jane_austen_et_reverendQuittant Bath pour la ville de Lyme, la famille Austen est victime en chemin d'un accident qui blesse gravement Cassandra, la soeur de Jane. Cette dernière s'arme de courage et se rend vers la propriété la plus proche, High Down Grange, réputée pour être peu hospitalière. Et effectivement, le propriétaire des lieux, Geoffrey Sidmouth est rustique, bourru, agacé par cette arrivée à l'improviste. Il consent toutefois à venir en aide à Jane et sa famille et les héberge quelques jours chez lui. L'activité dans cette maison est intriguante, et éveille quelques interrogations chez Jane. Il y a d'abord la cousine du gentilhomme, Séraphine LeFèvre, une beauté éthérée un brin mystérieuse, qui est originaire de France. Assez effacée, elle sort peu de la maison ou se promène la nuit avec une lanterne de forme curieuse et vêtue d'une pèlerine rouge.

Le contact avec Sidmouth ne s'est pas fait sans mal, mais Jane a su lui tenir tête et peut-être cela a-t-il influencé dans l'attitude du gentleman pour les jours suivants. Galant et guindé, il adopte un port assez froid, tout en se montrant très prévenant auprès de Jane et sa famille. C'est lui qui débauche le médecin, Mr Dagliesh, pour soigner Cassandra, lui qui conduira les Austen chez Mr Crawford sur son site de fouilles, et pourtant le ton badin semble faux dans le coeur de Jane (qui ne peut s'empêcher de palpiter un peu plus fort). Elle se méfie de l'homme, donnant foi aux ragots qui courent à son sujet. On murmure un tas de choses à Lyme, sur un prétendu Révérend et sa clique, sur la demoiselle Séraphine et sur des activités illégales livrées la nuit sur la plage. Jane a aussi fait la connaissance du capitaine Fielding, qui lui confie instantanément ses soupçons sur Sidmouth qu'il juge être le Révérend, un pilier de la contrebande entre la France et l'Angleterre.

Fielding, qui se dit à la solde des Douanes, voudrait démasquer ce brigand et remporter ainsi la bataille sourde qui gronde entre Sidmouth et lui, dans laquelle Séraphine joue un rôle important. Aucun des concernés n'est prêt à dévoiler le fond du problème, au nom de l'Honneur, mais Jane est bien décidée à mener jusqu'au bout sa petite enquête toute personnelle. Il lui est impossible de réfléchir autrement, incapable de terminer son manuscrit en cours (Les Watsons). Alors la jeune femme use de son sens de la répartie, de sa capacité de jugement et de sa perspicacité toute féminine pour écouter, questionner, sonder, allant même jouer les héroïnes à la Mrs Ann Radcliffe en errant le soir sur le Cobb ou dans une caverne isolée sur la plage...

jane_austen_et_le_reverend_2Que dire sur ce roman d'une Austenite convaincue, passionnée au point d'imprégner son récit du style de son idole (sans parvenir à l'égaler, on s'en doute), mais travaillant avec soin ce souci du détail, de la formule et du contexte avec un aplomb remarquable ?! Stephanie Barron est réellement parvenue à faire illusion, surtout durant les premiers chapitres de son histoire. Elle dépeint une Jane Austen vive, intelligente, pointilleuse et sensible au charme d'un gentleman inquiétant et fort séduisant par toute cette part de mystère qui l'entoure ! Je me dois de reconnaître avoir beaucoup pensé que c'était tout de même drôlement romanesque, dans le fond. Le gentleman arrogant, réputé mauvais bougre, suspecté d'être le fameux contrebandier qui sévit sur la côte, et qui fait battre le coeur de notre demoiselle... l'action où se mêlent le goût du sel marin, les tempêtes, la chasse entre les troupes des Dragons et les bandits en pleine nuit, et une héroïne au coeur de l'intrigue, cheveux au vent, et une séduction qui connaît son acmé !... Il ne faut surtout pas se méprendre, ce genre de roman n'est pas un pastiche de l'oeuvre de Jane Austen. L'écrivain est ici utilisé en tant que personnage principal, et Stephanie Barron a beaucoup respecté la personnalité de la dame, bien cadré le décor, beaucoup lu les biographies et a su baliser son sujet. C'est un zéro faute sur cet aspect, et personnellement j'ai beaucoup apprécié cette part d'imagination. On ne pourra reprocher à Mrs Barron d'avoir spolié Jane Austen, ni d'avoir fait affront au personnage. Et il me semble, alors, que lire les enquêtes de Jane Austen par Stephanie Barron n'est qu'une simple invitation au divertissement littéraire et historique, dans une ambiance élégante et racée, avec une enquête pas extraordinaire, mais tout à fait potable (saluons que le couperet ne tombe qu'au dernier chapitre, et pas un soupçon avant !). Pour toutes ces raisons, j'ai été séduite et je suis prête à poursuivre cette belle lancée.

A signaler, cependant, que ce tome n'est pas le premier de la série, il s'agit en fait de Jane Austen à Scargrave Manor, paru étrangement l'année d'après en France. L'auteur y fait quelques allusions dans ce livre, et c'est bien dommage ce léger couac. Il faut donc considérer, à ce jour, l'ordre de publication en France des oeuvres de Stephanie Barron, comme suit :

  1. Jane Austen à Scargrave Manor  (1998)

  2. Jane Austen et le révérend   (1997)

  3. Jane Austen et l'Arlequin  (2000)

  4. Jane Austen à Canterbury  (2001)

  5. Jane Austen et la sorcière du Derbyshire  (2003)

  6. Jane Austen et le prisonnier de Wool House  (2006)

  7. Jane Austen et les fantômes de Netley  (2007)

  8. Jane Austen et l'héritage du comte  (2008)

* Les dates de publication correspondent aux sorties françaises.

Labyrinthes - 400 pages - Traduit de l'anglais par Corinne Bourbeillon.

Le site de l'auteur : http://www.stephaniebarron.com