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Chez Clarabel
9 avril 2008

(sueurs froides et boules de coton)

Tu es un grand lecteur, essentiellement un amateur de livres qui procurent des sensations fortes, des histoires qui font peur, celles qui nouent l'estomac et donnent des sueurs froides ? Mais tu commences à être blasé, lassé de toutes ces histoires que tu ingurgites et qui te t'arrachent plus le moindre haussement de sourcils ? Je te conseille donc de suivre l'histoire de Monstro, un garçon qui est dans le même cas que toi. Mais en réalité, Monstro se prénomme Julien.

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Tous les mercredis, Julien se rend à la bibliothèque municipale où il confie son désarroi à madame Pages. Elle choisit alors de lui parler d'un livre interdit, jugé un peu spécial, mais on dit que... et il paraît que... Impossible d'en savoir plus, la bibliothécaire est toute pâle. Elle l'invite dans les coulisses de l'immense bibliothèque auprès du spécialiste des livres rares, monsieur Codex, puis auprès de l'archiviste, monsieur Crypto. Pour mettre la main sur le fameux livre d'en bas, il faut traverser un lac et rencontrer le gardien Monstro (lui aussi !) qui a une drôle de tête... Finalement toutes ces curieuses péripéties ont éreinté l'excitation de notre jeune lecteur, Julien n'a plus trop envie d'en savoir plus. Et quand il se trouve devant LE livre d'En Bas, il ne sait plus ce qu'il veut, sauf que les lecteurs sont libres de leur choix !

Le Livre d'En Bas est un livre qui raconte une vraie histoire, captivante et assez frissonnante, du genre à bien titiller la curiosité du lecteur. C'est un livre qui permet aussi d'enfoncer les portes souvent closes des bibliothèques et de percer l'envers du décor ! L'histoire en elle-même ne fait pas la morale, surtout sur le choix du jeune lecteur qui ne lit que des histoires à faire peur (chacun ses goûts, je pense ?) car elle se termine sur une note positive : la lecture est un bienfait, nécessaire. Petit bémol dans ce livre : les illustrations ne me transportent pas, mais elles n'en sont pas moins fournies en détails qui font des clins d'oeil ! (Tintin et le chien Milou, par exemple)

Le Livre d'En Bas - Pierre Touron

Balivernes Editions, 2008. 13 €

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Dans une banlieue toute grise, le narrateur se morfond dans son appartement, car tout est triste dehors, pas un éclair de couleur, pas âme qui vive. Tout change avec l'arrivée dans sa vie d'une tourterelle... L'oiseau vient chaque jour toquer à sa fenêtre, se nourrit des mets préparés par le garçon puis vient pondre ses oeufs, dans la jardinière, d'où vont éclore deux petits duvets gris et blancs. Au début, ses copains se moquent de lui, puis la classe est épatée. La tourterelle et ses petits vont finir par s'envoler et ne plus revenir, mais ils laissent place à une envie contagieuse de remplir les jardinières des balcons. Les murs gris de la cité vont se colorer et le bitume va laisser place à un square avec des arbres, des fleurs, de la pelouse.

Cette histoire est vraie ! Sandrine Lhomme raconte la genèse avec quelques clichés suivis de légendes, la rapportera à Lenia Major qui s'en inspirera pour écrire Devant chez moi. C'est un album qui respire le printemps, le renouveau, l'envie d'air frais, les couleurs. Les illustrations de Sandrine Lhomme savent très bien apporter cette touche lumineuse.

Devant chez moi, Lenia Major (à la plume) & Sandrine Lhomme (peintre en ciel bleu)

Balivernes éditions, 2008. 13€

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8 avril 2008

Rita et Machin, nos amis pour la vie !

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Ce sont deux nouvelles histoires qui arrivent pour ce printemps 2008 où l'on retrouve avec un grand bonheur le couple impossible de la petite Rita, cheftaine dans l'âme, et son chien inséparable, Machin, paresseux et effronté.

A la piscine, Machin a choisi de se glisser incognito pour barboter dans le grand bassin, sous l'oeil bigleux de la maîtresse d'école. On recroise notre très cher Bob-Edouard (rencontré dans L'invité) qui lance un défi à Machin : faire la course. Et pour impressionner davantage la foule en liesse, notre ami à quatre pattes choisit de sauter du plongeoir olympique (mais attention au slip !).

