Cinq jours, par Douglas Kennedy
Laura est mariée à Dan depuis de nombreuses années, et pourtant elle ne se sent ni heureuse ni épanouie. Elle mène sa vie professionnelle avec application, elle adore son travail et pourtant là aussi elle commence à flancher. A force de côtoyer tous les jours la détresse des autres (elle est technicienne en radiographie), Laura a le sentiment de devenir transparente.
Elle a aussi pris à bras le corps la dépression nerveuse de son fils, a supporté la neurasthénie de son époux, humilié d'être au chômage. Le temps passant, Laura a accumulé le stress et la morosité des autres et a fini par ne plus se soucier d'elle-même.
Lors d'un weekend à Boston, elle rencontre Richard, agent d'assurances, marié et père de famille lui aussi, un type au physique ordinaire, qui l'aborde, la touche, lui parle. Tous deux ont d'abord un déclic intellectuel. L'un et l'autre vouent une passion pour les mots et la littérature et blablatent des heures durant sur leurs connaissances, leurs frustrations aussi, car jamais auparavant ils n'avaient pu exprimer leur érudition avec autant de liberté.
De fil en aiguille, les sentiments vont apparaître. Et ainsi, ils vont vivre une liaison fusionnelle, passionnelle, intense.
Fin de l'histoire ? Pas vraiment.
Car l'histoire est terriblement banale, nous faisant comprendre que la raison reste plus forte que la passion, que nos vies sont vouées à demeurer dans leur petite case, bien cloisonnée. Inutile de rêver en sortir. Il y a le poids de la famille, des proches, de notre éducation aussi ... Tout ça fait qu'on demeure paralysé plus souvent qu'on ne le voudrait.
A vrai dire, je n'ai pas beaucoup accroché à cette histoire, que j'ai trouvée lente, longue et barbante.
L'ennui, dans ce livre, c'est l'accumulation de clichés, les dialogues plats, le besoin d'étaler une bonne couche de culture qui sonne faux, l'impression d'être en retrait de cette histoire, tristement banale de surcroît, avec des personnages ternes et ordinaires, qui se jettent dans une passion amoureuse laquelle ne nous fait pas rêver une seconde.
L'interprétation de Rafaèle Moutier est jolie et délicatement sensuelle, mais un peu moins convaincante dès qu'il s'agit du personnage de Richard (quel pédant, ce type ! et pourtant quel lâche ! ...). En clair, autant j'ai pu être touchée par la partie féminine, la sensibilité de Laura, autant j'ai été agacée par ce type médiocre, frileux, qui bombe le torse avant de se défiler au moment opportun (tout ce qui m'insupporte !).
C'est triste et tellement pathétique dans l'ensemble. Ce n'était franchement pas le livre qu'il me fallait lire en ce moment (la maladie, la morosité, le constat d'échec, et tout ça). Je n'en pouvais plus d'arriver à la fin ! Par contre, aussi bizarre que cela puisse paraître, j'ai tout de même voulu aller jusqu'au bout de l'histoire, même si j'ai survolé des passages de temps à autre. Comme quoi ! Ce livre renferme peut-être un pouvoir de fascination morbide...
Audiolib, novembre 2013 - texte lu par Rafaèle Moutier (durée d'écoute : 10 h 31) - traduit par Bernard Cohen, pour les éditions Belfond.
L'Affaire Saint-Fiacre, par Simenon
Rarement un roman de Simenon ne m'aura autant fait penser à un Agatha Christie ! L'histoire commence quand une lettre anonyme arrive à la P.J. : « Je vous annonce qu'un crime sera commis à l'église de Saint-Fiacre pendant la première messe du Jour des Morts. » Maigret se rend aussitôt sur les lieux, lesquels sont aussi ceux de son enfance. Ce retour au bercail va clairement le chambouler, au fil de ses promenades et de ses errances au cœur d'un village qui ne le reconnaît plus, et que lui-même ne reconnaît pas non plus !
A commencer par la comtesse Saint-Fiacre, dont il avait gardé un souvenir ému et troublant d'une femme élégante et pleine d'assurance, lui était le fils de l'ancien régisseur du château. Aujourd'hui, c'est une petite dame toute vieille, fragile du cœur, qui a dilapidé sa fortune et qui s'est découvert, lors de son veuvage, une folle passion pour des hommes jeunes et intéressés. Peut-être cette passion lui aura été fatale, car elle est victime d'une crise cardiaque au cours de la messe, sous les yeux du commissaire, clairement dépassé par les événements.
La suite va confirmer qu'il restera longuement spectateur de cette comédie macabre, notamment lors du souper final, mis en scène de façon théâtrale, au cours duquel les principaux suspects sont rassemblés autour d'une table, attendant la sentence proférée par le maître d'œuvre qui n'est pas Maigret ! C'est non seulement un roman où flotte un parfum de nostalgie, assaisonné d'une pointe de mélancolie, mais c'est aussi un certain regard sur le temps qui passe, les rapports à la filiation, la hiérarchie sociale, l’argent et le sexe. Cela se laisse lire sans frémir, mais avec beaucoup de respect.
François Marthouret, encore une fois, est un excellent narrateur pour restituer ce ton solennel, cette ambiance pesante et désenchantée propre au roman de Simenon. L'effet est poignant et subjuguant. Durée d'écoute : 3 h 48 simplement.
Audiolib, novembre 2013, texte lu par François Marthouret. Existe aussi en format poche.