Pêle-Mêle Clarabel #5
Est-ce qu'il vaut mieux garder une amie malheureuse près de soi, ou est-ce qu'il vaut mieux la savoir heureuse à l'autre bout du monde ?
C'est la question que se pose Youyou la tortue quand, à l'approche de l'automne, son amie l'hirondelle prépare son prochain départ. Youyou n'a pas très envie de voir Coline partir sans elle. Ce n'est pas par pur égoïsme, car l'amitié qui les lie est sincère et très forte. Il faut donc trouver une solution qui conviendra à toutes les deux, mais avant cela, elles vont de maladresse en maladresse, se froissent et se vexent. Les questions vont et viennent, apportant beaucoup de douceur et de vérité au texte. Le lecteur est admiratif, il s'interroge à son tour sur ce qu'est l'amitié, la séparation, sur ce qui est bon pour l'une et pas forcément pour l'autre. C'est un formidable album au message délicat, merci Alex Cousseau pour avoir su distiller tendresse, poésie, tristesse et bonheur dans ce texte magnifique !
Les illustrations, en parfaite osmose, sont de Chiaki Miyamoto.
Coline, d'Alex Cousseau & Chiaki Miyamoto
éditions Sarbacane (2010) - 13,50€
Coline arrache l'une de ses plumes et l'offre à son amie :
- Tiens, dit-elle. Cette plume, c'est un peu de moi. Tu ne t'envoleras pas avec, mais tu peux la garder près de ton coeur jusqu'à ce que je revienne.
Youyou glisse la plume dans sa poche.
- C'est juste une plume, soupire la tortue. Dans ma poche je te voudrais toi toute entière... Ou alors je voudrais remplir ma poche avec plein de choses à toi.
Encore une découverte des éditions Sarbacane, plutôt originale :
L'étrange projet de monsieur G. est un album dont les illustrations ne sont pas sans vous rappeler l'esprit des Shadoks ! Cela lui donne beaucoup de charme, de quoi taquiner la fibre nostalgique, personnellement j'ai beaucoup aimé. Heureusement l'histoire est également une vraie réussite. C'est l'histoire d'un village en plein désert, d'un monsieur qui plante un bulbe sous les yeux ébahis de ses camarades et d'une superbe création florale qu'il est absolument interdit de toucher. Pourquoi ? Car Monsieur G. a rêvé de cet instant : le concerto pour mille oiseaux et une fleur, au coeur du désert. De quoi vous rendre muets d'admiration.
Je me répète, mais vraiment j'ai été totalement séduite par cet album.
L'étrange projet de monsieur G., de Gustavo Roldan
éditions Sarbacane (2010) - 10€
L'amour me fuit, de Thomas Gornet
Un joli, joli, mais vraiment joli moment que voilà ! Le roman de Thomas Gornet est une petite douceur au pays de la déprime post-rentrée, et même si on parle d'école, de sixième, de primaire et de piscine, on le trouve malgré tout sensationnel !
Zouz entre en sixième, mais ce n'est pas la joie. Depuis quelques temps, il traîne une mine de déterré, de celle dont on devine la source des tourments, car Zouz souffre d'un chagrin d'amour ! Il n'y a pas d'âge pour aimer, moi je vous le dis, et ce petit roman vous enseigne la même chose. C'est doux, c'est joli et ça laisse une gentille impression de tendresse. Pourtant, ça ne masque pas le malaise, lorsqu'on découvre, comme lui, que Zouz est témoin de son naufrage sentimental, ça fait mal de voir celle qu'il aime lui tourner le dos et lui préférer un autre, mais c'est la vie.
J'ai trouvé ce livre riche de petits bouts de phrases incroyablement justes, saisissantes et intelligentes. Zouz est un narrateur d'une grande maturité (après tout, sa vie familiale a été mise sens dessus dessous aussi, le gamin a grandi plus vite que la normale), il porte un regard noble et réfléchi sur tout ce qui l'entoure : l'homosexualité de son frère, le départ inexpliqué de sa mère, l'absence du père, et cet amour fou et vertigineux qui lui noue le coeur et l'estomac. C'est un support inestimable pour les adultes et pour les jeunes lecteurs, pour ceux qui en ont l'âge ou plus du tout, car le message s'adresse un peu à tout le monde : aimer, désaimer, comprendre le pourquoi du comment, et même parfois il n'y a pas d'explication, c'est comme ça, on appelle aussi autrement ce sentiment, et on décortique ce qu'est le chagrin d'amour !
Le ton flirte souvent entre la maturité et la simplicité d'un môme qui est sur le point d'entrer dans la cour des grands, j'ai bien aimé ce mélange, et cette façon de ne pas se prendre au sérieux, parce que, après tout, "C'est moi, c'est un enfant, assis sur un banc. Elle s'arrête là, mon histoire, parce qu'on est aujourd'hui et que, aujourd'hui, il ne se passe rien de plus."
Voilà tout.
Neuf de l'école des loisirs (2010) - 140 pages - 8,50€