Dans la cachette de Rita et Machin, l'album nous met dans la confidence de ce Haut Lieu tenu secret : une cabane à outils vermoulue tout au fond du jardin. C'est l'espace de jeu idéal pour s'adonner à "On dit que"... on serait dans un igloo, perdus sur la banquise, ou on serait à bord d'une écuelle volante, combattant un bombardement de météorites, perdus dans l'espace, ou bien aussi on serait plongés dans notre sous-marin de poche, se défendant d'une attaque de puces géantes, perdus sous la mer ! Bref, autant de jeux captivants qui vous font oublier l'heure du repas !

Quelques points à savoir et/ou rappeller sur Rita & Machin :

  • C'est LA petite série qui monte !

  • Les histoires se suivent, ne se ressemblent pas et mettent toujours en scène un duo insolent et désopilant, créé par un duo de talent (Jean-Philippe Arrou-Vignod & Olivier Tallec)

  • Rita et Machin sont deux personnages irrésistibles, proches des enfants par leurs attitudes et leurs aventures, dans une série malicieuse qui séduit les petits comme les grands !

  • Et pour les yeux, l'identité graphique est forte, aidée d'un style épuré et minimaliste...

  • Ce sont les 9ème et 10ème titres de la série.

En conclusion, adoptez-les de toute urgence !!!

Rita & Machin - à la piscine - La cachette

Jean-Philippe Arrou-Vignod (texte) & Olivier Tallec (illustrations)

Gallimard jeunesse, Avril 2008. 5,90 €

8 avril 2008

Mes Premières Fois - Claire Loup

mes_premieres_foisJulie vient de décrocher le bac et s'apprête à passer un été rempli d'insouciance avec sa meilleure amie Lola, et du petit ami de celle-ci. Au gré des grands et petits événements estivaux, Julie fait aussi le point et se remémore ses premières fois marquantes, en tant que jeune adolescente. Cela passe par le premier examen scolaire (le Brevet), le premier petit ami et le premier baiser échangé, à la première visite chez les gynéco, les premières vacances sans les parents, la première cuite ou le premier chagrin d'amour. Joies et déboires d'une jeunesse dorée, actuelle et désinvolte.

J'ai été séduite par cette jolie couverture d'Audrey Charissoux et j'ai plongé les deux mains devant dans ce roman pour la jeunesse qui me promettait plusieurs heures de détente. J'avoue, les premières pages me faisaient doucement rigoler, je me revoyais souvent ci ou là, peut-être parce que nous avons toutes eu le même souffle de pensée devant les 27 premières fois présentées dans ce livre par Claire Loup (jeune auteur, qui signe là son premier roman), et ce malgré les écarts de génération. (Je n'ai plus quatorze, quinze ans !!! Mais ça n'empêche pas !) Donc, j'ai pris grand plaisir à parcourir ce roman, tout en lui reconnaissant des défauts mineurs (il est futile, léger, assez mièvre et puéril) ; néanmoins cela ne m'a jamais rebuté ni donné envie de jeter mon livre par la fenêtre. Loin de là. Avec cette lecture, j'ai pu constater que l'âge est plus qu'un chiffre, c'est un état d'esprit !

Bref, c'est mon constat à 30 ans passés, aucune sévérité et point de cynisme de ma part, j'ai lu ce livre d'une traite et je l'ai apprécié purement et simplement ! C'est frais, très drôle, c'est aussi un éclairage intéressant pour les petites jeunes d'aujourd'hui qui vont l'ouvrir et pourront s'en servir comme un guide (là j'extrapole) pour déculpabiliser, décomplexer et/ou déstresser. Et puis l'histoire de Julie est fichtrement bien ancrée dans son époque, avec une aisance remarquable. La demoiselle nous livre plusieurs chapitres de son expérience d'ado, dans un cadre propret et idyllique (citadine, à Paris, famille relativement aisée et hyper cool) et cela pourra accentuer la part romanesque de cet ouvrage rose ! Bon pour se relaxer et rigoler. Claire Loup se révèle un auteur plein de promesses.

