"Vous avez déjà essayé de vous mettre à la place d’un fantôme ?"
Inscrite en dernière année à Manderley, une école prestigieuse située dans le New Hampshire, la narratrice quitte sa famille, ses amis et sa Floride natale pour réaliser un vieux rêve de gosse. Mais son arrivée n'est pas très bien accueillie, puisque ses camarades semblent lui reprocher de prendre la place d'une autre, autrement dit la fabuleuse Becca Normandy. Cette dernière a mystérieusement disparu quelques mois plus tôt, de folles rumeurs ont couru à son sujet (disparition, fugue, assassinat...), aujourd'hui ses suivants attendent son retour avec fébrilité.
Tout ça fait que la nouvelle (dont on ignore le prénom) doit rester dans l'ombre d'une fille adulée par tous et supporter les commentaires mesquins et autres agissements douteux, avec stoïcisme, bravoure, indifférence mais aussi colère et ras-le-bol. Le déchaînement de haine et de jalousie atteint son paroxysme lorsque la nouvelle s'amourache de Max, beau gosse énigmatique, mais surtout le petit copain attitré de Becca. Trop, c'est trop. La foule est en délire. A ce stade, cela devient de l'acharnement, bête et méchant.
Alors qu'au départ je trouvais que c'était un bon livre, qui se lisait comme un thriller, dans une ambiance glauque, avec des zones d'ombre et pas mal de suspense, j'ai fini par le trouver inégal, voire troublant et dérangeant. C'est probablement lié au comportement excessif et pathologique des ados. Alcool, sexe et drogue sont à la fête. Je ne m'y attendais pas du tout ! Quand on songe au roman de Daphné du Maurier, on a d'autres idées de tourmente en tête... En fin de compte, on ne retrouve Manderley que de nom, en plus d'une interprétation toute personnelle du passé qui hante le présent.
J'ai néanmoins trouvé, par certains côtés, ce livre poignant et désabusé. On ressent vivement le mal-être des personnages, l'action est lente et l'auteur a très largement dépeint la douleur et les angoisses que vivent les acteurs de ce psycho-drame. Par contre, l'usage d'artifices racoleurs fait qu'on n'adhère pas trop non plus à un tel propos. C'est déplacé et irritant, de la provoc' inutile (ne confiez pas ce livre à de trop jeunes lecteurs !). En somme, cette lecture laisse une sensation très ambivalente ! Il y a du bon, mais alourdi par des couches superficielles et inutilement sulfureuses.
Moi et Becca, par Paige Harbison (Harlequin, coll. Darkiss, mars 2013 - traduit par Isabel Wolff-Perry)
"La vie était fragile et, contrairement à ce que nous nous étions imaginé, dans notre insouciance d'ados, nous n'étions pas invincibles."