Mais quel est son secret ?
Après la fin de la guerre, à Moscou, la maman de Nina Volkovitch est arrêtée par des hommes en noir tandis que la jeune fille est envoyée dans un orphelinat. A quinze ans, celle-ci paraît aussi chétive qu'une enfant de huit ans. Elle a cessé de grandir et grossir pendant les années difficiles. Considérée comme une fille de traîtres, Nina s'endurcit et attend son heure pour s'enfuir et retrouver sa mère.
Ce roman est le premier tome d'une trilogie (parution rapprochée de la suite), et il ne laisse absolument rien filtrer de ses mystères. C'est ce qui m'a particulièrement séduite, en plus de son atmosphère quelque peu sordide et frileuse, nous sommes dans l'Union Soviétique de Staline, on y découvre les magouilles politiques, les traitements scandaleux infligés à ceux qui ne se montraient pas dignes du Parti, et il y a aussi l'influence artistique, notamment avec la peinture, qui tisse ses liens avec les ressorts cachés de la trame romanesque. La maman de Nina travaillait au musée d'art où elle s'opposait aux mesures drastiques du régime. Concernant son papa, on ignore encore où il est, ce qu'il est, mais cela fait partie de l'intrigue. Je vous laisse découvrir ce qui attend Nina, laissez-vous porter par son aventure fabuleuse et mystérieuse. Impossible de ne pas être tenue en haleine par son épopée !
Je tenais aussi à souligner le remarquable travail d'esthétisme sur l'ouvrage (couverture et liseré doré sur les pages). Quelque part, ce roman a fait naître le même enthousiasme qu'avait su susciter une lecture comme celle de Méto d'Yves Grevet. Vraiment une formidable découverte littéraire, à vous conseiller chaleureusement.
Nina Volkovitch, tome 1 : La Lignée, par Carole Trébor
Gulf Stream éditeur, 2012 - illustration 1ère de couv : Cali Rezo
“She'd survived the outside. (...) Whatever came next, she would survive it, too.”
NEVER SKY est un roman que je souhaitais depuis longtemps découvrir, j'anticipais déjà un véritable plaisir de lecture. Hélas, le résultat n'a pas été à la hauteur de mes attentes. Tout d'abord, le début est laborieux. Sans mentir, il ne faut pas moins de 100 pages pour se familiariser avec les lieux, les données technologiques (trop nombreuses), l'apparition de nouveaux personnages, leurs motivations et leurs personnalités, qui ne sont guère brillantes au premier aspect.
L'idée, c'est qu'une partie des Humains vivent dans des Capsules pour se protéger de l'Ether qui flotte dans les Airs. Ce sont les Sédentaires. Aria est la fille d'une éminente scientifique, mais celle-ci a mystérieusement disparu. La jeune fille accepte alors de braver les interdictions en suivant un groupe de copains, dont le fils du Supérieur, mais l'aventure tourne à la catastrophe. Suite à cela, Aria est envoyée en exil.
Elle se retrouve seule, paumée, sur des terres inconnues. Celles des Sauvages. C'est sûr qu'elle ne va pas survivre longtemps, mais voilà qu'elle rencontre Perry, un type aux allures de sauvageon, sans manière et sans charme, il est en pétard car son neveu a été enlevé sous ses yeux, alors il décide de faire alliance avec Aria. Parce qu'il a ramassé son gadget, le Smart Eye, qui pourrait prouver l'innocence de celle-ci, il a promis de le lui rendre si celle-ci le conduit jusqu'à ses Capsules pour sauver le jeune Talon.
L'accord est conclu, mais l'entente est tout sauf cordiale. Aria et Perry représentent deux mondes opposés, avec leurs préjugés, ils doivent ainsi faire preuve de patience, et de tolérance, pour s'accepter et comprendre ce qui les anime. A vrai dire, tout ce passage où ils sont ensemble, dans la nature, à se supporter difficilement et à s'envoyer des noms d'oiseau a été particulièrement savoureux.
Par la suite, ça se complique de nouveau et je n'ai pas manqué de trouver le temps long.
Mon problème, avec ce livre, relève finalement de mes sentiments qui ont oscillé du haut vers le bas, et vice-versa, sans jamais véritablement se fixer. L'intrigue n'est pas inintéressante, les personnages ont du caractère, faisant parfois preuve d'humour, l'attirance entre eux va apparaître, le danger et les révélations font aussi leur tour de force, et pourtant ça coince quelque part.
Je voulais à tout prix aimer ce livre, je pensais que ça pouvait le faire après avoir avalé une bonne partie de l'histoire et bravé mes réticences, mais au moment de tourner la dernière page, c'était comme si j'étais soulagée d'un poids (d'où mon enthousiasme douché !). Je pense que seule la curiosité me poussera à lire la suite, en attendant je demeure confuse et perplexe...