Mes Premières Fois, par Claire Loup

Plon jeunesse, 2008 - 248 pages - 13€

7 avril 2008

Le coeur à la renverse - Robert Bigot

coeur_a_la_renverseDans le petit bourg de Taverny, au nord-ouest de Paris, Colin Clarisse, seize ans, grandit dans le milieu paysan, au coeur des vignes, dans la pure tradition familiale. Le garçon a le béguin pour sa jeune voisine, son amie d'enfance Toinette. Il espère en faire sa mie un jour, quand sans comprendre il est tourneboulé par l'arrivée de la demoiselle Delbos, Fleur de son prénom, jolie comme un coeur, et appartenant au milieu  bourgeois. C'est-y pas possible qu'une fille comme elle lui fasse les yeux doux, pense-t-il. Et pourtant, Fleur est hardie et entreprenante, au grand dam de Toinette qui souffre de jalousie, au point de commettre un acte désespéré, le soir du bal de la Saint-Jean.

Les choses vont changer entre nos amis, Colin a le coeur à la renverse, écrit-il. Il aime d'amour profond sa Toinette, bouleversé par le drame qui la frappe, mais il est attiré par Fleur, si différente de son milieu. Dans le même temps, nous sommes en 1787 et le milieu paysan crève de plus en plus de faim, étranglé par les taxes et la somme de privilèges que s'octroie le Prince de Conti, et d'autres notables. L'heure des doléances va sonner, les assemblées brouillonnes se réunissent pour clamer leur colère, mais la honte aussi les frappe (à cause de l'illettrisme, par exemple).

Ainsi, sur fond de premiers troubles révolutionnaires, l'histoire d'amour tendre et tragique se dessine, contée en grande partie par Colin lui-même, avec ses manières de langague, précise-t-il. C'est un roman sensible, tantôt émouvant, aussi drôle, mais bouleversant dans son ensemble, avec le contexte historique en filigrane. Il est planté dans le milieu paysan, qui tire la langue car les temps sont durs, la rogne est de plus en plus puissante. Nous ne sommes pas loin de Paris non plus, on y aperçoit même le long panache d'une fumée grise en fin de roman. Et la relation noueuse et conflictuelle entre Colin, Toinette et Fleur apporte sa touche émotionnelle, avec son soupçon d'intrigues, de roublardise et de trahison. Cela se lit très vite, et qu'on ne me dise plus littérature jeunesse, littérature mineure ou mais pourquoi tu lis de la littérature POUR la jeunesse, parce que ce roman-là n'est pas QUE pour la jeunesse ! C'est fort, captivant, avec quelques rebondissements, bref on se passionne pour cette communauté de Taverny, pour Colin et ses élans du coeur. Vraiment très, très bien !

Le coeur à la renverse, Robert Bigot

Seuil Jeunesse, coll. Karactère(s). 198 pages, 9€

Editions du Seuil, 2008

5 avril 2008

(L'un sans l'autre, c'est un incendie)

... Vous avez saisi, c'est fusionnel
L'un a ses idées, et l'autre ses ailes ...

Je vous abandonne, à bientôt les lecteurs !

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4 avril 2008

Incantation - Alice Hoffman

incantationNous sommes dans un petit village d'Espagne, au XVIème siècle. L'histoire commence par un bûcher élevé sur la Plaza où sont lâchées des tonnes de livres appartenant à des Juifs. Un vieil homme portant un manteau avec un cercle rouge assiste à la scène, impuissant. Deux autres jeunes filles sont également spectatrices de ce sacrilège, deux meilleures amies, Estrella et Catalina. Unies depuis toujours, presque semblables avec leurs longs cheveux noirs, elles se donnent du Corbeau et Corneille pour souder leur amitié. Mais les temps changent, un vent mauvais souffle et les demoiselles, qui ont seize ans, commencent à ressentir leurs premiers émois amoureux.

Et c'est ce détail qui aura son importance, car la jalousie va ronger le coeur de Catalina qui, pour se venger de l'inclination d'Estrella pour son cousin, va la dénoncer aux grands prêtres, sur crédit d'un lourd secret que semble cacher sa famille. L'heure du déchirement, de la trahison et de l'effondrement va sonner. 

