Mon bel amour...
Ce roman avait été préalablement publié en 2004 en collection poche. Il s'offre aujourd'hui un format plus confortable, une couverture plus romantique pour une histoire qui ne devrait pas décevoir les jeunes lecteurs. Par contre, le plaisir procuré demeurera succinct et fugace. Ce livre se lit effectivement en deux heures à tout casser. Son histoire est émouvante, elle raconte une histoire d'amour entre Elisha et Miah dans un New York contemporain et compartimenté par ses quartiers, bien souvent selon la couleur de peau. Elisha est blanche, de confession juive et vit à Manhattan. Miah est noir, habite Brooklyn et est le rejeton de deux sommités intellectuelles. C'est finalement la conjugaison de leurs deux solitudes qui va rapprocher nos adolescents, au détour d'un couloir de leur école privée. Leur rencontre a eu lieu sur un coup de foudre. Le temps d'un automne, Miah et Elisha vont donc s'aimer. Comme la plus belle des évidences. Et braver les regards des passants, leurs propres aprioris et les jugements de leur famille.
En fait, il ne se passe pas de réel conflit, pas de gros clash à la Love Story (d'Erich Segal) mais on ressent toute l'amertume des deux protagonistes via l'alternance de leurs points de vue, chapitre après chapitre. Ce n'est pas lourd, juste poignant et terriblement romantique. Un vrai mélo, en somme. Le roman se boucle même hâtivement, nous laissant une impression d'être passé à côté de quelque chose, sans pouvoir le nommer. C'était là, on était à deux doigts, et puis c'est déjà fini. Trop bref, trop furtif, trop insaisissable. L'histoire d'amour est également trop convenue, elle ne sert de prétexte que pour aborder la question des différences et mettre en avant la très touchante réflexion psychologique que Miah et Elisha sont amenés à produire. Par contre la relation des enfants avec leurs parents m'est apparue originale, même si peu crédible. C'est toutefois ce qui a su me plaire et m'intriguer dans ce livre.
Mon bel amour... ~ Jacqueline Woodson
Hachette (2010 pour la présente édition) - 240 pages - 12€
traduit de l'anglais (USA) par Luc Rigoureau
Leaving Paradise
L'histoire réunit deux adolescents - Caleb et Maggie - qui se connaissent depuis toujours, ils sont voisins, ont grandi ensemble, la jumelle du garçon est aussi la meilleure amie de la jeune fille. Et puis, un soir, tout bascule. Caleb, ivre, prend le volant de sa voiture, renverse Maggie en chemin, fait demi-tour en abandonnant son corps meurtri sur le bas-côté. Il sera arrêté, envoyé dans un centre de détention pour mineurs, tandis que Maggie engage son propre combat pour remarcher.
Un an a passé, Caleb reçoit son autorisation de sortie. Maggie est écoeurée. Elle a gardé de profondes séquelles de l'accident, en plus des cicatrices sur sa jambe, elle boîte, a renoncé au tennis, ses camarades la traitent comme une pestiférée. Sa vie est fichue, par la faute de Caleb, qu'importe ses vieux sentiments à son égard, aujourd'hui elle le déteste, panique rien qu'à l'idée de le revoir, se sent misérable et encore plus désireuse de quitter Paradise, sa petite ville natale, pour étudier en Espagne.
Néanmoins, le retour de Caleb implique aussi que le garçon doit affronter son passé, renouer avec ses copains, retrouver sa petite amie, reprendre le lycée, affronter sa famille totalement ravagée et revoir Maggie. Pendant longtemps, le roman nous montre l'étendue des dégâts. C'est long, poignant, assez lourd. Et puis, Maggie et Caleb vont travailler ensemble chez une vieille dame excentrique. Peu à peu, l'amitié va renaître. Tous deux réalisent avec stupeur qu'en plus du poids de la culpabilité ils sont seuls face à eux-mêmes, pire, ils se comprennent, se font confiance et tombent amoureux l'un de l'autre. Mais alors là, si vous attendiez une bluette facile et papillonnante, vous risqueriez d'être déçues !
C'est une histoire plus profonde, plus sensible et plus touchante. Un puits sans fond de douleur, de remords, de non-dits, de culpabilité. Je sentais mon estomac se nouer alors que je suivais l'histoire impossible entre Caleb et Maggie, je tombais des nues en tournant les pages, surtout lorsqu'une certaine révélation nous explose en pleine figure, et puis tous ces noeuds impossibles à délier, la somme des tourments qui pèsent dans le coeur des protagonistes et de leurs proches. C'est une histoire douce-amère, qui nous accompagne longtemps après la dernière page tournée.
J'ai envie de conseiller cette lecture à toutes celles qui sont allergiques aux histoires trop romantiques et cousues de clichés. C'est un roman assez inattendu, bouleversant et qui se termine sur un déchirement. La suite - Return to Paradise - est d'ailleurs espérée en septembre prochain.
Leaving Paradise / Simone Elkeles