temps elle expose un aspect de son existence qui reste celui d'une fille de son âge, avec ses crises d'incertitude, de manque de confiance en soi, d'amours naissantes et de dilemmes avec les parents.
Oui vraiment, "No et moi" est un roman qui va vous étonner, avec une histoire honnête, perspicace, tantôt amusante et attendrissante, bref une belle surprise !
N'hésitez pas !
JC Lattès - 282 pages - En librairie le 24 Août 2007.
** Rentrée Littéraire 2007 **
Extrait : " Moi, je suis peut-être utopiste, n'empêche que je mets des chaussettes de la même couleur, ce qui n'est pas toujours son cas. Et pour exhiber une chaussette rouge et une chaussette verte devant trente élèves, on ne m'ôtera pas de l'idée qu'il faut avoir un petit coin de sa tête accroché dans les étoiles. "
" Je croyais que l'on pouvait enrayer le cours des choses, échapper au programme. Je croyais que la vie pouvait être autrement. Je croyais qu'aider quelqu'un ça voulait dire tout partager, même ce qu'on ne peut pas comprendre, même le plus sombre. La vérité c'est que je ne suis qu'une madame-je-sais-tout (c'est mon père qui le dit quand il est en colère), un ordinateur en plastique minable qu'on fabrique pour les enfants avec des jeux, des devinettes, des parcours fléchés et une voix débile qui donne la bonne réponse. La vérité c'est que je n'arrive pas à faire mes lacets et que je suis équipée de fonctionnalités merdiques qui ne servent à rien. La vérité c'est que les choses sont ce qu'elles sont. La réalité reprend toujours le dessus et l'illusion s'éloigne sans qu'on s'en rende compte. La réalité a toujours le dernier mot. C'est Monsieur Marin qui a raison, il ne faut pas rêver. Il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est plus fort que nous. "
This is not a love song - Jean Philippe Blondel
En quittant la France dix ans auparavant, Vincent tournait le dos à la "lose" qui s'accumulait depuis l'adolescence et connaissait son apogée en cohabitant avec l'ami de toujours, Etienne. Puis il a rencontré une jeune anglaise, Susan, et a choisi de la suivre et de faire peau neuve de l'autre côté de la Manche.
Ni remords, ni regrets.
Aujourd'hui c'est un homme sûr de lui, qui a réussi. Il est marié, a deux enfants, mène une carrière prospère.
Pour une semaine, Vincent doit cependant faire face à son passé, à ses fantômes et ses démons. Il retourne seul chez ses parents, il revoit son frère cadet, ses amis, son ex. Tout a un goût amer et rance. L'envie de fuir à nouveau le tenaille. Même son ironie mordante ne peut lui tenir la tête hors de l'eau.
De plus, face à sa belle-soeur Céline, il boit la tasse en apprenant le sort qu'a connu son pote Etienne après son départ.
« Est-ce qu'on est responsable des gens avec lesquels on a vécu, une fois que notre histoire commune s'est terminée ?
Est-ce qu'on se doit d'accompagner ceux qui nous ont accompagnés, doucement, jusqu'à la porte de sortie de notre existence pour que leurs fantômes ne viennent plus jamais s'interposer ?
Est-ce que je suis un bourreau ? Est-ce que j'ai donné l'ordre d'exécution ? »
J'ai éprouvé des sentiments multiples en lisant ce roman. D'habitude, ce qu'écrit Jean-Philippe Blondel ne force pas le lecteur à se questionner. On prend ce qu'il nous donne, et puis basta. L'écrivain a une renommée assez lisse. Ses dernières publications ne cessaient d'être accompagnées de l'avertissement au lecteur fidèle : attention, roman plus âpre, plus grinçant, plus violent, très différent, blablabla.
J'attendais d'être bousculée, pour l'instant je conservais mes acquis.
Et puis, j'avais été prévenue : « This is not a love song » pourrait décevoir et déranger. Il pourrait décontenancer et échapper aux idées reçues.
Il pourrait ne pas plaire.
Ce coup-ci semblait être le bon.
J'ai compris ce qui fâchait : Vincent est un personnage arrogant, odieux, immonde, infect. Trop railleur, carrément pédant, sûr de ses choix, manquant totalement de moralité. Mais bon...
J'avais envie de ne pas l'aimer, or l'infâme individu a su me séduire. Un comble ! J'ai tendance à détester les personnalités imbues d'elles-mêmes, les quadras conquérants et sarcastiques. Mais l'auteur Blondel est parvenu à corrompre mes défenses naturelles, à gagner mon indulgence.
Alors j'ai lu d'une traite ce qui éclaboussait notre héros moqueur, au point de ne plus être étonnée par son regard et ses verdicts. Je me suis attachée progressivement à son discours, comprenant de plus en plus ce qui activait cette machine, froide en apparence. Je ne parvenais plus à le détester, je ressentais des affinités !
Cela reste donc une affaire de goûts. On aime, ou on n'aime pas. Ce nouveau roman de l'auteur pourra désillusionner, personnellement j'ai apprécié.
Je reste toutefois sceptique devant la fin du roman, concernant la confession de Céline (un peu trop mélo, à mon goût). Et puis Vincent et ses jugements à l'emporte-pièce sont parfois trop pesants, trop faciles.
A tenter !
Robert Laffont - 212 pages - En librairie le 23 août 2007. Illustration : Stéphane Manel, d'après une photo d'Emmanuel Robert Espalieu.
** Rentrée Littéraire 2007 **
Bizarrement, en découvrant ce livre et son titre, j'ai aussitôt pensé à cette chanson (à écouter ci-dessous). Et même si c'est London Calling qui sonne en écho, lointain, très lointain ...
Merci JP pour l'envoi !