Un mec qui s'exprime comme dans un roman de Jane Austen devrait recevoir une médaille, pas se faire traiter de débile !
A quinze ans, Jess Jordan n'est pas tendre avec elle-même : elle est charmante mais cinglée, a un gros cul et les oreilles en chou-fleur, elle voudrait que Ben Jones (un soupçon de Leonardo di Caprio, une pincée de prince William, une touche de Brad Pitt) craque pour elle, se demande encore pourquoi elle est incapable de détester sa meilleure amie Flora, trop belle, trop canon, trop intelligente, et serine Fred, son autre meilleur ami, de couper ses cheveux qui lui tombent dans le cou.
La vie de Jess Jordan est une vie d'ado comme toutes les autres. On y parle de béguins naissants, de conflits d'intérêt, de chamailleries et de réconciliations, de mensonges éhontés, de devoirs d'école, d'autorité parentale inexistante, mais de parents non moins présents, originaux et délirants dans leur genre, d'une grand-mère qui s'invite sans crier gare, d'une chambre spoliée, d'une soirée qui tourne à la catastrophe, de fausse poitrine qui sent bon le minestrone, d'un accident de parcours, d'une caméra cachée dans les toilettes (les goujats), d'un groupe de rock qui chante comme des canards, des révélations sentimentales, d'un garçon qui parle comme dans un livre de Jane Austen, d'un Apollon éteint et encombrant, d'un déclic et de grandes décisions à prendre (après d'âpres tractations).
- Es-tu en train de dire que... tu as envie de sortir avec moi ?
- Ouais, pourquoi pas ? Rassure-toi, ce n'est pas une demande en mariage. Ce n'est pas mon genre, fit-il très vite.
- T'inquiète pas, moi non plus. Je préférerais me perdre dans le désert de Gobi et être livrée aux suricates plutôt que me marier avec toi.
- Tout à fait d'accord. Je préférerais être plongé dans un bain de friture et me faire dévorer que d'être marié à toi ne serait-ce qu'une seconde.
- Dans ce cas, tout est très clair.
Jess Jordan est une héroïne qui manque parfois de perspicacité, mais qui n'est jamais en manque d'humour (ce n'est pas un hasard si elle rêve d'être comique plus tard !). C'est irrésistible et rafraîchissant, le genre de lecture homéopathique qu'on aime lire de temps en temps, et l'effet désiré ne loupe pas : deux bonnes louchées plus tard, on se bidonne comme des dindes. N'hésitez pas à poursuivre l'aventure avec 16 ans ou presque, torture absolue (à paraître en Scripto en février 2011) et 15 ans Welcome to England !
15 ans, charmante mais cinglée - Sue Limb
Gallimard jeunesse, coll. Scripto (2010) - 272 pages - 9,50€
traduit de l'anglais par Laetitia Devaux
illustration couverture : Soledad Bravi
Madame la présidente
Je me suis encore trompée dans l'ordre de la série, et j'ai lu Madame la présidente avant Une erreur judiciaire. Il aurait été appréciable de faire connaissance avec Vik et Stubo dans les règles de l'art, mais tant pis ! Ce livre m'a déjà confirmé que j'y reviendrai car la rencontre a été belle, touchante, délicate et prometteuse.
Mais avant de se perdre en courbettes, il faut rappeller l'intrigue du roman. La présidente des Etats-Unis, en visite à Oslo, a mystérieusement disparu. Aucune trace des ravisseurs. Aucune explication rationnelle. C'est le mystère de la chambre jaune ! Personne n'a rien vu, rien entendu, nul n'est entré ou n'est sorti de la pièce.
Les Etats-Unis envoient leur profiler de choc, Warren Scifford, lequel demande à travailler avec Yngvar Stubo, un choix peu anodin. En l'apprenant, Inger Johanne Vik pique sa crise de nerfs. Si jamais il accepte, elle le quitte.
Ouhlala. Cela ne rigole pas et notre petit couple va connaître le creux de la vague. Et qu'est-ce que c'est bien ! Voilà ce qui me fait apprécier ce genre de romans policiers, lorsqu'on suit les personnages dans leur intimité, lorsqu'on s'attache à eux et lorsqu'on a le sentiment de vivre leurs vies à leurs côtés. Quand Inger Johanne pleure de rage, refuse de confier à son compagnon ce secret qui la pèse, forcément on a du mal pour elle et pour lui.
J'ai très, TRES envie de faire un bout de chemin avec eux.
En marge, l'intrigue policière se déroule avec maestria. C'est un noeud politique, trempé dans les aspérités de l'espionnage et du terrorisme. Au début, j'ai eu un peu de mal à me familiariser, il y a toute une galerie de personnages de divers horizons, des histoires personnelles et des secrets qui s'accumulent. Néanmoins la fin est plutôt bien amenée, je suis sortie de ma lecture pleinement satisfaite.
Madame la présidente (Une enquête de Vik et Stubo) - Anne Holt
Points, coll. Policier (2010) - 479 pages - 7,80€
traduit du norvégien par Alex Fouillet