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Chez Clarabel
15 décembre 2008

La relieuse du gué - Anne Delaflotte Mehdevi

41k7NdKuDjL__SS500_« Cyrano, que je vous prévienne, est mon "androthérapie". Il ne me quitte jamais. J'ai plusieurs éditions de la pièce de Rostand, et toujours une à l'atelier et une à côté de mon lit. J'ouvre le soir le livre de la pièce au hasard. Je lis quelques pages et je m'endors. Mais je ne l'aime pas qu'au lit. J'ai abusé de lui dans bien d'autres circonstances comme lorsque je passais mes examens. Je l'avais tout le temps dans ma poche tel un gri-gri. Je l'ouvrais en attendant les épreuves ou ne l'ouvrais pas. Mais il était là. »

Mathilde, devenue relieuse après une courte carrière de diplomate au Quai d'Orsay, a ouvert son atelier à Montlaudun en Gironde. Elle occupe ses journées à coudre, à coller, à fignoler, à respirer les livres, c'est une passion léguée par son grand-père qui s'est endormi sous un châtaigner. Un matin de très bonne heure, on tambourine à sa porte qui s'ouvre sur un beau jeune homme, un brin mystérieux. Il lui confie un épais ouvrage qu'il viendra récupérer dans quelques jours. C'est urgent, c'est important et c'est secret. Avant de partir, l'homme a un malaise, sa beauté et son aura énigmatique intriguent Mathilde, mais elle le laisse partir sans le questionner davantage. Quelques jours après, elle apprend sa mort brutale.
L'apparition de cet individu reste obsédante pour la relieuse, qui s'interroge sur l'identité de l'inconnu, cherche à percer l'importance qu'il daignait accorder à l'ouvrage, lequel repose désormais entre ses mains, dans son atelier. Mais cette histoire commence à susciter un intérêt un peu trop vif de la part des habitants de cette petite ville, des rumeurs se propagent, des tensions naissent, une enquête a été ouverte. Mathilde elle-même a décidé de retrouver la famille du défunt et de restituer le livre ancien, en pensant ainsi accomplir les désirs de l'homme sans nom.

Ce roman possède, en plus du charme, une odeur et un son. Il est très particulier, tant il voudrait être murmuré ou lu à voix basse. C'est l'impression qu'il me donne, à me sentir coincée dans la ruelle du gué, à croiser des personnalités fortes et originales, à suivre les pas de Mathilde la relieuse. Elle a fait de sa vie une quête pour le bonheur, dans la chaleur des livres qui chuchotent leurs secrets et qui confient leur intimité à ses mains habiles et délicates. Mathilde est une amoureuse, une contemplative. Scrupuleuse, soucieuse et discrète. La rencontre avec l'inconnu qui sent la fougère et la terre fraîche va bouleverser sa petite existence, jusque là bien remplie par Cyrano et ses répliques pleines de panache. Les voisins de la relieuse ont tous des personnalités éclatantes, parmi lesquelles Mathilde apparaît finalement un peu terne et effacée. La relieuse du gué est aussi un roman à l'écriture sensuelle, à l'ambiance chaleureuse et à l'intrigue qui est un judicieux mélange de légèreté et de mystère. Le début est très, très bon. La fin manque de sombrer dans une certaine lenteur, et/ou maladresse. Mais c'est sans importance. L'ensemble de la lecture procure un sentiment de douceur et c'est un roman vraiment très agréable à lire par temps d'hiver !

Gaïa, 2008 - 268 pages - 19€

« On peut lire Bergerac de Rostand comme on le fait d'une carte postale d'été, ou le dire haut, juste pour le rythme facile de la rime. On peut le lire pour rire, pour s'émouvoir, pour s'attarder sur le panache de son héros. Pour bien dormir, on peut prendre le soir, un dialogue au hasard, et faire une toilette de chat de l'esprit, juste avant de sombrer. On peut le prendre au petit déjeuner, pour se donner du coeur et une âme claire, juste une lampée avec son café. »

D'autres avis : Cathe , Cuné ...

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Commentaires
C
Les courts moments, yeux ouverts, sous la couette n'ont pas suffi... Trop grande envie aussi de retrouver le parfum de bois moussus, de colle de peau et la caresse de ce livre aux pages roses. Alors, plus d'une fois, j'ai essuyé les mains sur mon tablier et repoussé le siège à canner pour retrouver la jeune relieuse et ses amis de la ruelle. Le roman n'est pas intense. Son tempo n'est pas trépidant mais il est à l'image du travail de la reliure, fort bien décrit, et de tout artisanat. Amour du travail bien fait dans une succession de petites étapes. Instants de pauses savourés en solitaire ou avec d'autres. Objets qui relient, souvent dans la mémoire d'anciens possesseurs. Et Cyrano, fil de couture et signet, d'un autre travail plus intérieur.<br /> Oui, comme l'écrit Clarabel, un livre "doux" qui réchauffe comme une bonne tasse de chocolat à laquelle s'ajoute une pointe de "mystère" pour titiller le désir. <br /> Comme Clarabel, j'ai trouvé la fin un peu lente, sans doute parce que le mystère a disparu...<br /> Encore merci de nous avoir conseillé ce roman !
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C
> Bonne lecture, Claire. J'attends ton avis après lecture.
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C
Il est rare que j'achète un roman qui ne soit pas paru en poche... faute de moyens financiers. Mais pour un livre dont l'héroïne est une relieuse, j'ai craqué en découvrant les pages roses des éditions Gaïa... <br /> Oui, je crois bien que je ne voudrais pas le lire en un autre format que celui d'origine.<br /> Allez, je me glisse sous la couette pour un doux moment promis par Clarabel.<br /> Merci !
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C
> Merci cher Plumrano ! ;))
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P
« Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ? Un serment fait d’un peu plus près, une promesse plus précise, un aveu qui veut se confirmer, un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ; c’est un secret qui prend la bouche pour oreille, un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille, une communion ayant un goût de fleur, une façon d’un peu se respirer le cœur, Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme ! »<br /> [Acte III - Scène 10]<br /> <br /> A Roxabel<br /> de Plumrano :-)<br /> <br /> <br /> PS : Vous avez fini de me convaincre, je me disais bien que cela devrait constituer l'une de mes lectures d'hiver. Merci pour ça.
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Chez Clarabel
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