02/02/10

Du bleu. Encore du bleu. Du tout bleu. Et moi, bien sûr.

Attention, ça cogne, ça remue, ça fait mal, ça ouvre les yeux, ça ne vous lâche plus, ça vous poursuit, ça vous hante, ça vous hurle dans l'oreille, ça vous noue l'estomac, ça creuse une boule et ça vous donne à réfléchir.

Un_endroit_ou_se_cacher_de_Joyce_Carol_OatesUn endroit où se cacher de Joyce Carol Oates est un roman sur la perte, ce que c'est de grandir avec la perte, de grandir au-delà de la perte.
Jenna, quinze ans, est la miraculée d'un accident de voiture qui a coûté la vie de sa mère.
Jenna se sent coupable.
Elle tente de se rappeler les dernières minutes avant le crash, mais tout reste blanc. Fermé aux souvenirs.
Et puis il y a le bleu. La couleur de l'entre-deux, du coma, du bonheur illusoire, du soulagement par les médicaments.
Après le bleu, c'est le vif : la réalité avec l'absence, le manque, le remords, la douleur, la solitude.

C'est un roman que je trouve extrêmement difficile à évoquer. Un roman complexe, douloureux et qui raconte justement le désespoir d'une adolescente qui tente de vivre suite au décès de sa mère dans des circonstances dramatiques. Le roman est à la fois poétique, onirique, amer, désabusé, à l'image de sa narratrice qui va aller jusqu'au bout de sa souffrance. Quitte à prendre tous les risques.
Le roman est vraiment tout le contraire de ce qu'on pourrait attendre : des larmes, des regrets profonds, quelques bêtises pour prouver qu'on existe, puis le retour à la vie, retour à la normalité. Dans le fond, c'est vrai que ça se passe comme ça, mais c'est un roman signé Joyce Carol Oates, il ne faudrait pas se leurrer non plus. Le roman est tout sauf condescendant, mielleux, attendu, moralisateur. Il vous impose le malaise, la déroute, l'errance. Il introduit des personnages à la dérive, cabossés. Des marginaux qui n'ont parfois plus rien à perdre et qui ont déjà tant brûler leurs ailes. J'en ai des frissons dans le dos, c'est âpre, violent, sans équivoque.
Cela fait très mal à lire, c'est même lourd à encaisser et je suis sortie de cette lecture toute retournée.
Pourtant j'estime que c'est un livre nécessaire, parce qu'il n'épargne nullement aucun détail, sur l'adolescence, sur l'acceptation de soi, sur le chagrin, sur le deuil aussi, sur la culpabilité, sur les choix extrêmes et sur la pression constante, souvent bienveillante, qui parfois fait plus de tort que la plus grande indifférence.
C'est un texte qui vous laisse le coeur à vif, qui interpelle et ne vous quitte plus. C'est bon aussi d'être secouée dans sa lecture, de se sentir en vie après une telle claque.
Car, finalement, on trouve aussi de jolies choses dans ce roman, pas seulement des émotions qui mettent à plat, il y a également beaucoup d'authenticité, de la sensibilité (et non de la sensiblerie), des personnages tendres et généreux.
En extrait, ce passage qui résume très bien le message que tente de transmettre le roman :  Quand les gens entrent dans ta vie, il y a toujours une raison, vois-tu. Ils ne la connaissent peut-être pas eux-mêmes. Tu ne la connais peut-être pas toi-même. N'empêche qu'il y a une raison. Forcément.

Un endroit où se cacher ~ Joyce Carol Oates
Albin Michel, coll. Wiz, 2010 - 300 pages - 13,50€
traduit de l'anglais (USA) par Dorothée Zümstein
titre vo : After the Wreck, I Picked Myself Up, Spread My Wings, and Flew Away

=) Claire C. :  Elle est une des rares à savoir créer des personnages si parfaitement qu’on ne les oublie plus jamais.

 

Posté par clarabel76 à 17:30:00 - - Commentaires [46] - Permalien [#]
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A nous. Pour être aussi fa-bu-leu-ses. Sans moi !

