Daylight saving
La couverture vous inspire très certainement une sensation d'étrangeté et de malaise, et vous avez bien raison de vous y conforter. Car ce roman est très particulier, c'est l'histoire d'un père et son fils en vacances dans un centre de loisirs au cadre aseptisé (la piscine est sous bulle, par exemple). C'est un duo en perdition, la mère a mis les voiles quelques mois plus tôt, depuis le père noie son désarroi dans l'alcool et le garçon n'a aucun aplomb (il est en léger surpoids mais le vit comme une honte indélébile).
A Leisure World, Daniel rencontre Lexi, une adolescente fuyante et forcément mystérieuse. Daniel a envie de la connaître et gagne sa confiance, mais plus il découvre des facettes de sa personnalité, plus il réalise qu'il devient le témoin de faits troublants, comme des marques de torture physique sur son corps. Daniel est un peu paumé, nous aussi.
C'est fascinant comme ce petit roman parvient à capter notre intérêt en nous entraînant dans cette histoire au parfum étrange flirtant entre fantastique et psychologie. L'atmosphère est pesante, pour ne pas dire dérangeante. On sent venir à tout instant le basculement vers l'horreur ou le drame, tant la tension est palpable. J'avais un arrière-goût d'amertume dans la bouche, et pourtant je n'ai jamais cessé de tourner les pages du livre pour connaître le fin mot de l'histoire, j'étais prise dans l'engrenage, c'est tenace, pas désagréable finalement, car le rythme est vif et le dénouement foudroyant, vous avalant d'une traite avant de vous recracher pour vous permettre de respirer. Et c'est avec un grand soulagement que vous tournez la dernière page !
Une expérience de lecture mémorable, pas forcément originale, mais juste efficace parce qu'elle ne laisse pas dans l'indifférence.
La nuit de la 25e heure, par Edward Hogan
(Les Grandes Personnes), éd. 2012 - traduit de l'anglais par Valérie Le Plouhinec
illustration de couverture : Jean-François Martin
Voleurs d'âmes
C'est probablement lié au fait d'avoir récemment revu Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock que j'ai été saisie par cette lecture, dont l'atmosphère se cantonne aux frontières de la terreur. Nous sommes dans un petit village, où les habitants vivent dans l'angoisse. Leurs ennemis sont des oiseaux noirs, qui surgissent de nulle part et sèment la panique en volant les âmes. L'histoire bascule au moment où Arno, le héros, voit son cousin Bern s'effondrer sous ses yeux. Le garçon est anéanti et porte en lui la responsabilité de cette tragédie. Alors il décide de quitter le village pour se rendre dans les montagnes et comprendre l'origine de cette malédiction. Il a l'intention de la briser, afin de rendre la paix et la tranquillité aux villageois. En chemin, il fait la connaissance d'une jeune femme avec un bébé, Clara. Leurs parcours trouvent des résonances proches, ainsi ils décident de faire un bout de route ensemble.
Faustina Fiore, habituée à traduire les histoires des autres, se lance pour la première fois dans l'aventure de la fiction en nous livrant un univers sombre, étouffant mais percutant. C'est un joli coup d'essai, qui ne manquera pas d'impressionner les plus jeunes.
Les oiseaux noirs, par Faustina Fiore
Casterman, 2012 - illustration de couverture : Cali Rezo
Yok-Yok et la tulipe
La tulipe rouge est la fleur préférée de Yok-Yok, elle ressemble à son chapeau. Pour faire partager sa passion à Noire la Souris et Josée la Chenille, Yok-Yok va leur raconter l'extraordinaire histoire de cette fleur venue des confins de l'Himalaya jusqu'en Turquie, puis en Hollande. C'est dans ce pays que la folie des tulipes a atteind des sommets : un oignon rare pouvait être aussi cher qu'une belle maison ! Depuis, la Hollande est toujours le pays des tulipes et en ce doux mois de mai Yok-Yok invite ses amies à le visiter.
Bizarrement je n'adhère pas toujours à la collection Yok-Yok, mais cet album-là a su remporter toute ma sympathie parce qu'il est question de tulipe (ma fleur préférée) et parce que les illustrations et les couleurs opèrent un charme radical. Je connaissais déjà l'histoire de la tulipe via une lecture plus ancienne (Le peintre des vanités, de Deborah Moggach). Aussi j'ai trouvé très intéressant d'apporter cette connaissance aux enfants, qui ne contempleront plus un champ de tulipes, ou un simple bouquet, avec le même regard.
UNE LECTURE POETIQUE, AVEC BEAUCOUP DE CHARME ET UN PEU DE PEDAGOGIE, EN PLUS D'UN GRAPHISME RAVISSANT.
Yok-Yok et la tulipe, par Etienne Delessert (Gallimard jeunesse, coll. Giboulées, 2012)