11/05/09

Entre fleurs et violences ~ Viviane Campomar

entre_fleurs_et_violencesUne découverte reçue grâce à l'éditeur, d'un noir si bleu, sans lequel je serais probablement passée à côté...
C'est un très joli recueil de nouvelles, composé d'une dizaine de textes qui ont pour particularité de ne pas parler que de femmes. C'est admirablement écrit, je ne connaissais pas Viviane Campomar et cette révélation m'est encore plus précieuse.
Plusieurs nouvelles ont su me toucher, la première évoque Roseline qui se découvre une tumeur au sein et se fait tout un cinéma pour en discuter avec son compagnon, alias Raoul le Maboul.
C'est tendre, c'est touchant, c'est attendrissant. Le sourire se prête souvent à la grimace, les plus belles émotions surviennent en même temps que les questions.
Dans un autre texte, une jeune femme annonce son départ. Elle se réveille un matin et comprend qu'elle doit s'en aller. Il n'y a pas d'autre solution que l'Islande.
« Comment vous dire... l'intangible, l'irrationnelle fuite sans regard vers l'arrière. Vous dire cette lueur qui s'étouffait d'elle-même, se tarissait dans les méandres de mon sang. Cette respiration enfouie sous les sédiments successifs, ces crevasses de mots blessés, prêtes à s'écarteler. Vous dire combien la neige exhausse la fraîcheur des sentiments. Mais peut-être commencez-vous à comprendre que pour chacun, la lumière se joue dans le reflet de son Islande... »
Cet ouvrage est un cri des femmes et de leur droit au bonheur, à la maternité choisie, au besoin d'aimer et d'être aimée, de partir aussi. Ségolène privilégie sa carrière, Myriam écrit à sa fille abandonnée quinze ans auparavant, Adriana souffre de son ventre stérile et des brimades de son supérieur,  Madeleine est épuisée par les ronflements de son mari beaucoup trop irascible pour entendre la vérité...
« La routine, son lot d'esclandres pour des riens, la gavotte habituelle du bateleur... Les chaussettes ont eu droit à une nouvelle mise en scène : cette fois-ci, l'une d'elle était trouée, cette mauvaise qualité. Les bonnes femmes qui passent leur temps à flemmarder à la maison pourraient tout de même anticiper l'usure et renforcer la laine au niveau des orteils avant d'être amenées à repriser des trous, voyez-moi ça. »
Ce n'est pas facile de parler d'un recueil de nouvelles, mais j'espère que ces petits cailloux vous ont déjà tenté.
Un très bel ouvrage, à noter dans vos calepins...

D'un noir si bleu, 2009 - 200 pages - 16,50€

-> C'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour.

Albert Camus
Les Justes (1952)

Anecdote : Peu de temps après ma lecture, je suis tombée sur un film de Douglas Sirk, Le mirage de la vie, diffusé sur Arte dimanche soir. C'est l'histoire de deux femmes seules, une blanche et une noire, toutes deux mères. Elles se rencontrent sur une plage et décident de vivre ensemble et d'élever leurs filles sous le même toit. Leur vie n'est pas toujours rose, Lora est comédienne et rêve de gloire, elle sacrifiera l'éducation de sa fille à sa passion. Annie est noire, sa fille est métisse et blanche de peau, en grandissant celle-ci supportera de moins en moins ses origines et quittera la maison, ce qui brisera le coeur de sa mère. C'est un bon gros mélo flamboyant, qui évoque avec brio la féminité, la maternité et la confusion des sentiments. Le film met en avant la complexité d'être femme et d'être mère, avec son lot de frustrations, de regrets tardifs, d'efforts, de quêtes désespérées, d'inconscience et de bêtises. C'est une histoire sublime, très émouvante aussi (on y dénonce notamment le racisme et la société hypocrite qui conduit une pauvre idiote à rejeter ses racines, quitte à faire mourir de chagrin sa pauvre mère...). Bref, un bien beau film à connaître également. D'après moi, tout est lié !mirage_de_la_vie   

Posté par clarabel76 à 18:30:00 - - Commentaires [8] - Permalien [#]
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Cruelle ~ Celia Walden

Anna, 19 ans, quitte Londres pour aller travailler à Paris. Sûre de son charme, elle savoure sa liberté et se lie d'amitié avec Beth, son aînée de vingt ans. Quand Beth tombe amoureuse de Christian, Anna tente de mettre à l'épreuve leur attachement mais se retrouve confrontée aux pouvoirs destructeurs de la séduction.

cruelle

Anna a le charme, l'insolence et la fraîcheur d'une Cécile vue dans Bonjour tristesse. Le roman de Celia Walden n'est pas l'égal de celui de Françoise Sagan, toutefois on y retrouve une narratrice jeune, prête à tout, sûre d'elle et fine calculatrice pour atteindre ses objectifs. Dans Cruelle, Anna est jalouse de la liaison naissante entre Beth et Christian. Pour la première fois de sa vie, et depuis son arrivée à Paris, l'anglaise Anna est tombée sous le charme de la belle irlandaise de vingt ans son aînée, elle est fascinée par son aisance, sa grâce et son intelligence, Anna meurt d'envie de lui ressembler. Aussi, son amourette dérange. En son for intérieur, Anna veut comprendre, se faufiler et s'immiscer dans cette relation. « J’ai toujours pensé que si l’on croit pouvoir obtenir tout ce qu’on veut, en général, on l’obtient. »  Anna est effectivement une jolie fille, qui plaît aux hommes. Pourtant son allure juvénile cache un fond froid et déterminé, une absence totale de conscience... La suite de son plan lui apportera, un peu trop tard, ce qu'on nomme sagesse, maturité et regrets éternels.
Ce roman empreint de sensualité et de rouerie a pour cadre Paris la ville lumière, admirablement décrite, avec ses restaurants, ses boîtes branchées, ses soirées et ses musées, mais aussi ses petits jardins, ses coins et recoins perdus, invisibles à l'oeil nu. C'est magnifique. L'histoire se passe durant l'été, pendant la canicule. La sensualité y est exacerbée, à part égale avec l'innocence. C'est ce mélange d'émotions controversées qui me fait penser à Bonjour tristesse, avec la même issue fatale, cette affirmation lapidaire que, « Tu n'as pas le droit de t'emparer de ce qui peut être la raison de vivre d'une autre. »
Oui, ce premier roman est tout à fait charmant.
Et venimeux. Un peu à l'image de son auteur (journaliste au Daily Telegraph, chroniqueuse à Glamour, Vogue et GQ, elle apparaît régulièrement à la télévision et dans les pages people des magazines). Cf le cliché ci-dessous de la miss et son boyfriend, le sulfureux Piers Morgan... 

JC Lattès, 2009 - 314 pages - 20,90€
traduit de l'anglais par Denyse Beaulieu

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