La réconciliation - Anne Constance Vigier
Sous cette couverture qui fleure bon le printemps, se trouve une histoire moins légère, centrée sur une femme, qui approche de la quarantaine, divorcée et mère de jumeaux, Alice et Antoine, âgés de quinze ans. Ces derniers s'envolent pour l'île de Gorée, deux semaines durant, et l'abandonnent à son triste sort : son père vient loger sous son toit. Parce qu'il doit suivre plusieurs examens médicaux, parce que l'hôpital se trouve juste en face de son appartement, parce que ça enlèverait une épine du pied de la mère, parce que c'est comme ça... La narratrice est effondrée, paralysée. C'est toute son enfance qui lui revient en pleine figure.
Son père a été une véritable ordure, il n'y a pas d'autres mots pour le décrire. Il était violent, autoritaire, exécrable, irascible et méprisant. Il a saccagé ses souvenirs d'enfance, a ruiné sa vie de femme jusqu'au jour où elle a choisi son émancipation. Mais aujourd'hui c'est lui qui a besoin d'elle, il est malade, diminué, obligeant. Prendra-t-elle sa revanche ? Or, c'est autre chose qu'il se passe. De façon incongrue, cette cohabitation vient lui renvoyer son vrai visage d'épouse bafouée, de mère dépassée et de femme lasse d'un travail qui stagne (son livre, en cours de traduction). La narratrice est déprimée. Accueillir son père, c'est comme faire une thérapie avec des effets secondaires déstabilisants.
Et le lecteur ingurgite ce vague à l'âme avec un stoïcisme remarquable. On pourrait s'attendre à un certain marasme, à quelques règlements de compte, à des éclats et autres qualificatifs d'oiseaux. Que nenni. Nous récoltons de la tempérance, des doutes, une certaine asthénie et des dialogues de sourds. C'est une histoire rentrée, dans le sens où les deux protagonistes se contiennent, ne se touchent jamais, se parlent à peine et sans jamais se faire face. Il y a un fossé entre eux dans lequel tombe le lecteur, heureusement il n'y a pas de mal ! C'est juste qu'on s'attendait à autre chose de ce roman - une réelle confrontation.
Finalement l'auteur décide d'employer la situation conflictuelle, qu'implique la relation entre le père et la narratrice, pour brusquer cette femme dans son moi profond. Ce retour du père qui a besoin d'elle l'oblige à fouiller en elle, à décrypter et soigner ses petits bobos. Il faut la voir s'accrocher à ses enfants, qui eux recherchent à se détacher. Gentiment, mais sûrement. Sans y penser, ce roman finalement traite de sujets personnels, de l'enfance et de la maternité. C'est plus complet qu'on imaginait... J'ai bien aimé (mais je n'ai pas l'impression d'avoir su parfaitement le communiquer, dommage).
Editions Joelle Losfeld, août 2008 - 138 pages - 13,90€
Du même auteur : Entre mes mains
Un repas entre un père et sa fille, entre huîtres et malentendus.
Anne-Constance Vigier lit un extrait de son dernier roman «La Réconciliation» :
http://www.libelabo.fr/2008/09/18/%c2%abla-reconciliation%c2%bb/