17/01/09

L'Alfa Romeo - Annie Cohen

51CIR28OYqL__SS500_Et une petite perle de douceur, pour ceux qui passent par ici...
Ce livre tient dans la paume d'une main, sa couverture est déjà tout un poème, comme souvent chez Zulma.
L'histoire, ensuite, est toute simple, pas très convaincante à la lecture d'un résumé, mais elle a ce truc, indescriptible mais sensationnel, qui se niche dans l'écriture de l'auteur, Annie Cohen.

« Tout a commencé par la liquidation de la vieille Alfa dans un garage de Gentilly, un sombre soir de novembre, le 18 pour être précis. Il faut dire que ce jour-là je remettais un manuscrit à mon éditeur, encore un truc à vous dégoûter de l'écriture et du tintouin environnant. Mais c'est plus fort que moi, il faut toujours que je bosse, que j'aboutisse, à quoi, je me le demande, que je gribouille, même si mes voisins n'ont jamais rien lu de ce que j'écris, sans parler de mon boucher, du bio de la rue Pascal, et de la terre entière. Comme quoi on peut écrire et écrire, passer sa vie à remplir des pages, élaborer un petit monde bien à soi, joli, joli, sans que ça trouble le sommeil de ceux qui dorment juste au-dessus (ou en-dessous). » 

Se séparer de la vieille Alfa n'est pas une mince affaire, pour la narratrice et son compagnon César cela représente douze années de vie simple comme une balade à Versailles. « Entre l'origine et le cosmique, le rêve et la réalité. » L'Alfa Romeo, c'est aussi la camaraderie et l'amour, les souvenirs à la pelle de moments passés ensemble, avec Julietta, Gigi son amoureux et le chien Méthode. Et c'est lorsque la narratrice pensait avoir tourné la page du chapitre qu'un inconnu téléphone et propose d'acheter l'Alfa, même si elle est cabossée, usée, bonne à jeter (« un sucre d'orge, cet homme, à craquer, qui s'est pris immédiatement d'affection pour cette voiture »), il va même proposer de se revoir, de prêter l'Alfa quand elle veut !

Ce qui est étonnant dans ce récit c'est que chaque anecdote en amène systématiquement une autre, emprunte des chemins de traverse, tisse l'art de la digression avec une habileté décoiffante, on trouve ainsi le Jordanien qui rachète l'alfa romeo, l'anorexie sociale de la narratrice, les petites annonces matrimoniales, l'enfance à Sidi-bel-Abbès, etc. « Une phrase à tiroirs, à multiples registres, à se répéter dans l'obscurité de sa chaleur animale : "Jamais tu ne pourras te rendre maître de ce qui arrive", autrement dit, tu peux monter et descendre, pisser dans un violon, grimper aux rideaux, marcher sur les mains, tenter l'impossible, jamais, "jamais tu ne te rendras maître de ce qui arrive. » Cela veut tout dire ! Et c'est drôlement bien troussé. Chaleureux, court, drôle, bavard, pour résumer.

Pour en revenir au point de départ, sous forme de conclusion à ce récit troublant, riche et profus, la narratrice n'a toujours aucune nouvelle de son éditeur et du manuscrit déposé. « Il paraît qu'il met deux ans pour lire un manuscrit. C'est ce qu'on dit. C'est ce que j'ai entendu. Si j'avais su, j'aurais attendu un peu pour liquider l'Alfa ! »

Zulma, 2009 - 100 pages - 9,50€   

 

 

 

L'éditeur emploie ces jolis termes pour parler de ce livre ovni :  À partir d’un départ de comédie douce-amère, le cher tacot qu’il faut abandonner à son sort, Annie Cohen évoque les ébats contrariés de la vie quotidienne et de l’imaginaire. Avec une liberté de ton pour le moins métissée au quatre vents de l’exil, elle nous offre un peu, beaucoup, passionnément, de son monde intérieur fait d’ironie tendre et de drôlerie grave, sorte de chronique des années sauves où viennent à notre rencontre maintes silhouettes et figures intimes qu’on voudrait à notre tour tutoyer. C’est l’heureux temps perdu, renfloué avec maestria : « On le sait maintenant, elle a été sauvée des eaux, l’Alfa Romeo. »

Posté par clarabel76 à 20:30:00 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
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Êtes-vous passés à côté de... En poche ! #18

Rêve d'amour, de Laurence Tardieu ?

C'est l'un de mes romans préférés de l'année 2008. Ne le loupez pas !

reve_damourPuissant dans son écriture et affolant par son style épuré, sensible comme de la soie, le livre de Laurence Tardieu renferme une quantité de passages que je souligne avec passion !
Tout me parle dans ce livre, notamment cette histoire d'une jeune femme de 30 ans qui a grandi sans maman, sans le souvenir de celle-ci. Vingt-cinq ans plus tôt, elle a été emportée par la maladie mais personne n'a prévenu la petite fille. Plus tard, elle comprendra. Cependant, aucun souvenir, aucune mémoire, aucun culte de la personnalité. Alice Grangé est élevée par son père, silencieux et imperméable, et qui lui soufflera le Grand Secret sur son lit de mort.
Ce court roman, en nombre de pages, est déstabilisant par sa justesse et son flot d'émotions. J'ai été émue aux larmes à maintes reprises, tout en soutenant l'entreprise d'Alice. Celle-ci apparaît fragilisée au début du livre, abrutie et désillusionnée. En fouillant le passé, elle cherche ainsi à redonner des traits au visage de sa mère, à cerner ce qu'est un amour fou. Ce qu'elle comprendra en chemin sera forcément bouleversant, et ne pourra que vous toucher (du moins, moi j'y ai été fort sensible).
« Le bonheur, c'est de se savoir appartenir au royaume des vivants, et d'en éprouver les innombrables frémissements. »
« Il n'y a pas de vérité, ni des êtres, ni du temps. Il n'y a que le présent, son éblouissement. »
C'est dans un cahier bleu qu'Alice Grangé raconte son parcours, et à la fin elle a cette formidable conclusion, que je m'approprie : « (...) j'ai compris que les livres étaient une des expressions les plus fortes, les plus troublantes et les plus vraies de la vie. »

Livre de Poche, 2009 - 5€

Posté par clarabel76 à 13:30:00 - - Commentaires [10] - Permalien [#]
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