C'est une fin de journée paisible à Cho Oyu, la demeure du juge à la retraite, une journée qui s'écoule mollement, dans cette région de Kalimpong envahie par les brouillards et le début d'insurrection des népalais contre les indiens. Sai a 17 ans, elle attend la venue de son précepteur de mathématiques, Gyan. Mais à la place, ce sont des garçons en blouson noir qui arrivent à l'improviste pour voler les fusils de chasse du juge.
L'homme qui s'était bâti une solide réputation d'inflexible, après ses études en Angleterre, se voit profondément humilié et bafoué dans son honneur. La police, incapable, lui rit au nez et profite de la situation.
De son côté, Sai, qui n'a plus que son grand-père Jemubhai pour unique parent, se soucie davantage de l'absence prolongée de Gyan, qu'elle aime passionnément. Son silence la mine, et quand enfin elle parvient à le revoir, le jeune homme est glaçant et lui reproche son éducation typiquement non-indienne !
Pendant ce temps, Biju, exilé en Amérique, rame de petits boulots en situations minables. Il brûle de recevoir la carte verte pour enfin rentrer au pays, et ne pas subir la honte des siens. Son père, cuisinier à Cho Oyu, l'abreuve de lettres de sollicitation pour venir en aide à chaque nouvel émigré indien, ami d'untel ou de tel autre, sans se douter un instant de la précarité du jeune homme à New York ...
C'est un roman tout en paradoxes, raconté par la fille d'Anita Desai (auteur indien que j'apprécie beaucoup) - et qui a reçu le prestigieux Booker prize en 2006. Cette opulente histoire de 600 pages propose un monde à l'envers, où l'on rêve d'un ailleurs qui déçoit fatalement, mais pour mieux masquer les loupés on opte pour la rage et le défoulement d'avoir été rejeté par une société occidentale, forte de ses acquis.
« La Perte en Héritage » se manifeste dans les conflits, ceux d'une minorité (les Népalais) qui se rebiffe contre le traité de paix de 1950, et ceux des personnages principaux, déçus et désoeuvrés, en amour ou en reconnaissance. La souffrance est partout, elle remonte de longues années auparavant pour le juge Jemu ou elle est la cristallisation d'un amour brisé pour Sai. Dans son Amérique, Biju montre la difficulté de s'adapter, la réalité de sa clandestinité et l'arrogance perdue devant l'échec constaté.
Tout en cercle vicieux, le roman de Kiran Desai provoque rires et crises de colère, bouffées d'incompréhension et instants de doute. Les 600 pages sont un peu audacieuses, mais elles attachent le lecteur, bon gré, mal gré. Pour ma part, j'ai particulièrement été séduite par l'exotisme de Darjeeling (où se passe l'essentiel de l'histoire) et par ce cynisme affiché, qui mélange l'humour à la sinistre réalité de cette comédie où il ne fait pas toujours bon rire (ni vivre).
Editions des Deux Terres - 615 pages - Traduit de l'anglais (Inde) par Claude et Jean Demanuelli - 22 €
J'ai très envie de découvrir la littérature indienne et si j'ai "l'équilibre du monde" dans ma PAL pour mon challenge ABC 2008, je ne connais que Anita Nair !
Alors je note celui-là, même si le pavé me fait un peu peur (je n'ai jamais peur des pavés, pourtant là il y a quelque chose qui me titille d'après ce que tu en dis mais je ne saurais pas dire quoi...)
Posté par Emeraude, 11 décembre 2007 à 08:52
Question pavés, je suis une grande allergique des livres qui dépassent les 350 à 400 pages ! Je ne sais pas pourquoi ! ? Même si l'histoire est passionnante, très vite j'ai peur de m'ennuyer et d'avoir un sentiment de surplace !
J'ai la mauvaise habitude du zapping, je le crains !
Je voulais lire ce livre à tout prix, parce que j'apprécie la plume de la mère (Anita Desai) et que j'étais curieuse de connaître la fille (Kiran), intriguée par ce Booker prize qui est garant de bonnes lectures.
Au final, je ne regrette pas ! Même pas eu peur des 600 pages non plus !
Un bel exploit ! :)
Posté par Clarabel, 11 décembre 2007 à 09:41
[Voici un message qui n'a rien à voir avec Kiran Desai ou presque...
--je n'aime peut-être pas les sirènes, mais les gros livres ne me rebutent pas... tu sais que chaque tome de Millénium fait 500 pages minimum??
enfin, chacune ses blocages, non mais!
--c'est l'horreur, cette histoire de Poste!! En pleine période des fêtes, ils sont fous??!!]
Posté par Gawou, 11 décembre 2007 à 10:10
*** Complètement ! Je suis démoralisée ! (Pour la poste !)
De plus, l'homme du foyer, qui est également mon chauffeur (accessoirement), est à l'étranger pour la semaine ! ... Je vis dans un monde cruel ! :// ***
Grrr ! Ne me parle pas du nombre de pages pour Millenium - j'ai le tome 1 pas très loin de mon champ de vision, je suis 'limite' impressionnée !! :D
M'enfin, j'ai pu dévorer les 1000 pages du Harry Potter 5 sans rechigner ! :)
***
Posté par Clarabel, 11 décembre 2007 à 10:18
[Je comprends que tu sois démoralisée, on le serait à moins!!! Ni transports, ni Poste, mais je déprime moi à ta place, enfin non bien pire que ça, je déménage illico!! (vraiment!)
