Je me demande combien de femmes rêvent la nuit d'un homme qui viendrait les délivrer.
Imagine un peu ces rêves comme des bulles roses en forme de coeur qui s'élèveraient au-dessus des maisons, en tournoyant autour des têtes des femmes qui serrent leurs oreillers sur leur poitrine... C'est une vraie tragédie qu'aujourd'hui encore des femmes puissent se sentir prises au piège.
Tout commence assez naïvement : Georgie écrit à son acteur préféré, et lorsqu'elle reçoit une réponse, elle est folle de joie et continue de lui raconter sa vie en le bombardant de messages. Puis, elle découvre que ce n'est pas la personne qu'elle imaginait, que cette personne n'en est pas moins attentive et délicate, qu'elle a pris l'initiative de lui révéler le pot-aux-roses car les mails de la jeune fille la touchent profondément.
Et il faut dire que la vie de Georgie n'est pas gaie. Son papa est décédé, sa mère a refait sa vie avec un type brutal, Georgie a obligation de veiller sur sa petite soeur sans jamais avoir de temps pour elle, alors qu'elle aimerait, par exemple, assister à l'atelier théâtre en ville, car jouer la comédie et chanter sur scène sont pour elle deux passions.
Très vite, il apparaît que sa correspondance avec Nan sert aussi d'exutoire car la jeune fille est submergée par les émotions, tour à tour elle vit des choses merveilleuses, contrebalancées par une réalité sordide et souvent injuste (sa mère est passive, son beau-père est une ordure, et puis sa meilleure amie se comporte en peste depuis que le garçon qui lui plaît semble davantage intéressée par Georgie). Bref, c'est la valse des sentiments et des passions !
Et bizarrement, les messages de Georgie ont aussi une utilité pour Nan qui vit un deuil difficile et qui va s'en sortir grâce à l'éternel optimisme de l'adolescente. Souvent confrontée au pire, Georgie a développé une volonté de fer, et c'est tout à son honneur car son histoire force l'admiration !
C'est donc un chouette petit roman, dont l'histoire est exclusivement composée de mails, qui raconte une rencontre improbable à partir de laquelle va naître un jolie connivence qui servira également de levier à deux personnalités, totalement différentes de prime abord, et qui pourtant vont s'avouer complémentaires. C'est aussi une histoire qui met à l'honneur la confiance, l'optimisme et l'espoir sur fond tristounet mais pas désespéré.
Une découverte pleine de sincérité et d'émotions.
Cher Dylan, par Siobhan Curham
Flammarion, coll. Tribal, 2012 - traduction de Marie Hermet
The Name of the Star
Débarquant de sa Louisiane natale, Rory compte profiter de son année scolaire pour parcourir la ville de Londres. Mais au même moment, un crime horrible vient d'être commis pas loin de son école, un crime dont la mise en scène n'est pas sans rappeler les actes du célèbre Jack the Ripper. Rory fait peu de cas de cette affaire et de la presse, à la place elle se familiarise avec sa nouvelle vie à Wexford, son pensionnat anglais. Et c'est son train-train quotidien qu'on suit avec moult détails, non dénués d'intérêt bien sûr.
Très clairement, ce roman apparaît faussement monotone, chuchotant une bande sonore envoûtante, très discrète, et qui confirme l'idée que l'ambiance n'est pas qu'anodine, mais sombre et flippante. L'enquête criminelle à laquelle Rory va joindre sa participation bien malgré elle occupe peu à peu le terrain, sans toutefois crever l'écran, j'ai particulièrement aimé cette façon de faire, en distillant les indices, en plaçant délicatement les pions sur la carte, le reste n'est qu'attente. On a aussi un roman très adolescent dans l'esprit, avec des préoccupations toutes simples, comme le fait de se retrouver nouvelle ou étrangère à l'école, de bûcher ses leçons, de sortir entre amis ou d'avoir un béguin pour un garçon. Pas de romance au programme, ce n'est pas un mal non plus.
Ce roman a décidément beaucoup de choses à partager, et à faire découvrir. Le mieux, c'est d'accepter de suivre le rythme nonchalant, de glisser ses pas dans ceux de Rory, une héroïne en apparence ordinaire, qui va se découvrir des facultés qui risquent de tout bouleverser. D'ailleurs, plus on avance dans l'histoire, et plus on quitte la sphère du laisser-faire pour entrer dans une gamme plus fantastique. C'est surprenant, mais très bien amené. Maureen Johnson prouve ici qu'elle sait raconter des histoires et se renouveler. C'est en effet très différent des lectures, aussi plaisantes soient-elles, de Suite Scarlett ou 13 Little Blue Envelopes. C'est ensorcelant, c'est mystérieux et c'est totalement dépaysant.
Hantée, tome 1 : Les Ombres de la ville, par Maureen Johnson
éd. Michel Lafon, 2012 - traduction de Maud Desurvire