A contretemps - Jean Philippe Blondel
Hugo, dix-huit ans et le bac en poche, choisit Paris pour suivre des études de lettres. Il trouve un toit chez un homme qui vit seul, Jean Debat. Un monsieur discret, souvent absent, et taciturne, qui vilipende la littérature, le romanesque et tutti quanti. Hugo est déboussolé, lui qui ne vit que pour sa passion de la lecture, il trouve son logeur secret. Limite inquiétant par son déni farouche. Cela n'empêchera pas Hugo de faire doucement son trou dans sa nouvelle vie, il trouve un petit boulot, rencontre une chérie, se lie d'amitié avec Michèle, une super libraire. Il rentre chez lui pour dormir, entre Jean et lui c'est le coup de vent.
Un dimanche matin, tout change. Son logeur sort de ses gonds en apercevant Marine, la petite amie du garçon. Il est temps d'avoir une discussion franche, entre quatre yeux. Mais cela dépasse la simple intrusion du sexe féminin dans cet appartement coupé du reste du monde, en fait Hugo va découvrir le passé de Jean.
Ce roman est clairement destiné « à tous ceux pour qui la littérature est cette étrange life-supporting machine, comme disent les Anglais, ce refuge qui permet de rester en vie ». C'est un Jean-Philippe Blondel grand lecteur qu'on cerne dans ce roman, un amoureux des livres, qui comprend et partage ce que représente la plongée dans un univers de fiction. Savez-vous par exemple qu'un grand lecteur peut souffrir de porosité ? Et je ne parle pas de la frustration sexuelle qui expliquerait pourquoi on adhère à une histoire qu'on nous raconte... C'est ainsi truffé de petites répliques tantôt drôles ou étonnantes, tantôt déconcertantes et ronflantes. C'est à voir.
J'ai curieusement été moins sensible au spleen de l'écrivain raté, celui qui a cru et s'est cassé les dents. Cela devient un peu trop long et étouffant, les piques acerbes étant proprement dégainées pour souligner l'hostilité de celui qui a été oublié. Toutefois on touche davantage à l'ego frustré, et je ne suis pas compatissante. On peut ensuite s'intéresser à la relation complice entre l'étudiant et l'homme bougon. Oui, complice... car ces deux-là vont finir par s'apprécier, et s'apprécient déjà sans se douter. Ils s'agacent, parce qu'ils se reconnaissent l'un dans l'autre. C'est plutôt mignon.
En fait, j'ai clairement deux gros penchants dans ce livre : Michèle, une libraire exceptionnelle, unique, incomparable, et l'importance de la lecture dans la vie. Comme l'écrit le narrateur, c'est « ma dose ». On se comprend...
Robert Laffont, 2009 - 240 pages - 19€