Never Sky, par Veronica Rossi
Nathan, 2012 - traduit par Jean-Noël Chatain
"On ne fait pas du rock avec de la technique, on fait du rock avec des tripes."
Suite à son rendez-vous loupé à Londres, Max s'est donc replié en banlieue parisienne, chez son tonton, avec qui le projet complètement fou de monter un groupe de rock va voir le jour. A partir de là, Max ne peut plus reculer et doit rassembler les troupes - l'occasion de susciter des vocations, de permettre des rencontres et de tester ses limites !
Le résultat est jubilatoire, la prose de Max est toujours aussi ironique, le jeune homme se gausse de ses talents et de ses connaissances en matière artistique, croyez-le ou non, mais son attitude de snob lui va comme un gant et n'est pas du tout usurpée. Ce serait même un crime de lui contester son titre. Et puis ses goûts sont sûrs, que voulez-vous, un garçon de dix-sept, dix-huit ans qui ne se retrouve pas dans sa génération et qui flingue (verbalement) tout ce qui bouge, moi je dis qu'il en faut du culot, ou de l'inconscience, allez choisir.
J'aime la verve de Max, j'aime quand il évoque son amour de la musique, j'aime quand il s'embrase, j'aime quand il se prend la tête, j'aime aussi ses délires entre potes (le coup des pernos, je lui tends mon pouce levé !), j'aime moins sa passion amoureuse, parce qu'elle n'est plus nouvelle et souvent je me lasse, d'ailleurs je trouve aussi que le roman est victime de quelques longueurs, mais c'était le risque, trois saisons plus tard.
J'aime les aventures de Max, ses délires, son sens de la dérision et de la formule, son excentricité, sa frénésie créative et musicale, ses révélations, ses déconfitures aussi (hiii... Natacha, que fais-tu là ?!), j'aime ses potes, en tête Sa Kévinerie et aussi Stéphane, le p'tit nouveau qui n'est pas si nouveau non plus, j'aime la grand-mère de Max qui fait si bien les crêpes, et j'aime quand les romans d'aujourd'hui savent proposer des choses simples, rigolotes et actuelles sans forcément céder aux appels des sirènes ni nous plomber le moral.
Comment devenir une rock star (ou pas), par Anne Percin
Rouergue jeunesse, 2012
"- Dites-moi juste un truc : Ma Dalton, qui m'a ouvert... Elle joue avec vous ?
- Non, elle fait des crêpes.
- Ah, c'est bien aussi. C'est important, les crêpes, quand on répète."
C'était marrant, au début, de se balader dans le temps et surtout on n'avait rien de mieux à faire au présent...
Un parfum d'autrefois, des illustrations aux petits oignons, un goût d'enfance et d'adolescence, un air de ne pas y toucher, des confidences, des rires et des clins d'oeil partagés, c'est ce que nous réserve cette lecture gracieuse et délicate, une belle lecture, en fait.
Par la magie d'un roman (Les aventures de Nelly Olson), Edie, Frankie, Paula et Lili vont devenir amies et comparer leur mode de vie. Toutes les quatre ont dix ans, ne vivent pas dans les mêmes quartiers, mais surtout pas à la même époque. L'histoire se passe de 1890 à 1960, l'occasion de faire un petit tour d'horizon sur les différentes moeurs d'un autre temps (danser le twist, manger des gâteaux, passer du temps avec maman, ou pas, échapper aux leçons, guetter les soirées des adultes...). Au fil des saisons, le voile se désépaissit et d'autres vérités apparaissent : en fait nos héroïnes forment les quatre générations d'une même lignée familiale où, de mère en fille, le livre magique s'est transmis.
Cette lecture évoque la transmission, mais surtout l'évolution de la femme dans la société... A sa façon, délicate et sensible, Nine Antico nous fait partager des pans de vie en toute intimité. On ne se contente pas d'admirer les belles façades des demeures, on peut soulever les fenêtres à rabat pour apercevoir les filles dans leur salle de bains ou dans leur chambre, dans le couloir près de la rambarde de l'escalier ou dans la cuisine au coin du feu. C'est une sensation extrêmement douce et conviviale, parce qu'on a encore plus le sentiment de partager les confidences des quatre filles. En cela, c'est une jolie réussite ! Et puis le trait de Nine Antico est l'élégance même. Comment ne pas être admirative ?
Quatre Filles : Journaux croisés 1890 - 1960, par Nine Antico
Albin Michel jeunesse, 2012
De toute façon, ça devenait trop compliqué ; on ne faisait plus que se disputer. C'était marrant, au début, de se balader dans le temps et surtout on n'avait rien de mieux à faire au présent... Mais on s'est lassées, chacune est occupée de son côté.
