« Le désespoir tue. »
Sur une route de campagne, un bus est détourné de son trajet, disparaît quelques heures puis réapparaît les clefs sur le moteur ronronnant, les phares allumés. Plus de conducteur, ni de passagers à bord. Que s'est-il passé ? Au large, dans un petit chemin paumé, la carcasse d'un autre bus sert de lieu d'incarcération de ces otages hors du commun. Ils sont une petite trentaine, beaucoup sont âgés, d'autres voyagent en famille, avec leurs enfants ou leurs grands-parents. Les ravisseurs étaient organisés, ils ont agi en vitesse. Ils ont enfermé tout le monde, avec seulement un peu d'eau et une baignoire pour leurs besoins intimes. Leur délivrance est prévue dans moins de 24 heures.
Le décompte a commencé.
Comment vous dire, tout le mal que ce livre fait ! C'est une lecture cauchemardesque, en long, en large et en travers. On est là, à bord de ce bus, avec tous ces pauvres gens, en train de se demander s'ils vont s'en sortir, puis de composer avec la promiscuité, la chaleur, le manque d'espace, l'envie de boire, de manger, de se soulager... C'est infernal, la tension est incroyablement palpable, distillée avec langueur, car on devient abruti par l'attente et l'enfermement.
Cette lecture vous serre à la gorge, vous prend en étau, elle vous étouffe. Vous êtes prisonniers du même calvaire que tous les personnages, vous assistez au meilleur, mais surtout au pire. Car dans une telle situation, très vite les instincts se réveillent, la folie guette, le désespoir se répand. Quel livre bouleversant ! J'avais les larmes aux yeux au moment de le finir. J'étais plus qu'éprouvée, j'étais éreintée, mise k-o. C'est vraiment une lecture démoniaque, dure et implacable, par contre je ne regrette pas de l'avoir découverte, j'ai beaucoup aimé, même si j'ai été malmenée, j'ai vécu des sensations fortes et mémorables.
Le bus, par Madeleine Robitaille (éditions Mic Mac, coll. Caféine, avril 2010)
“La nature trouve toujours moyen de se venger des outrages qu'on lui fait subir !”
« Quinze ans, pour mes parents, c'est l'âge de faire un grand tour hors du nid, pour apprendre à être autonome. Voilà pourquoi ils m'envoient passer le mois d'août dans le Sud, sur une île. » Accueilli par la famille Casanova, Maxime comprend qu'il devra s'adapter à une vie plus modeste, mais centrée sur la nature, dans ce petit village de pêcheurs.
En compagnie de Maria et de son petit frère Ange, Maxime va passer ses journées à vadrouiller et explorer l'île. Un jour, lors d'une excursion dans les montagnes, ils sont surpris par une violente tempête et des torrents de boue qui ravagent tout sur leur passage. C'est cette tache noire dans le ciel, qui menaçait depuis quelques temps, qui vient d'exploser et déverser sa colère sur la terre.
Le décor change du tout au tout, les paysages idylliques et vacanciers se transforment en un univers de désolation apocalyptique. Les éléments sont déchaînés, nos trois jeunes gens ne sont plus en sécurité. Par aubaine, ils trouvent refuge chez un éleveur de chèvres, qui vit seul, loin de toute civilisation, avec des idées réactionnaires et un comportement de plus en plus fébrile.
C'est un récit prenant, sombre et inquiétant, dans lequel on avance à l'aveuglette, en se sentant cerné par l'angoisse, le doute et l'accablement. On fait corps avec les personnages, on partage leur galère, on ressent leur énergie, leur abattement, leurs espoirs et leurs rêves (brisés).
Il y a, certes, un message écologique derrière cette terrible histoire : la nature est fâchée et veut nous rappeler que c'est elle qui commande. Pour la calmer, il faut faire preuve de repentance et lui montrer notre respect.
Mais que d'émotions au programme ! D'ailleurs, on sort complètement groggy par un tel acharnement. C'est diabolique et éprouvant, même le retour "à la normale" est bouleversant, mais c'est tellement fort et poignant.
J'ai été scotchée, j'en aurais voulu encore un peu plus, surtout lors du passage au monastère, m'attendant probablement à des embrigadements louches et flippants. Mais je divague, je divague... Lisez ce livre, c'est du bon, du brut, un sacré remontant !
Prisonniers du chaos, par Roland Godel (éd. Thierry Magnier, août 2010) - ill. de couverture : Véronique Figuière