26/11/07

lectures 2007

Retour en Islande ~ Olafur Johann Olafsson

retour_en_islandeDisa, d'orgine islandaise installée en Angleterre, dans le Somerset, tient un manoir résidentiel avec Anthony. Se sachant gravement malade et condamnée, elle décide d'entreprendre LE grand voyage de sa vie : celui qui la ramènera sur ses terres. Elle a rendez-vous avec quelqu'un, quelques vingt ans après. Mais au cours de ce voyage, Disa va d'abord ressasser les événements depuis son enfance à aujourd'hui, le parcours de son existence et de sa vie de femme. Pas toujours rose, teinté parfois de romance avec un juif allemand, Jakob, dont elle a perdu la trace pendant la guerre. Pourtant Disa n'est pas de celle qui se morfonde en tenant leur flacon de sels à la main, c'est une fonceuse, elle a un caractère fort et entier, qui pardonne difficilement en faisant fi d'absolution.
Ce livre se présente presque comme un journal intime : les chapitres sont courts, se suivent, ne se ressemblent pas. On passe de l'avant à l'après assez brillamment. Pour cela, l'auteur a bien su cerner son sujet. Par contre, je doute un peu qu'il ait bien réussi à délimiter son portrait de femme, que j'ai parfois trouvé un peu frigide, rigoureux et inflexible. Mais peut-être la tendance à pencher vers la mélancolie, et le passé sensible de Disa a involontairement influencé cette personnalité. Toutefois, malgré les coups durs, Disa ne s'est jamais épanchée au mélodrame et j'ai notamment apprécié cette fuite du sentimentalisme. Ce roman m'inspire des lectures comme celles de Kazuo Ishiguro, où poésie et finesse y sont des soeurs jumelles. Et l'introspection, un travail à part entière, mené délicatement, savamment et sûrement. Un petit régal, en somme.

Seuil, 20€

La Villa des Mystères

C'est l'histoire d'une génèse : aussi bien celle de "Frankenstein" mais surtout du moins connu et plus ténébreux "Le Vampire" de Polidori. Ce dernier est, dans ce roman de Federico Andahazi, encore jeune secrétaire de Byron, poète "maudit" et sulfureux, exilé d'Angleterre dans cette villa au bord du lac Léman. Entre ces quatre murs, se trouvent aussi réunis Mary et Percy Shelley, et Claire Clairmont, assez pâlotte et souffreteuse. Il faut dire que les événements se passant dans cette villa sont d'ordre orgiaque. Au point de davantage penser à une ambiance érotique, plus que de science-fiction (cf. édition poche) !

Bref, Polidori, présenté comme un personnage assez maladivement jaloux, complexé et haineux, va recevoir des lettres d'une certaine Annette Legrand qui lui propose un bien étrange contrat. Polidori, opportuniste et désespéré, va sauter sur l'occasion pour prouver à l'assemblée de ses hôtes (pour lui, arrogants) qu'il est tout autant capable de répondre au défi lancé par Byron - écrire une histoire "épouvantable".
La lecture de "La villa des mystères" est surprenante tant elle se "dévore". D'autre part, ce sens de "dévorer un livre" prend une signification "particulière" dans l'histoire. Purement fictive, mais palpitante, angoissante, ahurissante et exaltante. La conclusion du roman offre aussi un agréable et saisissant épilogue. Très bonne lecture, donc.

Jours de juin

Paul McLeod était marié à Maureen, ils ont eu trois fils : Fenno, Dennis et David. La vie, le mariage, la mort et le cycle continue avec les enfants. Les personnages du roman ont tous un long parcours à faire pour atteindre un but assez flou : « regarder la vie qui les attend, apprendre à vivre tout simplement ». C'est un peu ce message subliminal que tente de nous inculquer Julia Glass avec son roman ambitieux, dense et passionnant : 655 pages d'une histoire familiale, avec ses rencontres, ses départs et ses choix à définir pour construire sa vie, petit à petit. L'histoire est captivante et construite avec intelligence sous la forme d'un triptyque où se succèdent trois étés dans la vie des McLeod. « Jours de Juin » est une saga familiale avec ses rebondissements mais surtout avec une analyse pointue des états d'âme des personnages. Ils ont en commun d'avoir perdu leurs repères, de se sentir seuls mais de chercher à tromper la solitude. Ils voyagent ou font des enfants, ils viennent en aide aux plus défavorisés, ils paient leurs dettes... cela prend du temps, mais au final ils pourront se dire : « voilà, nous sommes arrivés - malgré les retards, les difficultés et les inquiétudes du trajet - enfin, ou pour le moment, nous sommes là où nous avons toujours voulu être ». C'est un roman subtil et épais dans lequel on plonge sans lever le nez. L'auteur est américaine, bizarre car le cachet du livre prêtait à penser qu'il était so british ! A conseiller vivement !

