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Chez Clarabel
26 septembre 2007

Alice Thomas Ellis (et autres lectures)

Les filles, c'est vraiment des pauvres types

Année 1961, région minière dans le nord de la France, Bibile est une gamine de dix ans, qui vit là avec son frère Sylvain et ses parents. Bibile et Sylvain sont deux inséparables, deux petites canailles, les champions des bêtises. Bibile est scotchée à son frère tandis que celui-ci lui en fait voir de toutes les couleurs, car de toute façon "les filles c'est vraiment des pauvres types" ! Avec eux deux, tout y passe : les cocos, la communion, la télévision, l'oncle Louis, le piano à queue, le M. Banania et le marronnier qui parle ! ... Ce roman offre une histoire pleine de fraîcheur et de simplicité, autour de la personnalité pétillante de la fillette, laquelle parle de sa vie, son frère et leurs aventures sur un ton bourré d'humour, qui frise la grossièreté, mais jamais vulgairement. Bibile et Sylvain font des trucs de gosse, se taquinent, s'entendent comme chien et chat ou comme larrons en foire, bref c'est un beau portrait d'un optimisme à toute épreuve. Un coin, une époque, qu'on lit avec sourire et plaisir !


Trilogie du Jardin d'hiver

Premier tome d'une trilogie truculente, Les habits neufs de Margaret raconte l'épuisante préparation du mariage de ladite Margaret avec Syl, le fils de Mme Monro, une vieille voisine acariâtre. Syl a le double de l'âge de la jeune fille, qui n'a pas choisi de se marier, "c'était plutôt Syl qui avait choisi de m'épouser parce qu'il était temps pour lui de se marier". Leur future alliance est incongrue. Même aux yeux de Margaret qui refuse de plus en plus d'accorder son destin à celui de Syl. Elle ne l'aime pas, elle lui dit. Pourtant elle bloque à tout avouer à sa mère, excitée par l'approche du Grand Jour. L'arrivée de Lili, une ancienne amie de Monica (la mère de Margaret) du temps de sa vie en Egypte, peut bouleverser l'existence de chacun.

Lili est vive, exubérante, mariée à Robert (artiste peintre) et sans enfant, butineuse et volage. Sa venue soulage, agace, exarcerbe des désirs. Lili fume et boit. Elle parle beaucoup. Elle ne s'embarrasse de rien, cerne la transparente Margaret et met son grain de sel dans les petites affaires familiales. <br />Dans ce premier volume, on suit donc le monologue de Margaret qui vit avec passivité les quelques semaines qui la séparent de ses noces. Margaret est indolente, muette, fade et sans saveur. Autour d'elle, les figures féminines sont éclatantes et l'écrasent. Margaret l'avoue, elle se sent &quot;aride et incapable de désir&quot;.

J'admire l'humour féroce des dames anglaises, comme c'est le cas avec Alice Thomas Ellis. Ce premier chapitre de sa trilogie du Jardin d'Hiver est la rencontre d'un milieu oppressant, fermé et contraignant dans lequel les femmes étouffent et taisent leur moi profond. Margaret en est l'exemple. La suite de la trilogie donnera voix au chapitre à des figures plus pétulantes, mais pour commencer, posément et fielleusement, l'auteur pousse du coude Margaret, la future épouse malgré elle, celle dont la personnalité est la plus terne et mystérieuse. C'est également une manière redoutable d'afficher la loi muette des mariages arrangés, incluant la bêtise, la mesquinerie et les relents de haine. En règle générale, Alice Thomas Ellis, comme ses consoeurs britanniques, épingle avec humour noir les us et coutumes du mariage, cette institution implacable, fausse et vouée à l'échec. C'est merveilleusement rendu : cruel, mordant, acide et décapant. Les trois livres se lisent à la suite, c'est un régal !

