Minuscule, farouche et rousse : je vous présente Millie Plume.
Passage en Folio junior du roman de Jacqueline Wilson paru l'an dernier en grand format :
Nous sommes en 1876, à Londres. Millie est un bébé abandonné, aussitôt placé en famille d'accueil où elle y passera cinq années joyeuses et insouciantes. Puis, la séparation. Les larmes. La déchirure. L'incompréhension. Retour à l'Hôpital des Enfants-Trouvés où l'attend une éducation stricte. Millie ne rigolera pas tous les jours, mais avec sa nature et sa force de caractère elle parvient à surmonter les sales coups montés par ses petites copines de chambrée, par supporter la rigueur du froid dans le lit, le manque de nourriture, les leçons de couture, la discipline des anciennes.
Millie souvent se sent seule, même quand elle retrouve par hasard ses soeurs ou frères d'adoption, ou quand elle s'attache à Polly, une nouvelle venue, ou Ida, qui travaille en cuisine et lui file en douce des raisins secs ou du sucre pour adoucir son porridge. En vrai, Millie n'arrive pas à se satisfaire de son existence. Elle rêve de liberté, ne veut pas finir soubrette, aspire à autre chose, à retrouver sa véritable mère (ne serait-ce point cette écuyère rencontrée un jour au village ?) et à revoir Jem, son grand frère chéri.
Ce qui est très délicat dans le roman, c'est le soupçon de mélange entre l'humour et la tendresse, la générosité et la détresse, la peine, le chagrin, la triste réalité d'un avenir bouché. C'est un joyeux fourre-tout, avec une fin vraiment trop édulcorée, envers laquelle on ne tient finalement pas rigueur. Car on souhaite le meilleur pour Millie Plume. Petite rouquine au tempérament volcanique, débordant d'énergie, elle n'a jamais baissé les bras face à l'adversité et s'est toujours promis de bouleverser ce que la vie avait de plus plat à lui offrir.
C'est une lecture très plaisante, avec une héroïne attachante, pétillante et pleine de sensibilité, où on passe un très bon moment. A noter qu'une suite vient de paraître en grand format, Une nouvelle vie pour Millie Plume.
Les malheurs de Millie Plume, par Jacqueline Wilson
Gallimard jeunesse, coll. Folio junior, 2013 - traduit par Cécile Dutheil de la Rochère
illustrations de Nick Sharratt - couverture : Anne Simon
"C'est trouver l'amour qui compte. C'est ça, le principal."
"Ça faisait mal. Très mal. Et il y avait beaucoup de sang, aussi." C'est la première phrase de la première nouvelle parmi les huit qui constituent ce recueil. Une phrase racoleuse, qui vous place tout de suite dans l'ambiance. Parce qu'il faut le reconnaître, ils sont drôlement forts, ces Anglais. Ils vous balancent leurs histoires courtes avec un aplomb redoutable, beaucoup de finesse et une drôlerie qui fait mouche, sans compter le ton et la forme qui ne font pas dans la dentelle, mais qui bien évidemment parleront instinctivement aux adolescents.
Dans le lot, on trouve tout de même deux textes classiques, le premier de Mary Hooper, le deuxième de Bali Rai. Ce sont deux histoires qui se passent ailleurs, dans l'Angleterre victorienne ou en Inde, deux cultures différentes, mais avec des parcours de femmes marquées durement par la vie et le désespoir. Sans quoi, on plonge sans complexe dans le petit monde des adolescents, à l'heure où les désirs ne sont plus tabous, où l'on est curieux, impatient, craintif et rêveur. L'incursion est réaliste, jamais déplacée, je pense que les auteurs ont été, à plusieurs occasions, bien en phase avec leur public.
A mon sens, Patrick Ness tire véritablement son épingle du jeu avec un texte percutant sur l'homosexualité, et dont la particularité veut que les mots les plus violents et crus soient dissimulés par un trait noir, ce qui laisse encore plus de place à l'imagination. Quant aux autres nouvelles, de qualité très honorable, elles séduiront immédiatement les ados par leur volonté de faire simple, juste, crédible et actuelle. L'ensemble est parfois cru, mais jamais déplacé, même la grossièreté est justifiée.
Voilà un recueil à faire lire dans les écoles (niveau collège et plus), pour rappeler à nos jeunes impatients / curieux de goûter le fruit défendu qu'il existe des règles essentielles : l'impact émotionnel. Car après tout, "le moment où on cesse d'être puceau est un truc intime qui devrait se trouver derrière un trait noir, plutôt que les insultes et les conneries sur le sexe". Parce que, "faire l'amour pour la première fois, ce n'est vraiment pas très important. C'est trouver l'amour qui compte. C'est ça, le principal."
La première fois (recueil de nouvelles) par Anne Fine, Bali Rai, Jenny Valentine, Keith Gray, Mary Hooper, Melvin Burgess, Patrick Ness & Sophie McKenzie
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2011 - traduit par Laetitia Devaux et Emmanuelle Casse-Castric