25/11/08

A bonne école ~ Muriel Spark

Dans son roman, Muriel Spark se moque avec allégresse des écoles privées, généralement des établissements étudiés pour accueillir la crème des étudiants fortunés, un brin oisifs, pour passer le temps à apprendre des leçons sur le "comment faire" en société ou les ateliers d'écriture ! Dans "A bonne école", le professeur de creative writing, Rowland Mahler se voit en peine d'appliquer le b.a-ba de son enseignement puisqu'il vit un véritable blocage littéraire ! Incapable d'aligner une phrase, une idée ! Son roman est au point mort. Chose encore plus cruelle : son étudiant Chris Wiley, jeune rouquin de dix-sept ans, plein d'assurance et d'insolence, le nargue avec son opulent roman historique !...

Muriel Spark est très féroce. Dans sa vision des établissements privés (celui de Sunrise, pour la présente), elle tourne en ridicule ses dirigeants, le couple Mahler, Rowland et Nina, les étudiants, fils à papa, bouffis d'orgueil et de loisirs insignifiants, les quelques employés, pour tenir le budget au plus serré, bref une petite communauté très libérée, tous solidaires et désoeuvrés. Quand le conflit éclate entre l'enseignant et l'étudiant, un conflit vicieux et sournois, chacun prend son parti : car entre Rowland et Chris l'abnégation est totale ! Effarante, même. C'est une obsession réciproque, hallucinante et imbuvable. L'épouse prend un amant, l'élève appelle au crime et l'écrivain maudit songe au massacre !...

Car également dans ce dernier roman, Muriel Spark se moque des écrivains et de leur travail de concentration (isolement dans un monastère, manuscrit sous verrous), du cauchemar de la page blanche, du plagiat, de la fantaisie romanesque etc.. Muriel Spark se régale, en tant que lecteur on le ressent ! Pourtant, son épilogue a quelque goût amer, un sentiment de fin hâtive et bâclée. 

lu en 2005 - Gallimard, traduit par Claude Demanuelli

Posté par clarabel76 à 18:43:00 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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^ J'ai un coeur de midinette ! ^

312EBE0X6TL__SS500_La question des Mughdis raconte l'éveil amoureux entre Coline, quinze ans, et son meilleur ami Amogh. Ce dernier est le rejeton d'un père anglais et d'une mère indienne ; la famille Tweedy est hyper guindée et vit dans un manoir au coeur de la forêt de Sherwood, où Coline et les siens sont conviés pour les vacances de Pâques. Premier choc des cultures : les Tweedy veulent afficher une image de façade irréprochable et un rien prout-prout (toutefois, sous la couche, se cachent des secrets de famille assez surprenants !). Coline, ses parents et ses deux soeurs sont plutôt expansifs et exubérants, ils disent tout haut ce qu'ils pensent tout bas, ce qui n'est pas du goût du sacro-saint flegme britannique !

A l'écart de ces joyeuses ripailles, on suit aussi Coline et Amogh qui se rendent tous les soirs, avant le coucher du soleil, chez le jardinier Atmajyoti. Magicien ou mystificateur, ce dernier se livre à d'étranges cérémonies secrètes pour apercevoir les fameux ... Mughdis. L'adolescente rêverait de percer ce mystère, mais elle découvre à la place les premiers symptômes du sentiment amoureux : palpitations folles, troubles et rougissements, bouffées de chaleur, crises de jalousie, doutes perpétuels... C'est tout nouveau pour elle et ça l'embrouille. D'ailleurs, elle décrypte ce qui lui arrive par l'expression "J'ai l'amitié qui déraille".
Pas facile de franchir ce cap fragile qui sépare l'amitié et l'amour...

Ce roman sait joliment décrire cette confusion des sentiments et c'est rondement bien tourné sous la plume d'Audren, qui est pleine de fraîcheur, d'humour et de désinvolture. J'ai beaucoup aimé.

Jamais, jusqu'à ce voyage à Touchstone, Amogh n'a déclenché en moi autre chose qu'une belle amitié. J'avais l'impression d'évoluer sur un terrain paisible, loin des frontières de l'amour. Mais plus les heures passent en Angleterre et plus ces frontières me paraissent floues et proches de nous. Le terrain paisible est un terrain miné, et, au risque de constater de navrantes banalités, l'amour et l'amitié d'une fille pour un garçon sont étroitement intriqués. Il faut une importante dose de raison et d'interdits pour se convaincre du contraire. Malheureusement, Amogh, probablement freiné par ses principes, ou ses peurs, n'a pas l'intention d'évoluer ailleurs que sur l'aire tranquille d'amitié qu'il s'est créée. Si je le pouvais, je lui ouvrirais les yeux de ces frontières imprécises qui traversent régulièrement notre paysage et nos coeurs. Mais il partirait alors en courant, retrouver ses vrais copains, ceux qui se rasent et qui n'ont pas de seins.

La question des Mughdis - Audren

Ecole des Loisirs, mars 2006 - 180 pages - 9,50€

D'autres romans sont à venir, de cet auteur que j'apprécie beaucoup...

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Posté par clarabel76 à 08:00:00 - - Commentaires [26] - Permalien [#]
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