Si nos vies sont des rivières, pourquoi s'étonner que les changements qui les affectent ne nous soient perceptibles qu'une fois rendus en pleine mer ? Il arrive un jour où, balayant du regard ce qui nous entoure, nous constatons que plus rien n'est pareil, pas même notre visage. (...) J'ai traversé les mers pour me rendre dans une contrée où je n'aurais jamais imaginé me rendre un jour. Je suis devenue quelqu'un dont je n'avais pas idée. Un secret. Un rêve. C'est ce que je suis, corps et âme. Brûlez-moi. Noyez-moi. Mentez-moi. Je demeurerai celle que je suis.

Ce court roman pour la jeunesse est un exemple remarquable de la persécution contre un peuple. L'histoire traite ici de l'Inquisition qui sévit dans l'Espagne du XVIème siècle. Le propos est rapporté par Estrella de Madrigal, une adolescente qui avait grandi sans se poser de questions, subissant l'indifférence de son grand-père et le silence méprisant de sa grand-mère, adorant sa mère qui possède une grande beauté et le don de guérir par les plantes. Les récents événements qui frappent leur petit contrée d'Encaleflora vont lui ouvrir les portails de son rêve. Estrella va apprendre qu'elle est une marrane, une juive convertie au christianisme, ce qui est bien pire que le simple fait d'être de la juderia. Le roman est pudique, sobre, assez poignant face à l'escalade de violence et d'injustice, mais il est aussi le portrait admirable d'une jeune fille courageuse, qui choisira de témoigner pour protéger la Vie. Sois toi-même et ton âme sera sauvée. Un devoir de mémoire, à découvrir.

Incantation, d'Alice Hoffman. Traduit de l'anglais par Catherine Gibert.

Gallimard jeunesse, Coll. Scripto. 160 pages. 8€

2006 pour le texte, 2008 pour la traduction.

3 avril 2008

Nord et Sud - Elizabeth Gaskell

Après la série de la BBC, le livre...

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Bien que j'avais déjà vu la série, très bien adaptée de la BBC, j'ai plongé de tout coeur dans le roman d'Elizabeth Gaskell, reprenant plaisir à découvrir les scènes cruciales, y relevant les nuances, les charmes et savourant les détails qui approfondissent les images. De plus, jamais je n'ai pu me décoller de l'esprit la figure de Richard Armitage, l'interprète de John Thornton. C'est l'acteur idéal pour incarner cet être intransigeant, redoutable en affaires, et qui pourtant devient le héros romantique par excellence depuis sa rencontre avec la jeune Margaret Hale.

Dans le livre, la demoiselle a vécu neuf années à Londres auprès de sa tante et de sa cousine Edith, qui vient de se marier au Capitaine Lennox. Margaret a repoussé les avances du beau-frère, Henry, malgré l'entente cordiale qui les unissait. La jeune fille est rentrée à Helstone, chez ses parents, où elle n'y passera que quelques mois lorsque son père fait l'annonce mortifiante de tout abandonner pour débuter une nouvelle vie dans le nord de l'Angleterre, à Milton, une cité industrielle. La famille subit un revers pénible, les contraignant à revoir leur train de vie, emménageant dans un quartier reculé et dans une maison humble. Et pourtant, Margaret affiche une superbe hautaine et dédaigneuse, un port de reine qui laisse supposer d'elle un dégoût profond pour la localité où elle réside désormais. De même, ses discours sur le commerce, les manufacturiers et l'économie font désordre et piquent John Thornton, lui-même parvenu à son niveau par la sueur de son front. L'homme est partagé entre son agacement et son attirance pour la jeune femme. Il est persuadé de ne pas être à sa hauteur, et Margaret semble disposée à lui faire ressentir son infériorité.

