“L'espoir porte un costume de plumes.”
Frances est correctrice à la rubrique Livres d'un magazine en pleine tourmente économique. Autour d'elle, les têtes tombent, les postes vacillent, mais Frances tient bon la barre. Elle vient de décrocher la protection de sa supérieure, un miracle qui s'explique depuis la tragédie dont elle a été témoin, un soir, sur une route de campagne. En rentrant de chez ses parents, Frances est arrivée la première sur les lieux d'un accident de voiture. Une femme, blessée, mourante, lui a confié ses derniers mots. Peu de temps après, la famille a cherché à la contacter pour en discuter. Et cette famille, c'est celle de l'écrivain célèbre, Laurence Kyte... Sans calcul, sans rouerie, Frances va glisser une ballerine dans ce cercle réservé aux privilégiés.
Et c'est comme ça, de fil en aiguille, qu'elle réussit à se fondre une place parmi les Kyte, à se rendre indispensable sans devenir envahissante, à demeurer discrète mais attentive, observatrice, toujours à l'écoute, mystérieuse et intrigante... C'est un portrait de femme comme on a rarement l'occasion de lire, Frances est une jeune femme quelconque, même si sa famille pense qu'elle est excentrique. Elle mène une existence insipide, qui trouve du piquant suite à un drame dont elle va exploiter toutes les trames, toutes les failles avec une intelligence remarquable.
Paradoxalement, à aucun moment on a envie de la détester, de la rabrouer. On suit son petit bonhomme de chemin, on s'interroge sur ses motivations, on n'a pas envie de la prendre pour une arriviste, on estime même son ascension menée sans panache, mais avec brio. Pas de manichéisme dans l'histoire, du moins pas de façon apparente, ni selon ma propre interprétation, c'est aussi pour cette raison que j'ai été captivée par ma lecture, tant la personnalité de Frances demeure trouble et insaisissable. Un roman où règne une véritable tension psychologique, à découvrir !
Le beau monde, par Harriet Lane
Plon, coll. Feux Croisés, 2012 - traduit par Amélie de Maupeou
«Parfois, la frontière est mince entre le rêve et la réalité, entre l'illusion et le palpable». (La mort en rouge)
Un soir, seul dans son appartement, passablement alcoolisé, Clément sursaute aux coups frappés à la porte. Un homme hurle au désespoir, avant de se jeter du haut des cinq étages. Planqué derrière le judas, l'étudiant est mortifié. Il a cru voir la silhouette d'une jeune femme nue, aux cheveux rouges, mais les premiers éléments de l'enquête tendent à conclure au suicide. Seulement le lieutenant Serinam ne souhaite pas boucler le dossier aussi hâtivement, d'autant plus que son ancienne collègue, et amoureuse, Lou Venucci, désormais détective privée, est également sur la piste de la mystérieuse “femme aux cheveux rouges”.
Particulièrement bien ficelé, le roman a su mêler avec habileté des secrets familiaux, enfouis depuis la 2nde Guerre Mondiale, à des événements plus récents, frappés de tragédie, et qui surviennent sans crier gare, en semant un chaos indescriptible. Le scénario s'appuie sur une mécanique imparable (rebondissements à gogo, chapitres courts, un rythme infernal, pas le temps de dire ouf, et quelques flashbacks pour puiser aux sources du Mal...). C'est imparable, on mord à l'hameçon quasi immédiatement ! Et puis, les personnages aussi sont très attachants, notamment Clément, que l'on ne voyait pas du tout occuper une place aussi importante dans l'intrigue.
Mais il est préférable d'en dévoiler le moins possible, pour apprécier davantage toutes les subtilités de l'histoire, qui sait dérouter, cogner, faire sourire et attendrir tout à la fois ! On se surprend même à douter de la réalité et à fantasmer sur une apparition surnaturelle de la silhouette féminine ... Un fantôme, peut-être ? Pierre Gaulon sait jouer avec nos nerfs, et nos certitudes ! Bref, c'est une très sympathique découverte et j'espère que l'auteur produira d'autres ouvrages avec Serinam, Lou et Clément.
La mort en rouge, par Pierre Gaulon
City éditions, 2013