"Nous rapportons vos secrets. Vos secrets nous rapportent."
Au 43, rue du Vieux-Cimetière, vit un jeune garçon de onze ans, Les Perrance, dont les parents se trouvent actuellement en Europe pour démontrer scientifiquement que les fantômes n'existent pas. Le problème, c'est que leur fiston croit tout le contraire. Et il a bien raison : sous la coupole de la maison, se trouve une certaine Adèle I. Vranstock. Propriétaire morte depuis des années, elle continue de hanter ses murs, jusqu'à ce que ses talents de romancière soient un jour reconnus, clame-t-elle.
C'est l'été, Ignace Bronchon, célèbre auteur de livres pour enfants, a loué la vieille demeure pour y écrire le nouveau volume de sa série à succès, mais il ignore qu'il devra cohabiter avec un enfant, un chat et un fantôme ! Forcément, il est très mécontent. Bronchon est un mauvais coucheur, qui doit reprendre de la plume pour des raisons financières, sauf que l'homme est frappé du syndrome de la page blanche. La belle aubaine, pour Adèle !
C'est une histoire qui se lit extrêmement vite, puisqu'elle n'est composée que de lettres et de coupures de journaux. L'ensemble est de plus très aéré et illustré par des dessins simples mais rigolos. Point de vue esthétique, c'est vraiment un chouette ouvrage ! Quant à l'intrigue, très classique, elle se laisse découvrir avec grand plaisir. Bronchon est un faux méchant, au départ son caractère est détestable mais il va évoluer au cours de l'aventure. Les et Adèle forment une jolie paire attachante, surtout quand on connaît les antécédents familiaux du garçon... Enfin bref, on passe un bon moment, l'ambiance est délicieusement rétro, tout en charme et en finesse. Je conseille !
43, rue du Vieux-Cimetière (Livre Un : Trépassez votre chemin) par Kate & M. Sarah Klise
Albin Michel jeunesse, coll. Witty, 2012 - traduit par Mickey Gaboriaud
"You've felt it, haven't you? Those feelings that seem to get so big in your chest, like something is so beautiful it aches?"
L'univers dystopique de Heather Anastasiu est un univers technologique, où les cartes à puce et les ports USB servent à réguler les sentiments des humains, condamnés à vivre selon une discipline stricte. Du coup, ils sont complètement amorphes et agissent comme des zombies. Seule Zoe se surprend à ressentir des sensations délicates qui la font sursauter. En gros, elle est capable de glitcher, ce qui est désormais une menace pour elle car elle risque d'être désactivée. Alors elle panique et choisit de s'enfuir, mais elle est rattrapée par un type, Adrien, qui la conduit à la Surface (là où flottent des gaz toxiques, des restes du cataclysme nucléaire qui a provoqué la fin du monde).
Brider les émotions humaines est un sujet déjà abordé dans un roman comme Delirium, toutefois le traitement dans GLITCH se révèle moins profond, limite juvénile et maladroit. Zoe est une héroïne cruche, qui s'adapte aux découvertes avec une naïveté pas du tout touchante (son comportement, dans la deuxième partie du roman, fait lever les yeux au ciel). Un troisième personnage va entrer dans l'arène et compliquer inutilement l'intrigue amoureuse (ce cher Max, pour ne pas le nommer, passe pour un obsédé de service, faut-il en rire ou pleurer, franchement j'hésite !).
D'un autre côté, l'auteur a beaucoup de choses à raconter, avec des tas d'éléments et des rebondissements à tous les étages, l'intrigue en devient habile et séduisante. C'est dommage qu'au coeur de ceci, les motivations des personnages nous inspirent aussi peu de compassion ou d'intérêt. J'avoue avoir été de plus en plus perplexe face à l'embrouillamini des troubles sentimentaux qui saisissent l'héroïne. Je sors donc de cette lecture avec une impression de manque ou d'imperfection qu'il faudrait corriger pour améliorer la suite, car la matière première n'est pas mal du tout, juste mal exploitée.
Glitch, par Heather Anastasiu
Robert Laffont, coll. R, 2012 - traduit par Madeleine Nasalik
Il y a toujours un moment où il faut partir, pense Pomelo.
C'est décidé, Pomelo part pour une Grande Aventure, une aventure sans but, sans destination, guidée selon son instinct (et un petit caillou). C'est l'Aventure de la Vie, la Vraie. Celle qui fait grandir, qui fait découvrir le monde. Sur son chemin, il y a des rencontres qui font réfléchir, parfois on enrage alors qu'on croyait en sa bonne étoile, parfois on n'ose pas y croire tellement c'est bon, c'est chaud et réconfortant.
