J'avais tant de rêves dans la tête...
C'est vrai qu'en tournant la dernière page de ce livre, on se dit instinctivement qu'on vient de lire un témoignage bouleversant sur la destinée des Kumaris, ces petites filles enlevées à leur famille dès leur plus jeune âge afin d'incarner la déesse, sauf qu'à l'adolescence celles-ci étaient abandonnées, livrées à elles-mêmes, sans éducation, ni expérience de la vraie vie. Une pure déchéance, donc.
Et puis on réalise que c'est aussi l'histoire d'une adolescente de 16 ans, Marie, qui a grandi seule avec sa mère, sans jamais connaître ses racines. De ce manque de famille est venu un besoin de s'accrocher à des rêves, à une culture népalaise dont Marie était si fière, si curieuse et si étrangère aussi... Cela a toujours constitué une bataille entre la fille et la mère, puisque celle-ci est fâchée avec ses parents et qu'elle a rejeté ses souches, interdisant ainsi à sa propre fille de tomber dans un rêve éveillé.
Mais Marie est tenace, sauf qu'en découvrant l'histoire de sa grand-mère, ce sera comme un électrochoc, surtout qu'elle avait tant fantasmé sur ses origines. Cette lecture est riche en multiples bouleversements et autres révélations que Annelise Heurtier nous offre. C'est sans conteste un roman prenant, poétique et sensible, autour d'une héroïne très attachante. J'ai adoré.
Le carnet rouge, par Annelise Heurtier
Casterman, 2011 - illustration & graphisme : Djhor
Dans la gueule du Tigre.
De retour en Chine, en 1960, la famille de Gangming s'installe dans une province reculée du pays, après avoir cru que le nouveau poste de travail du père les rapprocherait des grands-parents, près de la mer. La famille ne cesse de déchanter en découvrant le confort rudimentaire de leur habitation (sans eau courante), mais très vite la convivialité du lieu leur redonne courage.
Le garçon se lie d'amitié avec Taisen, une fillette de sept ans, qui a grandi à Kunming et n'a jamais bougé de là. Elle est passionnée de danse, curieuse et intrépide. C'est seulement au sortir de l'enfance que les choses vont se compliquer : la révolution culturelle frappe la Chine, les idées bougent, les mentalités changent, la politique entre en action, Gangming va être attiré par ces faux-semblants tandis que Taisen va se braquer.
Les années vont passer et les deux amis vont s'éloigner. C'est en offrant une double vision de leur parcours qu'on se rend compte de tous les possibles de cette Chine Maoïste, à travers l'aveuglement du garçon et le sens critique de la jeune fille. C'est très instructif comme témoignage, les exemples sont nombreux et s'appuient sur la vie quotidienne de deux adolescents et leurs proches. On découvre alors une période de chaos, durant laquelle la paranoïa a fait son nid, avec pour conséquence des dénonciations, des brimades, des embrigadements forcés...
C'est un roman très intéressant à étudier, notamment sur l'aspect politique et historique de la Chine des années 60, à travers une histoire simple et proche de la réalité, puisque l'auteur s'est inspirée de l'histoire d'un ami pour rédiger son livre.
La vie en rouge, par Anne Thiollier
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2009
Où il est question de l'amour des livres et de la lecture.
Juan passe ses vacances chez son vieil oncle Tito, considéré excentrique parce qu'il vit seul dans une maison remplie de livres. C'est un vrai labyrinthe où on ne fait que s'y perdre ! Juan ne doit d'ailleurs jamais quitter sa clochette pour retrouver son chemin. Lui qui préfère la télévision à la lecture, il est servi.
Le garçon est également préoccupé par sa mère qui digère mal son divorce. Son arrivée chez l'oncle Tito va cependant lui révéler son potentiel insoupçonné de lecteur d'exception. A son contact, les livres sont attirés par lui, ils veulent être lus, compris, sentis. Car le monde des livres est un univers incroyable, où les ouvrages n'en font qu'à leur tête, vont et viennent, se cachent en attendant le bon moment ou le bon lecteur.
Il y a vraiment d'étonnantes théories dans ce livre, des réflexions qui font sourire, car forcément elles nous parlent aussi ! ;) Dans l'intervalle, Juan va tomber amoureux et réaliser encore une fois que les livres peuvent le surprendre, s'adapter à ceux qui les parcourent ou les choisissent. Très honnêtement, ce roman évoque avec délice le plaisir de la lecture en des termes enchanteurs et ô combien véridiques ! C'est une jolie découverte, à saisir si jamais ce livre croise votre chemin.
Le livre sauvage, par Juan Villoro
Bayard jeunesse, coll. Estampille, 2011 - traduit de l'espagnol (Mexique) par Isabelle Gugnon
illustration de couverture : Zara Picken