(Lecture du soir ... et de jazz)
Oh my God ! Ce livre-là, mes aïeux, nous a prises par surprise, sans s'y attendre ... Toutes les deux plongées dans notre lecture, moi me demandant si la Miss n'allait pas décrocher dès la première page tournée tant le vocabulaire me semblait un peu loin de ses connaissances basiques, et elle, Miss C., nonchalante et rêveuse, avachie et m'écoutant d'une oreille, à peine tournant un oeil vers les magnifiques illustrations ...
Ah oui les illustrations ! Là déjà nous étions dans l'ambiance, déjà nous trouvions que c'était plus pas mal « balancé » et que ça ressemblait presque à un film (dit la Miss), franchement de quoi prêter à s'évader ... en route pour l'Amérique des années 20, celle d'une grande ville avec ses clubs de jazz, son béton, ses tours immenses, et des pauvres types qui s'y précipitent dans l'espoir de réaliser leurs rêves.
Enfin nous n'en étions pas encore là. Mais l'histoire a commencé ainsi :
« La nuit, en ville, ne tombe jamais vraiment : les néons des enseignes, les phares des voitures, les réverbères et les fenêtres illuminées chassent l'obscurité dans les coins les plus reculés. Même en fermant les yeux, on ne peut voir de noir noir. Mais Toni Mannaro aime ça, les lumières de la nuit ; surtout après la pluie, lorsqu'elles se mirent dans les flaques et sur le pavé humide. Il y voit des étoiles, tombées à terre rien que pour lui, pour éclairer sa route et rendre sa solitude moins pesante. »
Toni Mannaro est arrivé en ville avec deux bagages et des centaines de rêves qu'il compte bien tous réaliser. Son rêve numéro un : devenir saxophoniste et pourquoi pas (rêve numéro deux) : faire partie du jazz band de Miss Maria Pig, la célèbre chanteuse de jazz. Toni a un souci : personne n'aime sa sale gueule, tout le monde le fout à la porte, on le fuit, il fait peur ... c'est l'horreur, le désespoir. « Le spleen l'envahit et les notes qui sortent de son saxophone se font alors plus aiguës et plus vibrantes... »
Sincèrement, en fermant le livre, nous n'avions qu'une envie : écouter de la musique ! Oui, du jazz - pourquoi pas ? Et c'est dommage que ça manque, cette petite touche musicale, sous la forme concrète d'un cd, par exemple. Parce que l'envie est communicative. Même la Miss, du haut de ses 7 ans bien tassés, s'est exclamée qu'elle voulait de la musique, nom d'une pipe en bois ! C'est vous dire l'impression que vous file ce livre ! ... Vraiment une ambiance hors du temps, un voyage en arrière, une plongée en musique sur le milieu new-yorkais des années 20.
Dans cette magnifique histoire écrite par l'italienne Manuela Salvi, le vocabulaire est recherché, le style est pointu, très joli sous la langue, de quoi enchanter les jeunes enfants (dès 7 ans, à mon avis). L'ambiance par les illustrations de Maurizio A.C. Quarello est un atout majeur pour retranscrire l'aura, partager cette belle sensation de vie nocturne et urbaine d'une capitale culturelle où tout semble possible. C'est le portrait d'une époque, c'est le parcours initiatique d'un rêveur et/ou d'un ambitieux, avec un chemin pavé d'espoirs et de désillusions. C'est aussi une histoire émouvante sur la différence.
En gros, c'est un livre purement génial !
Toni Mannaro (Jazz Band) dans "Ballade Nocture" - un récit de Manuela Salvi, illustré par Maurizio A.C. Quarello. Traduit de l'italien par Marc Voline.
Editions du Rouergue, collection Varia. Octobre 2007. 36 pages - 15 €
Sombres citrouilles - Malika Ferdjoukh
« Sombres citrouilles » est le roman de Malika Ferdjoukh paru peu avant la série des Quatre Soeurs, et au début il me semblait retrouver quelques points de repères, quelques pistes pour lancer la tétrade et le succès qu'on lui connaît ...
Bref, « Sombres citrouilles » se passe la journée du 31 Octobre dans une grande et vieille maison bourgeoise, La Collinière, où la famille Coudrier célèbre l'anniversaire de Papigrand, le patriarche. C'est aussi le rendez-vous hebdomadaire au cimetière depuis le décès brutal du fils aîné, Dimitri, noyé en pleine mer. Un drame pour Mamigrand !
Mais l'histoire commence dans le potager quand les enfants découvrent le corps sans vie d'un homme qu'ils ne connaissent pas. Le soupçons grapillent les esprits, les spéculations les plus folles les gagnent car ils ont tous vu ou entendu un truc suspect pour accuser un membre de la famille !
Alors il faut que la journée se passe sans heurts, qu'on cache le cadavre et qu'on y revienne plus tard. Demain, par exemple. Mais c'est difficile de maintenir le secret, de ne pas éveiller les soupçons, de fureter et de chercher des indices pour connaître QUI est le coupable !
L'histoire est racontée tour à tour par les personnages principaux, en de brefs paragraphes, mais les enfants ont le plus souvent la parole : Hermes, 13 ans 1/2, les jumelles Violette et Annette, Colin-Six Ans, et Madeleine, 15 ans. L'aventure est vécue de manière assez fantaisiste, plutôt légère, aidée de cette plume toute fraîche de Malika Ferdjoukh. Malgré le drame, l'intrigue est bien tournée, quelques perches sont tendues mais le roman est formidablement bien maîtrisé.
Et puis, le clash, en fin de parcours, avec la découverte d'une lettre. D'un coup, d'un seul, l'ambiance devient horrible, sombre, abominable, complètement en décalage avec la lecture générale. Personnellement j'ai été destabilisée, un peu décontenancée et j'ai apprécié moyennement ce gong final.
Cependant, cela n'alterne pas mon bonheur de lecture et je conseille de lire ce livre sans hésiter !
L'Ecole des Loisirs, coll. Medium - 222 pages. 8.50 €