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Chez Clarabel
29 mars 2008

Cranford

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Cranford est une délicieuse bourgade du Cheshire, typique des petits villages anglais. La communauté, essentiellement féminine, est ancrée dans sa routine, son désir de calquer la tradition, de ne pas modifier des valeurs réconfortantes. Les dames de Cranford (autrement appelées les Amazones, par Mrs Gaskell) sont des cancanières, mais aussi des observatrices d'une société qui bouge et qui s'apprête à changer avec l'arrivée du chemin de fer. Elles sont farouches au changement, mais elles s'y accommodent avec intelligence (et aussi parce qu'elles n'ont pas le choix !).

Mary Smith vient d'annoncer son arrivée chez les soeurs Jenkyns, fuyant un foyer familial étouffant à Manchester. Elles trouvent auprès de Deborah et Mathilda ("Matty") un havre de paix réconfortant, mais très déroutant : les petites économies de ces deux vieilles filles avec leur bout de chandelles, leur rituel entre midi et trois heures, pas plus de quinze minutes pour accueillir leurs visiteurs, la problématique de manger une orange, leur amour du Dr Johnson et leur exaspération du trop populaire Dickens. Elles sont les piliers de la communauté, qui s'attache également à des Miss Pole, Mrs Jamieson, Mrs Rose, les soeurs Tomkinson... Imaginez-les autour d'une tasse de thé à papoter sur untel, supputer telle autre chose ou se concerter sur l'attitude à adopter, bref faisant front commun devant la nouveauté qui semble trouver pied à Cranford.

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Il y a, d'abord, l'arrivée d'un jeune docteur célibataire, Dr Harrison, le fils d'un cousin du Dr Morgan, un médecin académique qui aspire à prendre sa retraite. Ce jeune citadin devra composer pour se coller aux us et coutumes de la petite ville, déployant charme et maladresse, qui pourront donner de l'élan à son infatuation pour Sophie Hutton, la fille du Révérend.

Autre remue-ménage dans la rue des soeurs Jenkyns : l'emménagement du Capitaine Brown, et ses deux filles (l'aînée est gravement malade). Cet homme, fort galant, met souvent les deux pieds dans le plat, faisant fi des règles de base, ce qui aura don d'exacerber l'irritation de Deborah Jenkyns. Mais l'homme est bon, et surtout Deborah sera fort sensible à la détresse de Jessie Brown.

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Ce qui survient à Cranford n'est qu'une succession de petites et grandes choses qui font le sel de la vie. Il y a des instants cocasses (la poursuite de la vache Bessie, la purge du chat qui a avalé un morceau de dentelle rare, la peur excessive de Miss Pole qui pense être la prochaine victime des vols en série et veut à tout prix cacher son argenterie). Et puis il y a de jolis moments de tendresse (entre Sophie et le jeune docteur, ou quand Matty retrouve son amour de jeunesse), un soupçon de romance, souvent contre-carrée par des situations ubuesques, une série de cartes pour la Saint-Valentin venue mettre du bazar dans les coeurs de ces gentes dames... Et puis il y a des passages rares, dramatiques et inattendus, la perte frappe souvent, au tournant d'un chapitre guilleret. Elle survient alors qu'on ne s'y attend pas. Et ça fait mal.

Pour symboliser les deux mondes en opposition dans cette Angleterre des années 1840, on a d'un côté un garçon de 10 ans, Harry, fils d'un braconnier, et de l'autre on trouve Lady Ludlow, une aristocrate qui vit seule dans son domaine de Hanbury Court, géré par Mr Carter. Ce dernier prendra d'affection le jeune Harry et lui apprendra à lire et à écrire, ce qui entre en totale opposion avec les idées de Lady Ludlow. Cette femme incarne cette volonté de maintenir le monde qu'elle a toujours connu, et qui pourtant s'éteint, mais malgré tout elle refuse d'accepter le tournant qui s'effectue, étant née dans le siècle précédent. Elle cache un drame personnel, absolument touchant, qui fera d'elle une personne plus humaine et moins sèche qu'elle n'y paraît.