***
Je ne mettrais sûrement pas Harry Potter 5 au même niveau que Millénium (HP a une place bien particulière dans mon coeur!.) mais Millénium (tiens ça devait pas être pour Noël??) vaut vraiment le coup, et puis toutes ces pages c'est que du bonheur, quand tu finis un chapitre, tu te dis "ah c'est bon, j'ai encore plein de pages!!"]
Posté par Gawou, 11 décembre 2007 à 10:25
La comparaison s'arrête là ! C'était simplement une histoire de pages et de volume ! Ou de masse ! ? :)
Je suis donc tout à fait capable de lire un 'pavé', même si je suis tétanisée par les opus bien rondouillets ...
Ouiii, je confirme : c'est bien pour noël ! chut ! ce premier volume traîne, avant d'être glissé dans une certaine hotte ! ... la suite vient pile poil durant la belle nuit de n*** ! :)
Posté par Clarabel, 11 décembre 2007 à 11:01
Livre indien vaux mieux que deux tu l'auras
La littérature indienne est à la mode, depuis quelques mois. En tout cas, j'ai noté les références. Merci !
Posté par alex d'Epidose, 11 décembre 2007 à 11:38
Tout à fait, cher Alex !
Je m'en vais méditer sur cette citation ! Bonne journée à vous ! :)
Posté par Clarabel, 11 décembre 2007 à 11:39
Je suis une grande fan de littérature indienne et de la région :) j'ai beaucoup aimé ce livre, qui mêle l'Histoire à l'histoire, et retrace une fois de plus - comme une grande partie de la littérature indienne accessible ici - la déchirure entre les Indiens de là-bas et les Indiens émigrés qui ne sont plus tout à fait Indiens tout en l'étant encore énormément.
J'aime bien les pavés, aussi, alors ça ne m'a pas rebutée ;) (de même que les 500 pages de Millenium dont j'attends qu'on me prête le toem 2 avec impatience !)
Posté par Pétronille, 11 décembre 2007 à 16:14
Rien que le titre me plaisait, tu finis de me convaincre !
Posté par cathulu, 11 décembre 2007 à 17:15
Moi aussi, Pétronille, la littérature indienne me passionne et sait me combler à chaque fois !
Je n'ai pas encore lu Millenium, j'attends le soir de noël ... et je vaincrai les 500 pages ! ! !
Posté par Clarabel, 11 décembre 2007 à 21:02
Cathulu, j'espère que tu aimeras !
J'aimerais bien te l'envoyer, mais j'ai quelques (gros) soucis de Poste actuellement ! ://
Posté par Clarabel, 11 décembre 2007 à 21:03
Ca semble bien... mais j'hésite pour une raison qui n'est pas très claire pour moi! ... je le mets sur ma pré-liste!!!!
Posté par Karine, 12 décembre 2007 à 05:02
Les raisons pas très claires, je connais et j'en suis aussi une grande spécialiste !!! :)
Posté par Clarabel, 12 décembre 2007 à 10:50
J'avais acheté ce livre en anglais il y a à peu près un an, et c'est seulement ce week-end que je me suis décidé à le faire surgir de ma PAL. Dans l'édition anglaise (Penguin Books), il ne fait qu'environ 300 pages, donc a priori pas un gros pavé... mais en fait c'est écrit tout petit, et le vocabulaire anglais est varié et assez recherché ; bref, j'avance tout doucement, je n'en verrai pas la fin avant une dizaine de jours...
Question pavés, j'ai aussi Un garçon convenable de Vikram Seth (en français !) qui attend, dressé sur son étagère...
Posté par Joël, 13 décembre 2007 à 16:34
Ah vous soulevez là un autre souci pour moi (et un point agaçant) : les romans finalement pas très épais, mais avec une typographie minuscule ... Résultat : aucun confort de lecture, impression de masse de lettres, très indigeste !
Heureusement le roman - quand il est bon - soulage cette pénible épreuve ! Courage, et bonne lecture !
Posté par Clarabel, 13 décembre 2007 à 16:54
Merci pour les encouragements. Je l'ai fini hier, et il m'a vraiment plu. Pour être sûr de n'avoir pas trop malcompris l'original, je rembarque pour l'édition française, dont la lecture est très agréable (typographie aérée, pages qui se laissent tourner rapidement, belle traduction).
Le fait que l'auteure soit la fille d'Anita Desai m'avait aussi attiré ; j'ai apprécié quelques uns des romans et nouvelles d'Anita Desai (Le jeûne et le festin, Un héritage exorbitant, Poussière de diamant) ; quand il deviendra raisonnable de racheter des livres (je suis en mode « lire ma PAL »), je complèterai ma collection.
Posté par Joël, 26 décembre 2007 à 18:12
Merci à vous, Joël, pour cette confiance ! C'est un plaisir de lecture, et un gage de mérite du fait d'être la fille d'Anita Desai, un auteur que j'apprécie infiniment (pour avoir quasiment tout lu d'elle) ! Je vous encourage à poursuivre les belles découvertes !!!
Au plaisir, **
Posté par Clarabel, 03 janvier 2008 à 16:26