La Grande Aventure promet de l'exaltation, avaler des kilomètres en sentant le vent dans les oreilles, ou manger des saucisses pour la première fois, mais elle est aussi source de déconfitures et de découragement. Des moments de papamaman, comme il dit. De la solitude, des doutes, une perte de confiance... Et puis, heureusement ça repart au quart de tour.
La Grande Aventure est une histoire d'Amitié et de Partage. Il y a des Ombres Silencieuses qui vous poussent dans le dos en vous soufflant du courage et de l'espoir. Il y a les étoiles dans le Ciel qui racontent des histoires avec des messages secrets. Il y a finalement une petite étoile de mer qui vous accueille avec le regard qui pétille, qui a des tas d'idées géniales et des jeux rigolos, qui revisite le monde au coin du feu, et qui fait dire que tout ça ressemble à la Grande Aventure. On n'aurait pu en rêver de plus belle !
Une lecture aux effets magiques ! Des retrouvailles incontournables avec Pomelo, une philosophie de vie et un regard sur notre monde qui vous redonne comme un coup de boost pour repartir de plus belle. Forcément, c'est indispensable.
Pomelo et la Grande Aventure, par Ramona Badescu & Benjamin Chaud
Albin Michel jeunesse, 2012
Souvent, je me dis que la vie des gens qui ne peuvent pas aller dans les nuages doit être bien ennuyeuse.
extrait d'un petit roman ouvert par hasard, lu en quelques minutes (oui, oui), parfois il n'est pas nécessaire d'écrire des tartines pour attester sa qualité...
C'est une histoire un peu folle, l'histoire d'un garçon qui se réfugie dans les nuages ou visite le fond des mers grâce à un poisson nommé Robert, il est aussi le roi des taupes, conservateur de musée, jardinier excentrique, grand explorateur et un aventurier hors pair. Il explore les rivières souterraines, dresse des cartes et se bat contre des animaux sauvages. Il râle aussi, il peste contre le dérangeur et le désordre sur sa planète, il insiste quand sa parole est mise en doute, il soutient que son histoire est vraie. Ce serait dommage de le contrarier. Ce texte aux accents oniriques est une jolie invitation à l'évasion et à la réflexion. (En effet, ce garçon ne raconte pas que des bêtises, voyons !) A considérer comme une fable, à lire à voix haute, tout en contemplant les illustrations d'Adrien Albert qui se fondent sans complexe dans cet univers de doux-dingue.
Le roi des taupes, par Olivier Rolin
Mouche de l'Ecole des Loisirs, 2012 - illustrations d'Adrien Albert
Tu grandis, ma princesse. Ne t'inquiète pas, c'est juste que tu deviens une femme.
Parmi les nouveaux titres de la rentrée, il y a cet album magnifique, aux illustrations de toute beauté, au texte tendre et poétique.
Tous les mercredis, au café du Palais, une jeune fille brune, aux lunettes rouges, attend sa grand-mère. Les habitués du café observent en silence son manège (tranquille, dans son coin, elle dessine sur une ardoise avec des craies de toutes les couleurs). Elle aussi est spectatrice avide et curieuse du ballet qui se joue devant elle : des amoureux qui semblent tant s'aimer, des bonnes soeurs qui s'offrent des bouts de laine et des aiguilles pour tricoter, une mère et son fils qui n'ont pas le temps de poser, le patron à la tête d'ours qui swingue au son de Night and Day, une tata débordée qui lui glisse L'écume des jours entre les mains...
J'ai aimé chaque mot du texte, j'ai scruté chaque détail des illustrations, j'en ai pris plein les yeux, j'ai soupiré, rêvé, relu ou murmuré des passages. J'étais déjà totalement séduite par la couverture et le format de l'album, je n'ai pas hésité une minute au moment de l'ouvrir, j'ai retenu mon souffle, je me suis dit que je tenais un objet magnifique, page après page je n'étais pas déçue, j'ai adoré les couleurs et la mélodie du texte, je me répète, mais je sentais la difficulté de partager mon enthousiasme, mon éblouissement, le bonheur que cette lecture m'inspire. Alors, j'ai jeté l'éponge, je n'ai pas réfléchi, à la place je préfère délivrer des bouts, des mots, des traits, des tons, ensuite je pense que la rencontre n'appartient qu'à vous.
La salle est pleine.
Hirondelles noir et blanc sans fil où se poser, le serveur et deux serveuss virevoltent. Elle, elle sourit en les regardant avancer en crabe entre deux tables, un seau à champagne dans une main, un plateau en équilibre dans l'autre. Les voix chuchotées, les mots qui fusent, les ordres de plats lancés en cuisine, les odeurs de viandes rôties, de chocolat noir et de fromages mêlées... c'est le moment qu'elle préfère.
Une Princesse au Palais, par Cécile Roumiguière & Carole Chaix
éd. Thierry Magnier, 2012