C'est de la pure inconscience, parce qu'il ne faudrait pas méjuger miss Hale en la traitant de bêcheuse. Certes, les premiers chapitres du roman ne lui donnent pas le beau rôle. Son maintien altier s'associe à une maladresse et une naïveté consternantes. Cela s'explique tout bonnement car elle est fille de pasteur, originaire d'une région totalement ancrée sur le savoir-vivre et l'éducation, et elle découvre à Milton des ambitions différentes. Elle est choquée, assez nigaude dans ses rapports avec la famille Higgins, ou se lance au cou de Thornton quand éclate l'émeute des grévistes, bref c'est une oie blanche qui a pour excuse d'agir selon une certaine dignité, assumant trop brutalement une charge héritée par l'inertie de ses deux parents. Depuis leur arrivée dans le Darkshire, Mrs Hale se plaint, elle est souffreteuse. Mr Hale a vite abdiqué devant l'amoncellement des tâches ordinaires, et se réfugie dans l'étude, les livres et ses leçons privées. A ceci, vient s'ajouter leur secret de famille, bien tu, bien protégé : Frederick, fils aîné et chéri, est en exil forcé en Espagne, menacé de Cour Martiale pour une sombre affaire de mutinerie, à laquelle la jeune Margaret n'a jamais eu voix au chapitre.

La trame se tisse par monts et par vaux, car Mrs Gaskell a résolu de moudre le romanesque à la conscience sociale. J'ai déjà répèté combien ce roman était l'histoire d'une confrontation entre le Sud, paisible, rural et conservateur, et le Nord, industriel, énergique et âpre, en plus d'être cette histoire sentimentale entre Margaret Hale et John Thornton, tout deux engoncés dans leurs préjugés et leur orgueil, représentant implicitant les deux partis. Ce grand Classique de la littérature anglaise, qui redonne toutes ses lettres de noblesse à l'injustement oubliée Mrs Gaskell, est un chef d'oeuvre de maîtrise et de perception. On y trouve, aussi, une analyse psychologique subtile et beaucoup d'humour (notamment dans la scène finale). La description de la condition ouvrière, avec ses misères et ses passions, est aussi compatissante que bien documentée. L'auteur évoque notamment le rôle que les syndicats commencent à jouer et surprend par l'acuité avec laquelle sont perçus les rapports de pouvoir (ce qui stupéfie encore le lecteur moderne, tant la critique semble toujours d'actualité !).

Bien entendu, la relation orageuse entre les deux protagonistes rappelle merveilleusement le roman de Jane Austen, Pride & Prejudice, allant jusqu'à retrouver la même scène où Thornton se déclare tandis que Margaret l'éconduit ! Mais les deux écrivains ont résolument un ton et une touche à part, des objectifs propres - Jane Austen cultivait l'esprit, essentiel chez ses personnages qui évoluaient dans des sociétés qui paraissaient protégées, ou très éloignées de la misère alors que Mrs Gaskell la décryptait et l'introduisait dans ses trames romanesques. En bref, ce sont bien là deux auteurs incontournables, qui caractérisent à leur façon la puissance et la richesse de la littérature du 18ème anglais !

traduit de l'anglais, préfacé et annoté par Françoise du Sorbier.

500 pages. Fayard, 2005 pour la traduction française / 25€

A été également lu par Lilly , Emjy

2 avril 2008

Réflexions sur la littérature jeunesse

les_seriesSelon Anne-Marie Pol, l'auteur de l'illustre série des Danse ! avec quarante titres au compteur, la série est un genre littéraire fort peu apprécié dans l'Hexagone, totalement méprisé par le milieu intellectuel, pédagogique, souvent décrié comme un sous-produit. Parce que quantité rime avec basse qualité, appel du gain, produit mercantile, et j'en passe, l'auteur a accepté de devenir une Miss Marple pour enquêter sur le phénomène, expliquer sa mauvaise presse et mieux comprendre la nécessité d'une série.

Car bien évidemment, la série est indispensable dans une vie de lecteur, pour ce dernier qui lit très peu et qui soudain s'accroche à une histoire et ses personnages récurrents. La série est un marche-pied pour l'appréciation d'une littérature au sens plus large, pour partir à la découverte d'autres livres, d'autres auteurs. Il y a un âge pour tout, écrit-elle au sujet de sa série qu'elle considère comme une lecture plaisir plutôt qu'un pensum culturel. J'hésite à faire ce raccourci terrible, mais il me semble qu'on touche là au sempiternel débat sur la littérature destinée à la jeunesse, déjà considérée comme un sous-genre, pauvre en qualité et indigne de réel intérêt. Alors pensez donc, une série ! Soit, un abattage d'ouvrages à la demande de l'éditeur, un contenu formaté selon des applications pour séduire un public visé, un simili travail à la chaîne pour gaver des lecteurs peu exigeants ! Oui je résume grossièrement, mais hélas la réalité n'est jamais bien loin.