Les ivresses de Mme Monro est donc le deuxième volume de la trilogie du Jardin d'hiver d'Alice Thomas Ellis. Mme Monro est la vieille voisine de Monica et Margaret, et la mère de Syl qui doit épouser la jeune fille. Elle est âgée de plus de 80 ans, elle est veuve et n'a plus que son vieux chien teigneux pour lui tenir compagnie. Mais la solitude ne lui pèse pas, ni son veuvage. Au contraire, Mme Monro révèle très vite quelle libération cela a été quand son mari est mort. Elle n'a pas fait un mariage d'amour, loin de là. Cela ressemblait plus à de la convenance, pour les deux parties. <br />A quelques semaines du mariage, Mme Monro reçoit la visite de Lili, toute en flamboyance et fausse innocence. Un incident survenu par le passé relie les deux femmes, qu'il n'est pas décent de rappeler. La vieille Mme Monro hésite à lui en vouloir, à oublier, à en parler etc. Car Lili et elle vont finalement se côtoyer à un rythme soutenu, souvent arrosé par le scotch et agrémenté de révélations déstabilisantes. <br /><br />En prenant le même décor de fond avec les personnages similaires, Alice Thomas Ellis réussit le coup de génie d'attiser la curiosité, de revisiter quelques scènes et d'intriguer le lecteur, aussitôt convié à reprendre le livre précédent pour feuilleter le livre à nouveau. L'intrigue s'étoffe, s'éclaire et s'enrichit. Les personnages prennent de l'ampleur, les zones d'ombre s'amenuisent ou grossissent (au choix). Je crois que le tome 3 va apporter la pierre à l'édifice et boucler ce cycle avec brio. Le monologue de Mme Monro est le constat fort amer du temps qui passe, du désarroi de la vieillesse (Mme Monro ne cesse de se plaindre de radoter et de trop penser au passé). Ce n'est jamais triste ou sinistre. Tout au contraire ! Mme Monro a l'esprit vif de quelqu'un très en verve !



<p>Ce troisième livre du cycle du Jardin d'hiver d'Alice Thomas Ellis est donc le monologue de Lili l'Egyptienne, Lili la voluptueuse dont les bravades attirent le scandale. En débarquant à Croydon chez Monica pour le mariage de Margaret avec Syl, Lili n'imaginait pas dans quels tourbillons elle allait se jeter. Son histoire la rend totalement différente du personnage qu'on imaginait dans les deux premiers tomes, et sa véritable figure révèle une femme plus sensée, attachante et dévouée. Dans cette communauté anglaise où elle s'installe pour quelques semaines, Lili va vite laisser son empreinte, en mettant son grain de sel, en faisant tourner les têtes, en donnant de son corps et en faisant des promesses... Une flamboyance étourdissante, dans laquelle il ne faut pas oublier Robert, son mari, un pion plus qu'important, finalement. <br /><br />Ce portrait qui donne la touche finale à la trilogie est une apothéose. En trois livres, le lecteur a su finalement se construire une idée à chaque fois renouvellée des personnages, des événements et de certaines séquences. Ce principe n'est jamais répétitif mais éclaire définitivement. L'écrivain Alice Thomas Ellis était une femme de lettres au grand talent, dont la causticité n'avait pas de quoi pâlir si on la comparait à ces autres dames anglaises à la plume bien souvent acérée. Il faut vraiment la lire et la découvrir, c'est savoureux ! </p>



