Maman dans le vent ♥
C'est la deuxième pièce de Jacques Descorde que je lis, après J'ai 17 pour toujours. Et pour la deuxième fois, je suis séduite, emportée, bouleversée par les mots que je viens de découvrir.
Il est très difficile de raconter son histoire - celle d'un papa et de sa fille de dix ans, en voiture, puis dans une chambre d'hôtel en bord de mer. On ne sait pas ce qu'ils fuient, on craint le pire lorsqu'on découvre le pistolet dans le sac du père, on sourit face à l'exubérance de l'enfant, on récite avec eux leurs jolies poésies, on joue dans la mer et on se glace les doigts de pieds en prétendant que l'eau est chaude, on essaie une robe rouge, on danse, on chante, on s'époumone, on s'enferme dans la salle de bains, on attend, on regarde les autres couples manger leur homard sans dire un mot, on soupire, on retient son souffle, et on attend toujours et encore.
Il y a une véritable beauté dans ce texte, court, incisif, poétique, troublant et bouleversant. Je ne sais pas l'expliquer, à chaque fois je suis touchée, j'aime et je le chuchote à voix basse.
Maman dans le vent, par Jacques Descorde (Théâtre, pour l'Ecole des Loisirs, 2012)
LE PERE : A quoi ils pensent tu crois ?
LA FILLE : Herbe verte.
LE PERE : A quoi ils rêvent ?
LA FILLE : Poisson rouge.
LE PERE : Ils sont comme ailleurs.
LA FILLE : Dans la mayonnaise.
LE PERE : Ensemble dans cet ailleurs.
LA FILLE : Le homard en deux.
LE PERE : Sacrifié.
Un temps.
Je vous aime Roxane, et plus longtemps ne puis retenir cet aveu qui de ma main s'enfuit.
LA FILLE : C'est ce qu'il lui a dit ?
LE PERE : Oui. Un matin de printemps sous un grand tilleul.
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