Mais, n'est-ce pas là, finalement, un faux débat ? Après tout, pourquoi les séries ne seraient-elles pas, tout bêtement, constituées d'abord et avant tout de livres ? Livres, qui, comme toute littérature, pourraient s'avérer bons ou mauvais ?

En cinq chapitres fort bien documentés, Anne-Marie Pol va donc passer à la loupe ce qu'est une série, revenir aux sources du phénomène (et les références ne manquent pas ! Nous avons tous été nourris à la Bibliothèque Rose !), expliquer le potentiel caché d'une série, cerner la mesquinerie qui consiste à distinger le cycle, la trilogie (etc.) à une simple série ! Il semblerait que certains éditeurs soient un peu trop pointilleux sur ce point... Elle nous propose également une multitude d'exemples et de références, de quoi régaler nos chères têtes blondes. En gros, Anne-Marie Pol met le doigt sur un phénomène bien français, qui consisterait à pincer du nez face au populaire. La littérature (la bonne, la vraie) est sérieuse ou elle n'est pas. Elle ennuie parfois un peu ? Très bon signe ! La vie n'est pas drôle, mes chers enfants, la littérature non plus. Et, non contente d'être sérieuse, elle se prend au sérieux. (Hélas.) Ce n'est pas fini ! Le "plaire et toucher" de Boileau aurait-il été mis au rencart ? Ces deux verbes, en tout cas, le feraient taxer actuellement de "commercial" ou de "démago" (des adjectifs souvent attribués aux auteurs de séries), car les tenants de la littérature oublient qu'elle a mille visages.

Sans prétention, j'ai mauvaise réputation... (d'après Brassens) La mauvaise réputation de la série = ignorance + préjugés. Qu'importe ! Anne-Marie Pol les débusque, les expose et les étudie pour mieux les démonter. Elle n'hésite pas non plus à épingler l'élitisme contre le grand public, soulève les anomalies contastées dans certaines classes. Quel dommage de complexer des lecteurs de bonne volonté en méprisant leurs lectures préférées ! Autant leur signaler qu'ils lisent du sous-produit bon pour des sous-lecteurs. (...) Les livres étudiés en classe, même s'ils sont magnifiques, sont abordés sous un angle qui n'amuse pas nécessairement le petit lecteur.

Bref, chacun cherche, confusément ou de façon délibérée, les livres qui peuvent lui faire du bien, à un moment ou à un autre de sa vie. Les livres jeunesse aident à grandir et donnent envie de vivre : respectons-les, ces passeurs, dans leur diversité. Série, collection, roman unique, trilogie ou recueil... quelle importance, au fond ? La culture n'est pas monolithique. Comme un arbre (ou un livre), elle est pleine de milliers de feuilles diverses. Laissons aux lecteurs le privilège de cueillir (ou d'ouvrir) les feuilles qui leur plaisent...

Les séries - Chronique d'un malentendu littéraire. Par Anne-Marie Pol

Editions du Sorbier, 140 pages. 2004.

** Livre-voyageur à l'initiative d'Emmyne. **

Son avis sur cet ouvrage !

J'en profite malicieusement pour glisser cette autre référence, en relation avec notre sujet sur les séries :

armelle_leroyL'histoire illustrée des livres qui ont bercé notre enfance, en complément à la Saga de la Bibliothèque Rose par la même Armelle Leroy (ouvrage évoqué ici !)

Propos : Qui se cachent derrière les pseudonymes de Caroline Quine ou du Lieutenant X, les auteurs d'« Alice » et de « Langelot » ? Pourquoi la comtesse de Ségur a-t-elle décidé de mettre par écrit les histoires qu'elle racontait à ses petits-enfants ? Qui était l'illustrateur de « Oui-Oui » ? Comment Alfred Hichcock est-il devenu un auteur de la Bibliothèque Verte ?

Armelle Leroy et Laurent Chollet retracent la passionnante histoire des Bibliothèque Rose et Verte. Ils reviennent en détail sur la création des deux collections, l'élaboration des scénarios, le choix des illustrateurs, l'évolution des séries ou encore sur la vie, la plupart du temps méconnue, des auteurs.

