Dix petits indiens ~ Sherman Alexie
10_18 , 2009 - 276 pages - 7,90€
traduit de l'anglais (USA) par Michel Lederer
J'aime beaucoup l'écriture de Sherman Alexie, je m'en suis aperçue en lisant son roman pour la jeunesse, Le premier qui pleure a perdu. Depuis, je n'avais pas renouvellé l'expérience même si je m'étais promis de ne pas en rester là. Ainsi, nos retrouvailles ont eu lieu sous le signe d'un recueil de nouvelles, Dix petits indiens. Neuf textes au compteur, pas seulement des petits bouts d'histoire jetés sur le tapis, non, ce sont des récits qui s'installent dans le temps, et qui donnent envie d'en avoir un peu plus, parce que le format de la nouvelle est adéquat pour picorer, mais c'est aussi terriblement frustrant pour qui s'attache et se retrouve le bec dans l'eau quand le point final arrive.
Bref, ce que j'aime chez Sherman Alexie c'est son style alerte, écriture fluide, sans fioritures, un ton humoristique, à la limite du sarcasme, l'auteur a un jugement implacable sur la société, et notamment sur la communauté indienne, il ne baigne pas dans le sentimentalisme et ne joue pas sur la corde sensible, laquelle voudrait qu'on s'apitoie sur ce peuple qui en a bavé dans le passé. Alexie n'y va pas avec le dos de la cuiller, et selon lui l'indien est aussi coupable de son état dépressif, de sa tendance à l'alcoolisme ou sa trop grande facilité à s'apitoyer sur son triste sort. Indien ou blanc, après tout, c'est le même combat pour survivre dans la jungle (hostile et urbaine !).
Comme bon nombre de lecteurs, j'ai beaucoup apprécié le premier texte de ce recueil, Moteur de recherche. C'est l'histoire d'une étudiante d'origine Spokane qui découvre dans les rayons de la bibliothèque universitaire un livre de poésie signé d'un auteur indien, totalement inconnu. Un Spokane ignoré de sa propre communauté ! ? Comment est-ce possible ? Corliss décide de partir à sa recherche. A noter que tous les amoureux des livres et la lecture y savoureront des passages qui leur parleront sans équivoque !
Un petit extrait, en passant, qui explique toute l'histoire de l'identité indienne résumée en quelques lignes :
« Corliss n'ignorait pas combien les Indiens sont obsédés par l'authenticité. Colonisés, exterminés, exilés, les Indiens avaient forgé leur identité en interrogeant l'identité des autres Indiens. Remplis de haine de soi et de doute, ils avaient fait de leurs tribus des sectes nationalistes. Mais peut-on nous reprocher notre folie ? se demandait Corliss. Nous sommes des gens exilés par d'autres exilés, par des puritains, des pèlerins, des protestants et tous ces autres cinglés de Blancs jetés hors de cette Europe plus cinglée encore. Nous qui étions jadis indigènes en ce pays, nous devons immigrer dans sa culture. »
Ce livre est un bon recueil truffé d'autodérision, de grands éclats et des petitesses attachés à notre société, avec des histoires drôles et dramatiques. J'ai bien aimé !
Sherman Alexie est un magicien de la langue et un virtuose de la narration, annonce Florence Lorrain sur Atout-Livre.