La mélodie des tuyaux ~ Benjamin Lacombe
Un conte musical écrit et illustré par Benjamin Lacombe
raconté par Olivia Ruiz
mis en musique par Alexis Vallois, Jean-Baptiste Marino et Xavier Pourcher
Seuil jeunesse, 2009 - 40 pages - 25€
C'est toujours un événement d'accueillir un album signé de Benjamin Lacombe ! J'ai volontairement squizzé tous les billets qui ont créé le buzz ces dernières semaines, en ne retenant que de maigres détails : c'est un conte musical et Olivia Ruiz figure au casting (cela a suffi pour tripler notre excitation car c'est une artiste que nous apprécions beaucoup).
Le reste, c'était motus. Je voulais la SURPRISE.
La Mélodie des Tuyaux est (sans surprise) un très, très bel album.
Les couleurs sont extraordinaires, le contraste entre la ville triste et terne où vit Alexandre, treize ans, et les couleurs chatoyantes du camp des gitans est flagrant.
Au début de l'histoire, Alexandre a le regard vide et le sourire éteint. Il sait qu'il n'aura pas d'autres choix, dans sa vie, que de travailler dans une usine minable, comme ses parents. Cette perspective ne l'enchante guère.
Mais l'arrivée des roulottes gitanes lui fait l'effet d'un électrochoc. Ce sont des cris, des rires, des physiques impressionnants qui sont autant de claques dans la figure. Alexandre est curieux, admiratif et peureux...
Jusqu'au jour où il va croiser la ravissante Elena.
« Elle avait le plus beau regard qu'il ait jamais croisé. Si beau qu'il ne put s'empêcher de baisser les yeux. Quand il les releva, elle avait disparu. Il la chercha du regard, en vain. »
La petite gitane va introduire Alexandre dans sa famille hors du commun, Frieda la femme à barbe, Mary et Anny les soeurs siamoises, Pipo, Juan et Esteban les lilliputiens, Félicie une pauvre petite qui n'avait ni bras ni jambes et circulait sur une crinoline à roulettes.
Et aussi, les musiciens...
« Derrière un rideau, un groupe d'hommes en noir aux longs cheveux chantaient dans une autre langue en grattant des guitares. Certains avaient de drôles de petits tambours entre les jambes. Deux vieilles dames avec de grandes robes à volants frappaient en rythme dans leurs mains. Une jeune femme dansait au milieu de l'assemblée. Grave et fière, elle tapait des pieds et tournait sur elle-même en levant les bras au ciel. »
Qui ne serait pas fasciné par un tel spectacle ? C'est une invitation pour s'échapper de sa grisaille ! Alexandre comprend qu'il était en train de s'effacer, sa vie ordinaire ne lui convient plus, il est attiré par ce monde de couleurs, d'odeurs, de sons et de chants... Et inversement, la musique s'impose à lui. La guitare épouse ses doigts, la mélodie devient sa maîtresse, le garçon se révèle doué et époustouflant. Sûr qu'il vient de trouver sa place !
L'histoire ne se termine pas là, puisque les parents d'Alexandre sont frileux et mettent des barrières pour emprisonner leur fils. Les gitans sont des voleurs de poules, il faut à tout prix les fuir pour empêcher qu'une mauvaise influence plante sa graine dans le corps et la tête du garçon. Serait-ce trop tard ? Alexandre sait qu'Elena doit bientôt repartir avec les siens, il lui a promis une chanson pour le soir de la dernière représentation.
Mais l'amour, l'amouuuuuur est plus fort que tout ! ... Simplement, l'histoire ne se résume pas à une bluette sentimentale. C'est avant tout un hymne à la liberté, à la création artistique, à l'émotion et l'éclosion des sentiments. A la tolérance, à l'écoute, à l'ouverture et au refus de la peur de l'autre (l'inconnu) et des préjugés.
Le format du livre est grand (27 x 39 cm), chaque page est soignée aux petits oignons, avec comme bonheur suprême des doubles pages pleines d'illustrations d'une beauté à couper le souffle. Un dernier petit mot concernant le cd, il dure approximativement 37 minutes, la voix d'Olivia Ruiz est calme et posée, l'ambiance au début est tristounette pour finalement éclater dans un festival de flamenco. La chanson d'Alexandre est même très émouvante !
A signaler, une exposition rétrospective à l'oeuvre de Benjamin Lacombe du 7 au 24 Octobre à la galerie Daniel Maghen (47 quai des grands augustins, paris 6°).