On y retrouvera les grands classiques : la comtesse de Ségur, Jules Verne, Charles Dickens, Jack London, Alexandre Dumas..., ainsi que les grandes séries, « Alice » de Caroline Quine, « Oui-Oui », « Le Club des Cinq », « Le Clan des Sept » d'Enid Blyton, « Fantômette » de Georges Chaulet, « Langelot » du Lieutenant X, « Les Six Compagnons » de Paul-Jacques Bonzon... Riche d'illustrations, d'archives inédites et d'anecdotes insolites, ce livre nous replonge dans l'univers aventureux, magique et merveilleux des premières lectures de notre jeunesse.

A posséder !!!

Editions Hors Collection, 2005. 19,90 €

2 avril 2008

(histoires pour tous les âges)

catsou

Catsou est un petit chat roux qui a très vite été adopté par toute la famille. Le félin grandit et vagabonde dans la campagne environnante, menant sa vie de chat. Mais Catsou a un don véritable : dès que quelqu'un est triste ou fatigué, il le sent et retrouve sa route pour prodiguer câlins et réconfort. Puis un jour, la famille déménage et s'installe en ville. C'est bruyant, c'est bétonné. Catsou perd ses repères, il s'ennuie, devient triste. La famille comprend alors qu'il faut lui rendre sa liberté de vie de chat. Comme pour dire au revoir, il nous a regardés, très longtemps. Quand je l'ai vu s'éloigner, j'ai eu envie de pleurer, bien sûr, mais je savais aussi qu'il allait retrouver sa route.

Je ne porte pas les chats dans mon coeur, je préfère les chiens. Mais j'ai beaucoup aimé cette histoire de tendresse et d'affection. Dès qu'on démontre l'importance d'un animal dans la vie d'une famille, je ne peux que cautionner. Cette histoire a aussi le potentiel d'enseigner ce qu'est le besoin (ou le désir) d'indépendance, un choix qu'il faut respecter et accepter, malgré son chagrin ou son besoin égoïste de conserver pour soi.

Catsou, Bénédicte Brunet (texte) - Charlotte Mollet (illustrations)

Ed. du Rouergue, coll. Varia. 15 €

monsieur_personne

Dans un quartier tristement ordinaire, où le ciel est de la couleur du béton, et où il pleut souvent, où il est si facile de ne pas dire bonjour à son voisin, où tout se ressemble, vit un homme ... gris. C'est Monsieur Personne. Les gens ne s'intéressent pas à lui, ne le voient plus. Les enfants ont peur de lui, ils le trouvent vieux et laid. Monsieur Personne ne fait rien de ses journées, sauf regarder par la fenêtre des heures durant. Ou il lit son journal. Il mange sa soupe, fait sa lessive, sa vaisselle, arrose sa plante, reprise ses chaussettes trouées. Et puis, quand la nuit arrive, Monsieur Personne allume la lumière de sa cuisine et il se met au travail. Son travail est important et mystérieux : il fabrique des étoiles !

On peut craindre au début que cet album sera sinistre et plombant, un peu moralisateur sur notre inconscience à ne pas se soucier de son voisin, à bouder la vieillesse, à mener une vie terne et sans saveur. On parle de solitude, d'apparence, d'individualisme. Et les couleurs sont également éteintes, le personnage de Monsieur Personne nous touche et nous affecte. Cette histoire de l'ordinaire n'a pas le mérite d'offrir grande évasion, jusqu'à la révélation du talent caché de ce vieil homme, finalement pas si ordinaire ! J'ai aussitôt pensé à la chanson des Innocents, Un homme extraordinaire. Bref, je ne partais pas conquise au début, j'en suis sortie émue par ce conte moderne qui explique d'où viennent les étoiles !

Monsieur Personne,  Joanna Concejo

Ed. du Rouergue, coll. Varia. - 18€

anna_la_vilaine

Anna vient de lire le conte du Vilain Petit Canard mais s'en trouve fâchée. Selon elle, ce n'est qu'un salmigondis absurde ! Si on est laid, on est laid. Si on est beau, on est beau pour la vie. Pour s'en convaincre, Anna veut vérifier si elle est belle, vraiment très belle, aussi belle qu'un cygne. Elle s'en va poser la question à ses proches, quand étrangement elle découvre tour à tour sa mère en fourmilier, son père en paresseux, son frère en girafe et son imagination ne s'arrête pas là : le pommeau de douche devient un cobra royal, le frigo un ours polaire, les feux tricolores un très beau perroquet. Qu'est-ce que cela signifie ?

