Ce que je sais d'elle ~ Béatrice Hammer
Une femme a disparu, laissant derrière elle un mari et deux enfants. "Un enquêteur" interroge la famille, les amis, les collègues et les gens du quartier, ceux qui ont côtoyé cette mystérieuse femme. Car à la lecture des différents témoignages, on s'aperçoit que celle-ci n'était pas tout à fait la même : secrète, certes, mais pour certains, destructice et croqueuse d'hommes, pour d'autres, artiste utopiste, excellente professeur de maths, introvertie mais rancunière, une mère, une femme, une épouse lassée par son quotidien, qui a pris les voiles. On pense qu'elle est morte, qu'elle a été enlevée, qu'elle s'est enfuie avec un amant, qu'elle a changé de vie... Chacun tente d'apporter une solution, ou sa propre explication pour rejeter le sentiment de culpabilité, pour refuser de voir et de comprendre pourquoi cette femme s'en est allée sans mot dire. A la fin du livre, il n'est vraiment pas possible d'apporter un portrait défini de cette femme : elle est tout et rien à la fois. Ses traits sont flous, son caractère fuyant... peut-être n'a-t-elle jamais existé ? Il est possible de créer l'image fantasmée d'une personne, il est plus difficile de cerner la vérité. Ce livre de Béatrice Hammer démontre que toute personnalité est nuancée, qu'elle est le fruit de l'imagination des gens qui nous entoure. D'un autre côté, ce livre m'a rappelé celui d'Emilie Frèche, "Une femme normale". "Ce que je sais d'elle" de Béatrice Hammer a l'infime avantage d'avoir une conclusion délirante et ouverte aux plus folles spéculations !
septembre 2006
Avec ses moustaches ~ Thomas Paris
Marc et Jeanfrançois fêtent leurs retrouvailles dans un café. Ils se sont connus sur les bancs de l'université, Jeanfrançois (volonté absolue de sa mère de ne pas donner de prénom composé!) a séduit son camarade avec ses idées de jeune révolutionnaire, en lutte contre l'oppression de la société capitaliste. Quinze ans ont passé et les deux amis débordent à nouveau de projets contre les Morlocks, une souche d'opportunistes bien définie, les privilégiés, et qui horripile Jeanfrançois. Son chef de file, à ses yeux, est le pdg de Canal France : Hubert Lefur. Il faut l'anéantir, le kidnapper... lui raser sa moustache !
Car cet Hubert Lefur, finalement modeste et bonasse, est pourvu de belles moustaches à l'ancienne, "qui se déployaient avec discipline sous son nez fort, décollaient dans un début de looping et se désintégraient pour éviter une collision fracassante". Sa marque de fabrique, sa signature. Et quoi de plus vengeur que de s'en emparer, couic, d'un coup de ciseaux ?! Ainsi s'en vont trois compères (un certain Erwan va s'allier à cette vendetta contre l'oppresseur) dans une aventure ubuesque. On les prendrait pour des hussards, et Thomas Paris lui-même se porte en héritier de cette fougue intempestive. Il manie la plume avec panache, il envoie dans les roses tout semblant de gravité et sérieux. Comme il a su le prouver dans son premier roman ("Pissenlits et petits oignons"), Thomas Paris passe le cap du deuxième roman avec brio. Il tord le cou aux amourettes, aux révolutionnaires, aux dirigeants, aux bourgeoises, aux amants, aux étudiants, aux lympathiques, etc... Mais par contre, il rend hommage à LA figure de la Chrétienne, "au seul sens du terme", c'est-à-dire la grand-mère (d'Erwan), qui mérite sa place dans ce roman, et dans tous les romans d'ailleurs. C'est là toute la fantaisie de l'écrivain, son hommage, son adoration. Pour vous convaincre d'ouvrir son roman, n'attendez plus de le lire !
septembre 2006
Quelque chose à cacher - Dominique Barbéris
J'ai été déçue par ma lecture, m'attendant à retrouver cette incroyable force psycho-dramatique aperçue dans un livre précédent « Les kangourous ». Dominique Barbéris ne renouvelle pas l'exploit, pourtant l'histoire avait de quoi séduire : une femme a été retrouvée morte dans l'ancienne propriété de sa famille où elle était revenue pour la nuit.
Le narrateur est le gardien du musée, chasseur et peintre à ses heures perdues, fils du docteur de la petite ville de N., il a passé son adolescence à admirer cette Marie-Hélène qui changeait d'amoureux comme de chemise et allait danser au Black and White.
Cela faisait des années qu'elle n'était pas revenue au pays, mais personne ne semblait l'avoir oubliée. Sa mort, aujourd'hui, délie les langues. Le gendarme Massonneau partage avec le narrateur le récit de cette nuit remplie de drames et de mystères.
« Quelque chose à cacher » a un petit quelque chose des Âmes Grises de Philippe Claudel : une mort peu commune, des notables visés, une localité renfermée et un esprit très morne, très mélancolique dans le texte. La comparaison s'arrête là, le livre de Claudel est plus grisant. Dominique Barbéris a une écriture très pointilleuse, mais peut-être cela endort-il son histoire qui m'est apparue indolente et morose.
A voir.
Gallimard - 160 pages / Août 2007.