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La folie des hommes

Un_soir___beyrouth« Les treize nouvelles de ce recueil ont pour théâtre le Moyen-Orient. Passant de l'humour au drame, elles offrent autant de points de vue intimes et lumineux sur l'une des régions les plus explosives du monde. »
Le cruel dilemme avec les nouvelles est qu'elles sont toutes d'inégales valeurs, parmi celles que j'ai le plus aimé, notons « Un soir à Beyrouth » qui parle d'une famille inconsciente du drame qui court dans les rues de leur ville, mis à part le petit dernier qui implore les siens de se mettre aux abris, quand surgit leur voisin M. Antoum qui fait chorus aux supplications du garçon avant l'arrivée de miliciens tout de vert vêtus...

« Corps perdu » raconte une histoire d'amour passionnel mais hélas vouée à l'échec qui conduira une femme folle (d'amour) prête à briser son honneur et à entraîner disgrâce et répudiation autour d'elle. Brillante démonstration de l'ampleur de la volupté dans cette société figée dans ses carcans !
Cela fait écho à « Premier amour », l'histoire d'un veuf de 79 ans qui revit grâce aux charmes d'une marchande de fruits et légumes, qui porte une petite culotte rouge ! Le scandale tombe sur la famille et les enfants supplient leur père de renoncer à cette passion navrante. En même temps, sa petite-fille de 11 ans se voit interdire à son tour la compagnie des garçons, sous prétexte que « c'est trop tard maintenant » ...
Trop tard aussi pour le grand-père Jiddo, agonisant, qui perd la boule et s'époumonne dans sa maison en réglant ses comptes, le petit-fils est spectateur, impuissant, chatouillant dans sa poche un cadeau précieux légué par cet homme dévasté.
Heureusement l'humour aussi est présent, dans « Le rêve d'Ali » par exemple, quand deux grands amis se chamaillent et réclament réparation devant le grand arbre, comme le veut le Xaar, la loi des Isaas. La chute vaut son pesant d'or !

Mais il est vrai que, personnellement, ce sont les textes décrivant un quotidien presque banal, de femmes, d'enfants ou d'hommes, qui ont leur ligne de vie menacée à chaque instant, à chaque coin de rue, et sans raison apparente, qui ont un réel impact. On retrouve ce sombre constat dans la mélopée du photographe arménien, dans  « Jérusalem-photo », qui vit son job sur la corde raide entre juifs et arabes. L'homme est en colère, « Vous dites nous n'avons pas le choix, vous n'arrêtez pas de le dire, mais qu'est-ce qu'il vaut le choix que vous vivez ? ».
Ce petit livre, pas seulement réservé à des jeunes lecteurs, dégage un élixir de séduction, qui touche, blesse, interpelle. La prise de conscience est infime, mais au moins le charme n'aura pas agi dans le vide. Il restera forcément une petite musique après cette lecture !

A l'exception de "Hello ! hello !" et de "Touché !", les nouvelles de ce recueil ont été publiées une première fois en 1991 aux éditions Balland sous le titre L'homme assis.

Un soir à Beyrouth, par Sélim Nassib - Editions Thierry Magnier - 153 pages - 9,50 €

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par_l__p_e_et_le_sabreUn ancien chevalier déchu cherche la rédemption en sauvant la vie d'une fillette de 12 ans, en souvenir d'un chaste amour... Sur les collines du Japon au 16ème siècle, un samouraï décide d'accomplir ses rêves de conquête pour les beaux yeux d'une demoiselle au charme redoutable... Un viking, décidé d'asseoir sa réputation, fait assaut vers le château qui protège un autre fils de guerrier, son homologue par-delà la mort... Un masque blanc au sourire glacial va commettre son acte de vengeance, par deux fois, et sans crier gare... Un militaire russe se trouve face au souvenir de la femme aimée, qui s'est enfuie en provoquant un séisme...

Ce sont au total neuf histoires fortes et implacables de chevaliers, samouraïs, vikings, des forces du mal qui assiègent, trucident sans état d'âme et qui parfois connaissent la damnation éternelle, piégées par des esprits et des revenants qui vont les hanter pour la nuit des temps. Non, la lecture n'est pas morbide ni surchargée de détails sanguinolents, à écarter loin des fortes sensibilités. C'est tout au contraire un piège d'y nicher son nez, l'écriture est vive, ne laissant aucun temps mort. Point le temps de s'épancher, plutôt d'assister à une danse macabre et qui vous emporte vers des temps anciens, révolus mais qui occupent toujours une place importante dans les références épiques.

Ces nouvelles ne semblent pas viser un « public jeune » en particulier, bien au contraire !

Par l'épée et le sabre, d'Armand Cabasson - Ed. Thierry Magnier - 156 pages - 9,50 €

Posté par clarabel76 à 08:30:00 - - Commentaires [11] - Permalien [#]
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