Simplement, ceci : Je suis belle, ou je suis vilaine ? Que voient les autres, finalement ? Et s'il était préférable de se moquer de ce pensent les autres de nous ? Un livre sur l'apparence et le regard des autres. A méditer, longuement !

 

 

 

Anna la vilaine, Fabian Negrin (traduit de l'italien par Marc Voline)

Ed. du Rouergue, coll. Varia - 14€

raspoutine

Sa tignasse hirsute. Son gros nez cramoisi. Ses dents de devant tout ébréchées. Ses sourcils aussi broussailleux que des fourrés épineux. Et ses yeux. Noirs. Du goudron. Des copeaux de charbon. Deux encoches ouvertes sur la nuit.

C'est Raspoutine. En fait, il s'appelle Ferdinand, mais les gamins du quartier lui donnent ce surnom ridicule car sa physionomie leur rappelle ce cinglé qui hantait la Russie du Tsar Nicolas II. Ferdinand est un mendiant qui vit dans la rue (et dort dans une vieille voiture sans roues) et squatte tous les jours devant la boulangerie. Le quartier n'est pas bien riche, la gamelle du bonhomme pas très fournie en pièces. Le gars n'est pas un mauvais bougre, il ne crache pas dans sa main et n'hésite pas à envoyer balader le môme qui lui tend son assiette de choux de Bruxelles (véridique !). Certes, l'homme aime aussi boire du vin rouge, en bouteille plastique. Pour pisser rouge. Et puis il y a eu une journée d'hiver, où la neige était tombée en abondance. Les gamins jouaient à se lancer des boules, à glisser sur les fesses, sur le dos, sur le ventre. Raspoutine s'est joint à la bande, avec son couvercle de poubelle. Je me souviens de son gros rire et des éclatants morceaux de givre qui lui éclairaient les yeux ce jour-là. Car, après ça...

Le texte est de Guillaume Guéraud et se révèle fort et poignant. Son histoire dénonce la misère et la détresse, sans jamais tomber dans le misérabilisme ni dans le sermon. Le portrait esquissé du sans-abri n'est pas brodé dans la dentelle, pourtant cette histoire que rapporte le narrateur est un souvenir d'une jeunesse assez heureuse et toute simple, une consonance nostalgique, marquée par la rencontre d'un type subversif, qui vivait en marge de la société. J'ai beaucoup aimé l'écriture de ce texte, que je trouve juste, sans tirer la sonnette d'alarme. Notre monde n'est pas parfait, et je ne crois pas que cela puisse changer un jour.

Raspoutine, Guillaume Guéraud (texte) - Marc Daniau (illustrations)

Ed. du Rouergue, coll. Varia. - 13,50€

1 avril 2008

Ce que je sais de ma maman

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Ma maman a les cheveux oranges.

Elle a des bijoux beaux, et d'autres drôles. Elle dit qu'un jour ils seront tous à moi. (Je ne sais pas si je les porterai.)

Elle met toujours des chaussures à talons. Ça lui va très bien.

Elle se maquille tous les jours. (Quand je serai grande, peut-être que je ferai pareil.)

Elle est belle. Mais vraiment belle !

Avec ma maman, on peut tout se dire.

Elle peut tout comprendre. Une fois, je lui ai même dit que je voulais qu'elle marche trois pas devant moi dans la rue. (Parce que je voulais que les gens croient que j'étais seule, comme une grande fille. Elle a bien voulu, elle a juste dit : Et alors quoi, tu as honte de moi ?)

Avec ma maman, ça arrive qu'on ne s'entende pas. Je ne sais pas pourquoi, parfois elle m'énerve.

Ça doit pas être toujours facile pour ma maman, parce que, des fois, je fais des caprices.

A Noël, elle m'offre toujours des surprises en plus des cadeaux que j'ai demandés !

Ma maman, je l'aime tellement que je ne peux pas dire combien.

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Extraits de Ce que je sais de ma maman, de Pauline Martin

Albin Michel, 9.90 €

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