17/04/09

Parfum de meurtre ~ Annie Pietri

Cinq ans après Les Orangers de Versailles, nous retrouvons Marion Dutilleul, désormais la parfumeuse de la reine, dans son petit pavillon près du Trianon de Porcelaine, à bichonner ses plantes et ses herbes. Mais dans l'ombre, un nouveau complot se prépare. La Montespan n'a pas digéré d'avoir été trahie par le nez de Marion, elle jure de se venger. Son règne à la Cour est en train de faiblir, le Roi s'est entiché d'Angélique de Fontanges, qui est plus jeune, plus fraîche, plus fine et plus gracieuse. Athénaïs convoque son ancienne complice, la Voisin, connue pour sa sorcellerie mauvaise et satanique. Elle lui commande de kidnapper Marion, de l'éliminer, puis d'empoisonner la nouvelle passion de Louis XIV et de confectionner un élixir qui agira tel un regain d'amour sur sa personne (devenue difforme, à force de grossesses répétées et d'un régime alimentaire à base de gourmandises).

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C'est au coeur de l'officine de la Voisin que se passe l'essentiel de l'action de ce deuxième roman. Aux yeux d'un lecteur de 10 ans, l'ambiance apparaîtra délicieusement macabre, frissonnante et pleine de suspense. Les rebondissements ne manquent pas. L'histoire se résoud en un clinquement de doigts, personnellement je trouve que c'est toujours dommage, cet ensemble est lisse et gentillet, mais pour un enfant c'est impeccable. Et puis l'ambiance à Versailles est bien rendue, la reproduction fidèle et des tas de détails sont donnés pour illustrer la belle époque, riche en intrigues amoureuses, projets d'empoisonnement et ambitions personnelles. L'héroïne m'apparaît toujours trop fade, mais elle est sans conteste courageuse et très intelligente en tant que modèle pour nos chers bambins !
A conseiller, dès 10 ans.

Bayard jeunesse, coll. Estampille, 2009 - 142 pages - 9,90€

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Mausolée ~ Rouja Lazarova

« Ils avaient peur des fugueurs, de ces gens qui, au risque de leur vie, profitaient d'une pause-pipi du bus traversant l'Autriche pour courir se réfugier dans une ambassade occidentale, qui franchissaient les frontières en rampant dans des marécages et parfois y restaient, criblés de balles ; de ces gens dont la seule évasion désespérée témoignait de ce qu'était le régime. »

mausolee

Bulgarie, 1944. Peter, musicien de jazz, est convoqué au ministère de la guerre et disparaît soudainement. Sa compagne, Gaby, enceinte de neuf mois, est désespérée. Elle accouche d'une fille, Rada, déménage grâce à son frère, qui est un membre influent du parti, et se console dans les bras de Sacho le Violon, un ami du couple. A son tour, celui-ci disparaît en février 1964.

C'est un roman qui combine à merveille le sulfureux mélange de douceur et de force. Un roman qui raconte l'histoire d'hommes et de femmes dans la Bulgarie de 1944 à nos jours. Ce livre témoigne aussi du brutal changement de décor subi comme une douche froide lorsque le communisme s'est invité. Et c'est une population transie de peur, retranchée derrière ses barricades, impuissante et dégoûtée, paralysée dans ses envies, que l'on rencontre. Ils sont devenus des funambules du socialisme, car « c'est sur ce fil ténu de la subversion contenue, de la provocation s'arrêtant juste avant le danger, que beaucoup d'entre nous avons passé notre existence ».

Le livre évoque l'hypocrisie du régime, l'ambiguité d'être ou de ne pas être du parti, et donc de pouvoir tracer sa route selon ses aspirations. La population est vite prise entre deux feux, les intellectuels sont dénigrés, les voyages à l'étranger totalement proscrits, s'offrir une voiture devient un privilège rare et le fruit d'une longue tractation boursière avec l'Etat qui peut s'étaler sur une décennie, et j'en passe. Ce sont les petites vies de Gaby, sa fille Rada et sa petite-fille Milena qu'on suit particulièrement, et avec elles une montée de rebellion, de souffrance. A tour de rôle, elles sont nouées par la peur et en même temps elles transpirent de haine pour le régime qui dicte leur pays. Elles ne peuvent que subir leur triste sort, ce qui décuple leur colère.

Il y a une vraie histoire dans ce livre, qui adopte une juste dosage entre le didactique et le romanesque. Car ce n'est ni un document ni un roman historique, c'est un peu des deux, et plus encore. On s'attache très vite aux personnages, à nos trois générations de femmes, en plus des hommes de leur vie ou de leur belle-mère, oncle, cousin et camarade d'école. Il y a une évidence flagrante de l'énorme frustration qui sommeille en eux, sur le fait de ne pouvoir nourrir le moindre désir ou sur la mise en berne de l'éducation sexuelle. Nous sommes dans les années 80 et Milena est terrorisée de découvrir pour la première fois un film porno ! C'est une gamine maladroite et mal à l'aise dans son corps, au même âge sa mère avait été traumatisée par sa visite (imposée) du mausolée. Il s'agit en fait de l'édifice construit à Sofia pour y recueillir le corps embaumé du père de la révolution, Georgi Dimitrov. Un exemple de lubie héritée des dirigeants russes. Donc, lors de cette visite, Rada avait été effrayée par la vision des lèvres bleues du défunt exposé aux yeux de tous (on la comprend !).

Le roman évoque le climat de peur, mais ce serait injuste de le réduire à ce sentiment car il est vraiment passionnant à lire. On y découvre aussi de l'humour, de la tendresse, du chagrin, des élans amoureux, de la cocasserie, de la bêtise et d'autres états d'âme qui balisent une vie simple et ordinaire. Personnellement je me suis plongée dans cette lecture avec délectation, apprécié l'élégance de la plume de Rouja Lazarova (qui écrit en français dans le texte, chapeau !). J'ai découvert ce livre grâce au prix de la révélation littéraire auFeminin.com et je suis enchantée par leur sélection car elle a su véritablement mettre en lumière des VRAIES REVELATIONS LITTERAIRES ! Pour l'instant je ne suis pas déçue !

Flammarion, 2009 - 332 pages - 19€

Lu pour le prix de la révélation littéraire auFeminin.com   logo   
 

Posté par clarabel76 à 10:30:00 - - Commentaires [10] - Permalien [#]
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