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La série Cranford est décomposée en cinq épisodes de 60 minutes approximatives. Cette fresque est historique, dramatique (comique, aussi) et démontre cette invisible résistance d'une communauté archaïque qui s'accroche pour tenir tête au progrès qui gronde à la porte du village. C'est charmant, formidablement reconstitué, absolument attachant (la peinture des personnages, avec en tête les Amazones nous fait prendre fait et cause pour leur combat mineur !). L'année qui s'écoule à Cranford (1842-1843) est tumultueuse, riche de naissances, de secrets, de potins, de ruines et de reconsidérations. Mrs Gaskell possédait un véritable don pour décrire la personnalité de ses personnages, pour s'attacher le détail crucial qui vaut tous les commentaires, et pour sympathiser l'opinion à respecter les traditions, à se coller au développement en mouvement, l'heure de la mécanisation va sonner et cela ne signifie pas la perte des idéaux, mais un autre formidable essor. Que deviendra Cranford ? On souhaite à cette communauté d'Amazones d'autres beaux jours, synonymes de renouveau et d'attachement au folklore et aux coutumes. A n'en pas douter !

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Un site : http://www.cranfordchronicles.com/

A voir : Isil a lu Cranford et Lady Ludlow. Elle a également vu la série !

**********

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Réalisé par Simon Curtis, scénario de Heidi Thomas

D'après trois romans de Mrs Elizabeth Gaskell : Cranford, Lady Ludlow et Mr Harrison’s confessions
 

Avec Judy Dench (Miss Matty Jenkyns), Eileen Atkins (Miss Deborah Jenkyns), Lisa Dillon (Mary Smith), Simon Woods (Dr Harrison), Imelda Staunton (Miss Pole), Philip Glenister (Mr Carter), Francesca Annis (Lady Ludlow), Julia Sawalha (Jessie)

La série est en anglais, exclusivement. Avec sous-titrages anglais, aussi.

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Commentaires
C
A très vite, Esis ! Contente de te croiser à nouveau ! Je compatis au manque de temps, courage & repose-toi bien également !<br /> Sur ce, je suis tout à fait d'accord avec toi sur notre tendance à idéaliser une époque révolue, finalement pas si rose que ça en vrai ! ;))
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E
Si j'avais plus de temps et d'argent, j'achèterai sans hésiter !<br /> Tous ces engouements autour de l'Angleterre du XIXème siècle ravivent en moi de sublimes passions qu'hélas, je n'ai pas le temps ni le courage d'assouvir en ce moment.<br /> <br /> Certes, la vie alors n'était sûrement pas aussi flamboyante que nous ne nous l'imaginons à présent.<br /> Mais de cette époque, une fascination sûre nous en est restée, que le romanesque a achevé de transcender. Quel mal, alors, y a t-il à rêver d'un temps que nous croyons toujours idéal mais qui ne pas vraiment ?<br /> L'imagination peut tout faire *sourire* .<br /> <br /> Je mets ce billet, ainsi que tes suivants (North & South, livre et série) dans mon marque-pages Firefox, Clarabel, et je reviendrai les lire à tête reposée *sourire*.
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C
Emjy est également en train de lire Tom Jones ! <br /> Pour ma part j'ai été 'traumatisée' par Joseph Andrews ! Toute nouvelle tentative fait appel à un effort surhumain chez moi !<br /> Toutefois, il ne faut jamais dire jamais ! <br /> Ou Fontaine je ne boirai plus de ton eau !!!
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I
Thomas Hardy, je ne sais pas (j'en ai lu un mais il y a longtemps), mais Fielding, ça vaut la lecture (je suis bien placée pour le dire puisque je le lis en ce moment)
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C
Isil,<br /> De belles années de lecture, je ne peux qu'être d'accord ! La littérature britannique possède également un vivier de plumes talentueuses et hors pair ! Tu n'as pas fini de savourer ! <br /> Mais on en découvre tout le temps, j'en discutais sur le sujet North & South avec Mélanie (qui vit désormais en Angleterre) pour lui signaler que je n'avais jamais eu connaissance (ou alors, très peu) de Mrs Gaskell durant mes études, et que c'était bien dommage !<br /> Heureusement, je me rattrape maintenant ! Et peut-être j'apprécie davantage, car mes années d'étude m'ont fait prendre en grippe des auteurs comme Fielding ou Thomas Hardy, qui sait si ce n'est pas injustement ? Encore une fois, seul le temps nous le dira (et me fera - ou non - changer d'avis !?!).
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Chez Clarabel
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