<p>Les oiseaux du ciel</p>
<p>Mrs Marsh a bien la ferme intention de passer des fêtes de Noël conventionnelles, chaleureuses et chichement guindées, bref le topo ordinaire ! Mais cette année s'annonce mal, d'abord car depuis quelques mois Mary est revenue à la maison, depuis la mort de son fils Robin. Mary est sombre, mélancolique, elle passe ses journées devant la fenêtre à regarder les oiseaux et la neige qui tombe. Mrs Marsh compte sur son autre fille, Barbara, pour dérider cette sombre atmosphère. Second hic : Barbara débarque avec sa petite famille, son mari universitaire Sebastian, et ses deux adolescents, Sam et Kate, dans un esprit complètement feu-follet. Barbara ne dit rien, mais elle soupçonne son mari d'avoir une liaison avec &quot;La Givre&quot; ! La jeune femme est désemparée, garde son secret, sans savoir que son fils est au courant de l'affaire, et arrive chez sa mère en espérant conquérir Hunter, l'éditeur de Sebastian, et également l'ami de Mary. <br />&quot;Il n'y a pas que la mort pour faire souffrir les gens&quot;... songe un personnage, au cours de l'histoire. Car ces fêtes de famille vont partir dans tous les sens, empêtrés dans des sentiments de convenance et d'apparence qui ne peuvent être contenus plus longtemps. Les failles secrètes apparaissent, les digues lâchent. Mrs Marsh en tant que capitaine du navire se soucie de l'opinion des voisins, &quot;avec formalisme, mais elle n'a plus la force de s'en émouvoir&quot; ! On le devine à ces quelques passages, le portrait de cette famille épinglée par Alice Thomas Ellis est lapidaire, tendrement ironique et décape la bienséance (qui concerne aussi le milieu très prout-prout de la petite communauté universitaire, en passant). Un spectateur venu des Etats-Unis pose un regard déjanté sur &quot;cette tribu de singes&quot; mais &quot;étant américain, il aime que tous les événements et les situations se résolvent dans la douceur et la réconciliation&quot;. L'évolution du roman sous-entend que ce ne sera pas évidemment possible. Plus la soirée passe, plus les catastrophes vont pointer et s'écrouler comme un rodéo de dominos. <br />Au fond, en décor de théâtre, il y a le drame intime et ravageur de Mary qui a perdu son enfant : on ne sait pas comment, on ignore pourquoi, on doit deviner beaucoup des détails, et pourtant il y a ce choc et l'émotion. Mary est un personnage d'une grande perplexité mais d'une beauté froide et un peu morbide. On ne ressent aucune larme aux yeux en lisant &quot;Les oiseaux du ciel&quot;, plutôt on éprouve un plaisir sadique face à cet humour dévastateur, déjà apprécié et remarqué dans la trilogie du jardin d'Hiver. </p>


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<p>Mademoiselle Coeur Solitaire</p>
<p>Le narrateur anonyme observe celle qui incarne la vieille fille solitaire dans le film Fenêtre sur Cour, celle dont l'existence est réglée comme du papier à musique, mais creuse et ennuyeuse. Miss Lonely Hearts souffre également d'une maladie appelée « Manless Melancholia », la mélancolie d'être sans homme. Et ainsi, cet observateur, un brin amoureux, observe sa douce qui rêve, souffre et décide de sortir le grand jeu pour séduire un homme. Il est derrière ses barricades et écrit la vie de cette femme. Ses observations sont pointilleuses, il semble se glisser dans la peau de sa voisine d'en face, il est dans son corps, sa tête et son coeur. Il ressent son vide et ses souffrances. Il pense à son avenir et rêve à son passé. Il comprend ses meurtrissures, évoque une blessure secrète. Bref, il est clairvoyant en plus d'être voyeur ! C'est honnêtement une lecture ingénieuse et qui donne l'envie de se repasser le film et de zoomer sur Judith Evelyn, l'actrice qui a donné ses traits à Miss Lonely Hearts. Et l'auteur a un talent incroyable pour cerner la psyché féminine, décrire le manque, le vide et la mélancolie amoureuse. Il cerne la solitude, il a les mots pour décrire les tourments de cette femme, il nous la rend attachante et sympathique. Il a réussi à communiquer les sentiments que lui inspirait ce personnage, le lecteur éprouve les mêmes. Ce roman nourri de fantasmes refait le film et Hitchcock lui-même n'aurait pas boudé cette audace; en ce qui me concerne c'est désormais mon coup de coeur à moi ! </p>
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