Le chemin des sortilèges - Nathalie Rheims
Ce roman a bien du mal à se résumer, tant il flirte avec l'étrange et les confins du genre fantastique. On connaît le penchant de Nathalie Rheims à peupler ses livres d'esprits et de fantômes, d'apparitions aussi mystiques que troublantes. Qu'on se le dise, son dixième roman est du même acabit et se découvre avec lenteur, perplexité mais de façon non dénuée de charme !
La narratrice s'invite chez Roland, une figure majeure de la psychanalyse qu'elle voyait tous les jeudis matin, à la sortie de l'école. C'est aussi l'homme qui l'a vu naître et qui a tout quitté, il y a dix ans. Abandonné par la mère de cette jeune femme, par son épouse et ses filles, Roland s'est réfugié dans la solitude et habite une maison avec "des vieilles dentelles blanches aux rideaux". Un soir, elle frappe à sa porte.
Aucune discussion franche ne s'ouvre, l'homme et la femme se font face, avec leurs bagages bien bouclés et bourrés à craquer de secrets. Une méthode douce va être alors employée, pour débloquer ce discours de taiseux : la lecture de contes de fées. Tous les soirs, une main invisible glisse un nouveau livre près du lit de la narratrice (la Belle au bois dormant, Blanche Neige, le Petit Poucet, le Petit Chaperon rouge, etc.). Les passages lus réveillent des souvenirs endormis, car voilà où mène ce travail : accepter ce qu'elle avait occulté, à se réconcilier avec sa mémoire.
"Chaque histoire déposée dans ma chambre était une étape de ce voyage intérieur, chaque livre un caillou blanc semé dans la forêt de l'oubli. Il ne fallait pas chercher à remonter le temps, c'était inutile, mais il fallait avancer, jour après jour, conte après conte."
La fin de l'histoire est assez surprenante. Elle remet à plat les plus fastidieuses interprétations mais éclaire autrement notre vision du livre. Jusqu'alors, le roman avait pour cadre une maison un peu hantée, qui n'est pas sûre d'être réelle, avec un rapport entre la narratrice et ce Roland plutôt spectral. On ne cesse de baigner dans l'impression d'être au beau milieu d'un conte ou un rêve fantasmagorique, pour finalement conclure à suivre le parcours initiatique d'une femme fragile. Mais l'impression est fugace, voire éthérée. On retourne ce livre dans tous les sens, la confusion au bord des lèvres, mais gagné par un sentiment chaleureux et persuasif.
Editions Léo Scheer, août 2008 - 180 pages - 14€
Le site de l'auteur : http://www.nathalierheims.com/spip.php?article28