Ne cherchez pas à comprendre la signification du titre. Je n'étais pas sous l'influence d'une substance qui aspire les neurones, j'étais tout simplement et pompeusement agacée parce que je venais de découvrir. Pfiou, il était temps de tourner la dernière page !
Rendons justice au roman de Jennifer Lynn Barnes, il saura parfaitement séduire les lectrices de 12-14 ans, pour ma part j'ai dépassé la limite (et au-delà mon ticket n'est plus valide). Débarrassez le plancher, madame la lectrice de 30 ans. Tattoo n'est pas pour vous.

Tattoo_de_Jennifer_Lynn_BarnesLe roman raconte l'histoire de quatre super copines, qui ont pour passe-temps, chaque vendredi après-midi, de se rendre au centre commercial pour faire du shopping. Ce jour-là, elles rencontrent une vendeuse aux yeux bleus envoûtants qui leur propose des bijoux et des tatouages à chacune d'entre elles. Ces babioles vont se révéler magiques, particulièrement les tatouages qui vont donner aux jeunes filles, selon leur personnalité, un don caché, comme la télépathie, la pyrokinésie, la capacité de changer la forme ou la couleur des objets, le pouvoir de lire l'avenir. Au début, c'est très drôle. Les filles s'amusent et exploitent leurs nouveaux pouvoirs magiques, mais la réalité reprend vite ses droits car en contrepartie elles vont devoir assumer une mission de très haute importance.
Magie, amitié, suspense sur fond fantastique, mythologie ancienne sont autant d'éléments brassés joyeusement dans ce roman. Tout est basique et très cliché, les personnages sont stéréotypés comme ce n'est pas permis (la pétillante, la timide, le garçon manqué, la maladroite), cela participe au charme de la lecture (pour moins de quinze ans !), l'intrigue est gentille, elle mousse juste ce qu'il faut au moment attendu, aucune grosse émotion n'est à prévoir et l'amitié est sauve, ouf !
L'histoire a d'ailleurs le bon goût de se conclure ainsi, sur cette belle et douce euphorie :
- Au tatouage de Bailey, déclare-t-elle. Faites que sa mère ne le découvre jamais !
- A la disparition d'Alecca, dit Annabelle.
- A nous, complète Delia. Pour être aussi fa-bu-leu-ses.
Je réprime un sourire, et nous trinquons dans l'air en dansant. Certaines choses ne changeront jamais.

Ce livre fait maintenant le bonheur de ma fille, qui sourit béatement face à de telles réparties :
A l'instant où mon regard plonge dans le sien, ma langue semble frappée de paralysie... Ce qui n'est pas plus mal, étant donné que mon cerveau vient de subir un black-out total.
Kane Lawson, beau à croquer. Beau à tomber. Beau à hurler.
- Merci, bredouillé-je en tentant d'émettre des syllabes intelligibles, l'esprit pétrifié par tant de beauté masculine.
Urgence, urgence, résonne mon alarme interne. Doit former phrase cohérente.
- Qu'est-ce que vous faites là, les garçons ? demande Delia avec son talent légendaire pour trouver les mots justes, surtout en présence de membres du sexe opposé.
" Les garçons "... Pourquoi ce pluriel ? Un peu surprise, je regarde derrière l'épaule de Kane et aperçois deux de ses copains. Beaux à tomber, puissance 3.
- On se balade, lui répond Kane, sa main toujours posée sur la mienne. Tu te sens bien ? me demande-t-il.
Moi ? Non, pas vraiment. Conduisez-moi plutôt aux urgences, section "moments de honte fatale".
- Je...
En l'absence d'un cerveau en état de marche, difficile de trouver le mot juste.
- "Vais bien" ? me souffle Zo.
- Je vais bien, dis-je platement.
Je hoche vigoureusement la tête, histoire de faire bonne mesure, comme si ce simple geste suffisait à atténuer mon image de débile profonde.
Contrairement à Delia, qui tombe amoureuse environ toutes les semaines, je n'ai connu que deux grandes passions dans ma vie. La première, c'était ce garçon aux boucles châtaines quand j'étais au jardin d'enfants. La seconde, c'est Kane.

Tattoo ~ Jennifer Lynn Barnes
Albin Michel , coll. Wiz, 2010 - 288 pages - 13,50€
traduit de l'anglais (USA) par Nathalie Peronny

Un deuxième livre a déjà paru aux USA, sous le titre de Fate.

 

Posté par clarabel76 à 10:30:00 - - Commentaires [22] - Permalien [#]
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